« Projet d’organisation des surveillances de nuit à la loge de Sully » : le président Bélaval joue avec le feu…

En examinant l’ordre du jour du comité technique convoqué pour le 19 octobre dernier et qui à la suite de divers aléas que nous expliquons ailleurs, s’est finalement tenu le 8 novembre, vos représentants ont eu la surprise de découvrir un point inscrit pour avis, apparemment anodin, intitulé : « Projet d’organisation des surveillances de nuit à la loge de Sully ».

À la lecture de la note de présentation, de quoi s’agit-il ?

Rien moins que remplacer la présence permanente d’un agent dans les locaux de l’hôtel de Sully les nuits du samedi au dimanche et du dimanche au lundi par un système de télésurveillance à distance !

Précisément : « Afin de prioriser l’allocation des moyens temporaires et saisonniers sur les journées et sur l’ouverture du site aux visiteurs, et afin de tendre vers un système de surveillance de nuit similaire à celui mis en œuvre dans une grande partie des monuments du réseau ne bénéficiant pas d’astreintes logées, il est proposé le recours à la télésurveillance sur un nombre limité de nuits, le samedi de 19h15 au dimanche 9h00 et le dimanche de 19h15 au lundi 8h ».

Pas si surprenant… Pour notre direction, le calcul est simple : l’organisation actuelle « génère […] une importante consommation d’heures de vacations, qui ne peuvent par ailleurs être reversées pour l’accueil des visiteurs et l’ouverture au public d’autres monuments du réseau », les 1500 à 2000 heures de vacations annuelles ainsi « économisées » pourraient donc abonder le fonctionnement d’autres postes qui en ont eux aussi cruellement besoin…

C’est limpide. Hélas, il apparaît bien évidemment que, outre qu’elle supprime une partie des tâches de plusieurs agents vacataires pour les confier au privé et qu’elle nécessite (c’est la raison de son examen en CT) un réaménagement des emplois du temps de nos collègues de la loge, cette évolution cache des conséquences potentiellement extrêmement graves, infiniment lourdes de conséquences.

Même pour les non-avertis que nous sommes, on comprend à son simple énoncé qu’elle fait peser un risque majeur pour les biens et pour les tiers en matière de sécurité incendie.

En effet, quelques données élémentaires sont à prendre en compte :

Le marché de télésurveillance (les appareils ont déjà été installés mais personne n’en a parlé) a été remporté par la société Delta Security Solution (Delta2S). En cas de déclenchement de l’alarme, celle-ci garanti contractuellement une intervention en un minimum de 45mn (et non un maximum), avec fort peu de chance de voir ce délai réduit. D’après nos informations, Delta qui reçoit le signal sous-traite en effet l’intervention sur site à la société CSD. L’employé intervenant pour cette dernière ne connaissant pas vraiment les lieux (selon le président, l’équipe d’intervention sera restreinte à 4 agents de sécurité mais qui ne pourront évidemment prétendre à la même connaissance approfondie des lieux que celle des collègues actuellement en poste) mettra objectivement un temps certain à procéder à la levée de doutes pour confirmer ou infirmer l’existence d’un feu (récupération des clefs, ouverture et fermeture de portes, exploration du bâtiment, etc.). Cette intervention peut, on le comprend, excéder largement les 45 mn contractuelles.

Dans le meilleur des cas, le fonctionnement de l’alarme relèvera d’un dysfonctionnement du système ou de toute autre raison de déclenchement intempestif. Mais dans le pire…

Dans le pire des cas, le feu couve, l’employé met du temps à arriver et à établir sa réalité, le foyer s’étend attisé par la fragilité du bâtiment et la spécificité des matériaux de construction. Les systèmes pare-feu ne retiennent les flammes que quelques minutes. C’est bientôt le bâtiment tout entier qui s’embrase avec un risque important d’extension du sinistre aux immeubles voisins ou la plupart des occupants dorment tranquillement…

Vous nous direz que ce scénario catastrophe effrayant est exagéré ? Eh bien, pas tant que ça.

À la suite du dernier exercice des pompiers dans nos murs (l’hôtel de Sully, il faut le savoir aussi, est un site pilote pour eux), ceux-ci ont expressément indiqué aux responsables du site et à la direction que la tenue au feu du bâtiment ne dépasse pas… 10mn.

Vous avez bien lu. Les pompiers, heureusement casernés rue de Sévigné, à deux pas, seront sur place en 4mn. Intervenant dans les 10mn après le départ du sinistre, ils pourront le maîtriser. En dessous de 15 mn, ils pourront, probablement et si toutes les conditions sont réunies, sauver une partie du bâtiment mais une partie seulement… Au-delà, c’est la plus grande partie de l’édifice qui partirait en flammes avec de forts risques d’extension du brasier aux bâtiments attenants…

La gueule de bois du lendemain risque d’être violente : outre la perte patrimoniale majeure, nous aurons aussi perdu notre outil de travail, nos ordinateurs, des dossiers, des livres, des objets et des œuvres d’art ; et en l’absence du tout plan de continuation de l’activité (PCA), nous n’aurons plus qu’à nous planter au milieu en nous regardant dans le blanc des yeux. Ce sera le chômage technique…

Même si une partie seulement du bâtiment était atteinte, c’est tout le bâtiment qui restera inaccessible pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines…

La question de la sécurité est si importante que nous renonçons ici à épiloguer sur le coût considérable de cette dangereuse externalisation. Un coût sans commune mesure avec celui des heures de vacations utilisées jusque-là et qui permettaient de maintenir une présence humaine permanente dans le bâtiment. Un coût à mettre également en rapport avec l’explosion des budgets d’externalisation des fonctions ASM et d’autres observable depuis quelques années dans le budget de l’établissement. Parfait reflet des politiques ineptes mises en œuvre par nos gouvernants et répercutées par notre tutelle, nous vous reparlerons de tout cela…

Interrogé au CT par les élus du SNMH-CGT, le président face à ces légitimes inquiétudes et ces évidences que nous lui exposions a répondu que c’était un risque assumé que prenait la direction du CMN. Notre direction se dit contrainte à ce choix par un plafond d’emploi arrivé à saturation et des crédits de vacations réduits comme peau de chagrin afin de dégager toutes les heures de vacations disponibles dans leurs usages « non prioritaires » pour pouvoir les redéployer sur les services prioritaires.

C’est effrayant. Les politiques d’austérité (sur l’emploi public) imposées au service public mettent en danger non seulement les emplois, les missions et le service public mais également le patrimoine que nous sommes censés protéger.

Au comité technique du 8 novembre le SNMH-CGT a exigé de notre direction qu’elle retire ce projet saugrenu et irresponsable de télésurveillance de nuit. Un projet élaboré en dépit de tous les avis experts connus et reconnus. Un projet qui brade les enjeux de sécurité du monument, qui dénie le caractère spécifique et la situation de ce patrimoine et qui fait planer une immense menace sur notre outil de travail !

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