Rendez-vous aux jardins du 4 au 6 juin : Pas de jardins et domaines nationaux sans jardiniers d’art !

Les jardins sont une création, une intervention et une interprétation de la Nature par application d’un geste technique : l’art des jardins. Reconnu par la charte de Florence de 1981, cet art transmis et enrichi par des femmes et des hommes depuis des siècles a contribué à faire des jardins nationaux des monuments historiques à part entière.

Malgré des événements nationaux plébiscités comme les « Rendez-vous aux jardins » et en dépit de leur rôle essentiel face aux enjeux culturels, climatiques et environnementaux actuels, l’état des jardins nationaux se dégrade faute de moyens humains et financiers mais surtout en l’absence de vision et soutien politique de l’Etat.

 

Des métiers d’art en voie d’extinction et des transmissions de savoirs qui disparaissent

Les effectifs dans les jardins ont été réduits au fil des ans de plus d’un tiers. Parfois, cet abandon de recrutement et de formation s’est fait par la montée en puissance de l’externalisation. Mais ce choix politique, souvent plus onéreux pour l’Etat, n’est pas sans incidence sur la qualité de gestion des parcs et des jardins gérés par le ministère de la culture. La spécialité est encore enseignée mais les recrutements sont tellement rares qu’on est à l’aube du comptage de spécimens encore présents ! Les sentinelles du jardin vont s’éteindre et la valeur ajoutée aux jardins historiques est menacée de disparition.

Ne pas reconnaitre l’expertise des jardiniers d’art du ministère à sa juste mesure, c’est prendre le risque de perdre des pans entiers de la diversité florale et végétale de nos jardins nationaux par standardisation à outrance des plantations. Durant des siècles, les jardiniers d’art ont veillé à diversifier leurs connaissances et pratiques de l’art des jardins qui a fait la renommée internationale des parcs et jardins français. Les collections botaniques historiques disparaissent et les serres sont à l’abandon. Actuellement, il y a seulement 11 chefs de travaux d’art dans la spécialité jardin au ministère (dont 3 au CMN pour 60 parcs et jardins) et 6 d’entre eux sont proches de la retraite. Une génération de « sachant » est prête à partir à la retraite. La transmission c’est maintenant ! Il y a une urgence de recrutement et de transmission auprès des techniciens d’art dans les trois ans à venir.

Aujourd’hui, la réduction des moyens, qui entraine dans sa course l’affaiblissement de la connaissance de l’art, ne permet plus d’assurer la transmission des savoirs et savoir-faire aux nouvelles générations. Les agents les plus expérimentés sont très inquiets de l’absence de recrutements nouveaux pour assurer la relève et faire perdurer les « gestes » au profit des générations futures (ex. disparition programmée de la production florale). Qui va diriger les jardins de Saint-Cloud, Versailles, Pau, Fontainebleau, Compiègne, les Tuileries, Saint Germain en Laye, Rambouillet ou Trianon ?

Au-delà des gestes, la connaissance théorique des plantations, des arbres et des sols demande des années d’apprentissage. Les découvertes récentes obligent les agents à penser autrement l’avenir des sols –  souvent mal traités – qui constituent le socle vital de tous les jardins. Pour relever ce défi, l’acquisition de nouvelles compétences telle que la protection biologique intégrée est indispensable. Par ailleurs, les formations post-recrutement sur site ont totalement disparu ; elles permettaient d’apprendre le métier et de parfaire ses connaissances théoriques et pratiques au sein d’une équipe distincte de son futur jardin d’affectation. L’offre de formations ne couvre plus toutes les spécificités du métier (productions florales, bucheronnage, tailles d’arbres et arbustes, encaissage des orangers, taille des topiaires…) ni toute la diversité des missions.  

Des conditions de travail indignes et des jardins en piteux état

Piètres salaires, équipes réduites, pénibilité des gestes et postures… Comme-ci cela ne suffisait pas, dans de nombreux sites les conditions de travail sont indignes :      

  • Locaux de jour vétustes dans des bâtiments préfabriqués, non chauffés et non climatisés ;
  • Vestiaires étroits (parfois 1m2 par personne), partagés entre les femmes et les hommes grevant la possibilité d’accueillir du personnel féminin, et dimensionnés pour les seuls personnels permanents ;
  • Absence de douches, de toilettes, d’eau chaude et d’armoires séchantes ;
  • Difficultés d’accès à un poste informatique pour suivre l’actualité du ministère et/ou de l’établissement ;
  • Casiers en bois alors que c’est interdit, présence d’amiante.

S’agissant des jardins, 22 ans après le tempête de 1999, le bilan est sans appel : aujourd’hui des milliers d’arbres sont abattus sur l’ensemble du ministère de la culture, faute d’une gestion du patrimoine arboré, et en l’absence de politiques de replantations. Ce sont des parcs et jardins où la sécurité des publics n’est plus assurée et dont les accès sont interdits à la moindre brise car les arbres sont sénescents. Des paysages sont défigurés et des pépinières en état de délabrement avancé sont totalement fermées.

L’avenir des jardins et de la biodiversité ainsi que la reconnaissance de l’expertise et de la technicité propres aux jardiniers d’art exigent :

  • L’ouverture immédiate de concours pour toutes les catégories des métiers d’art dans les spécialités « végétaux » à la hauteur des besoins (au minimum 100 postes d’ici 2025) ;
  • Un plan de formation initiale et continue adapté aux métiers et aux spécialités ;
  • Des moyens pour que la transmission des savoirs et savoir-faire se fassent dans de bonnes conditions ;
  • Un repyramidage de la filière des métiers (40% de C au lieu de 60%, 40% de B au lieu de 33%, 20% de A au lieu de 7% actuellement) pour préparer le changement générationnel ;
  • La rédaction et mise en œuvre immédiate de plans de gestion et de conservation de tous les parcs et jardins du ministère ;
  • Un plan d’action pour l’amélioration des conditions de travail partout où c’est nécessaire, des visites régulières CHSCT et des inspections in situ.

Paris, le 3 juin 2021