La direction d’Orsay aux abonnés absents

Le directeur du Centre Pompidou s’est exprimé publiquement pour dire :

« Nous devons débattre, au sein de l’établissement, avec le personnel et ses
représentants, des adaptations nécessaires. Ils savent que ma porte leur est ouverte,comme elle l’a toujours été ».
C’était au 11e jour de grève à Beaubourg (jeudi 3).

Le président-directeur du Louvre a dit que son établissement allait supprimer 15 postes en 2010 (sur 2200 agents), et ajouté que la direction allait faire en sorte que cela « ne pèse pas sur les missions » du Louvre. Comment ? « Il faut faire preuve d’imagination ».
Le Louvre, c’est comme Mai 68 : l’imagination au pouvoir.

Et à Orsay ?

Rien. Pas un mot. Le silence assourdissant de la direction a régné pendant toute la durée de la grève. Pas un coup de téléphone aux syndicats, pas la moindre invitation à faire le point sur la situation. Des dirigeants qui s’enferment dans leurs bureaux.

« Je gagne 7200 € par mois, soit moins que mes collègues présidents du Centre Pompidou et du Musée du Louvre », s’exclame le Président du musée d’Orsay dans un entretien au journal LE MONDE du 17/10/2009.
On comprend pourquoi. Au moins ses collègues du Centre Pompidou et du Louvre s’expriment, apportent des éléments d’information chiffrés, condition de base pour des négociations.

Certes, M. le Président était en Australie pendant la grève, mais il a dû être informé de ce qui se passait dans nos murs. Rien ne l’empêchait de faire passer un message aux personnels et aux agences de presse par son cabinet.

Vendredi 4 décembre, la direction s’est seulement contentée de chiffrer à la demande des médias le nombre de grévistes à « une petite quarantaine » sur 600 agents, a-t-elle déclaré, assurant ainsi le minimum syndical.

Monsieur le Président, quand nous ouvrirez-vous votre porte (ornée d’une Méduseeffrayante quoique fort belle), pour nous dire :

combien exactement d’emplois nets vont être supprimés au musée d’Orsay en travaux en 2010 ?
Combien de postes de titulaires vont disparaître précisément ?
Combien de contrats et de vacations ne seront pas renouvelés ?
Qu’en est-il de la vingtaine de postes non pourvus ?
Quel est le montant des coupes budgétaires imposées aux divers services ?
Nous attendons depuis longtemps des réponses à ces questions.

La BNF (Bibliothèque nationale de France) rejoint le mouvement et appelle à la grève demain mardi 8 décembre.
64 postes vont être supprimés en trois ans : 26 en 2009 ; 20 en 2010 ; 18 en 2011. En outre, une trentaine d’emplois non pourvus ne seront pas financés en 2010.

Bon voyage ?

Notre président est de retour des antipodes, première étape de la tournée des chefsd’oeuvre post-impressionnistes du musée d’Orsay, présentés au musée de Canberra.

Il aime beaucoup voyager, et voyager beaucoup.
C’est ainsi qu’il explique au Conseil d’Administration – qui s’en étonne – la forte augmentation de dépenses en frais de mission : « Je voyage beaucoup plus que mon prédécesseur » (compte rendu CA 16/03/09, p. 14). Il commentait aussi dans la presse en 2007 cette impérieuse passion de citoyen du monde :
« En France, nous n’avons plus les moyens de faire notre métier, assure Guy Cogeval. Au Québec, il a trouvé non seulement un salaire, mais surtout de nouvelles conditions de travail. Je voyage comme je veux ! ajoute- t-il. Fini, les bordereaux à remplir 15 jours à l’avance pour obtenir un billet d’avion et les négociations sans fin pour se faire rembourser
les notes de frais… » (Le Point n°1442 – 16/01/2007)

S’il y a des soucis pour le remboursement des notes de frais de la tournée blockbuster, le musée d’Orsay n’y sera pour rien : les missions sont prises en charge par les musées australien et américain organisateurs.
Mais pendant que la présidence et son cabinet voyagent de continent en continent pour trouver de l’argent, ils ne sont pas là pour s’occuper des problèmes du musée, de son fonctionnement et de ses personnels, entendre les équipes et les soutenir face aux difficultés qui s’empilent.

Notre président d’Orsay a raison : En France, nous n’avons – en effet – plus
les moyens de faire notre métier. C’est pourquoi les personnels se mobilisent, et puisque nous sommes du même avis, nous l’invitons à nous
rejoindre dans la lutte pour obtenir de l’État que chacun puisse faire son
métier ; lui, et nous.

« Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. »
Charles Baudelaire, ‘L’invitation au voyage’