La prévention n’est pas accessoire

Chsct ministériel du 21 octobre 2022

Déclaration liminaire

 

Remerciements

Tout d’abord, nous tenons à remercier chaleureusement tous les acteurs de prévention au service de l’amélioration de la santé au travail au ministère de la Culture à l’occasion de la fin du mandat des représentants du personnel. Leur engagement quotidien est fondamental pour les collectifs de travail.

Nos remerciements s’adressent aussi aux collègues du bureau de la santé et sécurité au travail, bureau à vocation ministérielle, qui préparent et assurent le suivi de cette instance ministérielle mais animent aussi le réseau de prévention. Ils sont une ressource fondamentale pour les acteurs de prévention en régions.

Dans le secteur privé

En 2019 en France, ce sont près de huit cents travailleurs et travailleuses qui sont morts au travail. Ainsi, deux travailleurs ou travailleuses meurent chaque jour dans notre pays. Et pourtant, ces chiffres sont incomplets puisqu’ils n’incluent pas les décès liés au travail dans la Fonction publique, ni ceux des indépendants en particulier les autoentrepreneurs.

Ces morts sont aussi invisibilisés car au fond, il est assez peu question de la cause de leur décès dans la société. Devrait-on alors conclure : travailleur invisible, personne ne te voit travailler, personne ne te voit mourir ? Certainement pas pour la Cgt !

Encore un chiffre, la France est le premier pays européen où le taux d’accidents mortels au travail est le plus élevé avec 3,5 accidents mortels qui y sont reconnus pour 100 000 salariés contre 1,7 en moyenne au niveau européen. Source Eurostat.

Les causes de la mort au travail sont multifactorielles.

  • L’intensification du travail avec le sous-effectif, le stress, l’épuisement professionnel et la charge cognitive intense ;
  • L’organisation du travail, découpée en marché public ou en sous-traitance, reste aussi un impensé en termes de santé au travail ; la question économique prime avant toute chose et réduit à rien le reste ;
  • La sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) est un sport patronal dans notre pays ; en 2017, 48% des AT/MP n’ont pas été déclarés. Source : rapport de la commission sur la sous-déclaration des AT/MP au parlement et gouvernement;
  • La médiocrité des politiques de prévention : seuls 55% des entreprises françaises réalisent l’évaluation annuelle des risques professionnelles en 2019 – 75% au niveau européen – alors que c’est une obligation depuis 1989 en matière de réglementation européenne ; Source : alternatives économiques.
  • La démolition des contre-pouvoirs des salariés sur leurs conditions de travail avec la suppression des CHSCT depuis les ordonnances macron de 2017 ; 28% des salariés du secteur privé ne sont plus dans le champ d’une instance de santé et sécurité au travail ; Source France Stratégie.
  • Le manque d’inspecteurs du travail : 1796 pour 20 millions de salariés.
  • La dépendance des médecins du travail de leur employeur d’une part et le manque de médecins de travail d’autre part ;
  • L’absence d’ambition nationale en matière de politique de prévention qui se traduit par un manque de moyens et d’objectifs.

Monsieur le président du Chsct Ministériel, il est vraisemblable que votre réflexion vous amène à penser que tout ceci n’a rien à voir avec l’ordre du jour de notre dernière séance d’aujourd’hui. C’est mal connaître les méfaits des politiques menées sur le monde du travail, public comme privé.

En effet, à l’ordre du jour de notre séance aujourd’hui, les bilans du ministère de la Culture relatifs à la santé au travail, les indicateurs fournis par le bureau de la sécurité et santé au travail, la connaissance fine du monde réel et des collectifs de travail que nous avons, nous amènent à vous faire une alerte sur la situation du travail et de la santé des agents du ministère en 2022.

A défaut d’enquête, des arguments d’autorité

L’invisibilisation et les tabous sont les pires ennemis de nos travaux ; au ministère depuis dix-huit mois, les décès par accidents cardiovasculaires sont nombreux – on en décompte cinq – et touchent des collègues en activité qui ont entre 45 et 65 ans. Ceci n’apparait nulle part dans les bilans au prétexte que ces décès ne seraient pas en lien avec le travail. Seules des enquêtes du Chsct seraient à même d’établir les causes de tels accidents. Nous sommes quand même très inquiets de tels chiffres et encore plus de voir que le plan des treize actions votés au Chsct M de juin n’est toujours pas mis en œuvre alors qu’il y a urgence. Pour mémoire, ce plan fait suite à l’enquête sur l’impact de la crise sanitaire sur la santé des agents et du travail au ministère.

Nous sommes aussi inquiets d’avoir pris connaissance d’un suicide d’une collègue d’un établissement public. A la lecture de la presse, encore faut-il lire la presse, nous sommes effarés de prendre connaissance de tels errements de l’Etat et de hauts responsables ministériels même s’il s’agit d’un autre ministère. Il faut une enquête du Chsct local sur ce suicide pour en établir les causes et le lien, ou non, avec le travail.

Face à cette situation d’alerte que nous signalons, ou la ministre de la Culture prend cette alerte au sérieux, porte une ambition forte en matière de santé au travail, donne les moyens aux services pour mettre en œuvre des politiques de prévention et protéger les collectifs de travail et la santé des hommes et des femmes qui les animent, ou notre ministère connaîtra des moments très difficiles ;

A la Cgt, nous avons fait le choix d’œuvrer aux côtés de nos collègues pour développer une culture de la prévention au travail sans tabou ni invisibilité ; de protéger les collectifs de travail, les informer sur leurs droits mais nous ne ferons rien tout seul.

Nous encourageons les collègues à s’emparer sur leurs lieux de travail de la question de la prévention et de le faire entendre à leur employeur par tous moyens à disposition, y compris par les urnes.

Paris, le 21 octobre 2022

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