Mutuelle au ministère de la Culture : des négociations difficiles !

Un cadre pour toute la Fonction publique

Le gouvernement, à l’instar de ce qu’il a imposé au secteur privé, a décidé, en 2021, de rendre obligatoire pour tous les agents publics actif.ves la souscription d’un contrat de protection complémentaire santé (PSC ou « mutuelle »). Un accord interministériel a été signé le 22 janvier 2022 par toutes les organisations syndicales représentatives de la Fonction publique. Il prévoit notamment un niveau minimum de garanties (panier de soins de bon niveau) avec une participation financière de l’employeurà hauteur de 50% minimum. Cet accord a été transcrit par un décret (avril 2022) et un arrêté (mai 2022) fixant le panier de soins « socle » ainsi que la possibilité pour les retraité.es d’y adhérer (sans participation de l’État employeur), de rendre la cotisation en partie proportionnelle aux rémunérations et de prévoir des mécanismes de solidarité.

Nous revendiquons, vous le savez, une prise en charge intégrale des soins par la sécurité sociale. Même si cet accord n’est pas à la hauteur de cette revendication, il doit permettre de meilleures conditions d’accès aux soins pour toutes et tous les agent·es et leurs proches.

Cet accord prévoit (décret d’avril 2022) que les négociations ministérielles puissent, notamment, améliorer le panier santé « socle » pour toutes et tous (fonctionnaires et contractuelles du ministère).

La mise en œuvre au Ministère de la Culture

Au 1er janvier 2025, tout agent·e (titulaire ou contractuel.le) devra obligatoirement adhérer à une couverture santé complémentaire choisie après appel d’offres ministériel. Seul·es les agent·es de l’Inrap ne sont pas concerné·es, un dispositif de protection sociale complémentaire obligatoire financée en partie par leur l’employeur étant déjà en place. Au total, 23 424 agent·es sont donc concerné·es par cette évolution. Sans compter les retraité·es, dont l’adhésion sera facultative et sans participation de l’employeur.

Les négociations de déclinaison/amélioration de l’accord interministériel ont commencé en avril avec l’ensemble des organisations syndicales siégeant au Comité Social d’Administration ministériel (CSAM).

Des négociations PRÉVUES par l’accord interministériel… mais unilatéralement bloquées par décret ou déniées par la Direction générale de l’administration de la Fonction publique (DGAFP) !

Le décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 ferme toute possibilité d’augmenter le pourcentage de la participation employeur, désormais bloqué à 50%. De plus, et en toute opacité, la DGAFP a par la circulaire du 29 juillet 2022 « recommandé » aux employeurs publics de ne négocier aucune modification du panier de soins minimum obligatoire (« socle »).

Un arbitrage aberrant économiquement pour les employeurs comme pour les agents !

Dans un système de mutualisation, plus le nombre d’adhérent·es est élevé, mieux les dépenses sont réparties et compensées. Au lieu de proposer des options (payantes) pour ajouter des garanties santé, il est donc bien plus avantageux économiquement, pour les agents et les employeurs, d’améliorer le socle obligatoire de garanties. Cela s’explique pour plusieurs raisons :

  • Cela permet une meilleure mutualisation et des frais de gestion diminués… ;
  • La participation de l’employeur bénéficie de cotisations sociales allégées sur le socle obligatoire, mais pas sur les options ;
  • La participation des salarié·es sur le socle est déduite des revenus imposables, mais pas sur les options ;
  • Cela améliore la participation au fond de solidarité pour les retraité·es et le financement d’actions de prévention et d’accompagnement social…

Les employeurs privés ne s’y sont pas trompés, préférant financer le socle obligatoire, mais très rarement les options. Pourquoi donc Matignon a-t-il décidé de financer les options à hauteur de 5 euros en refusant d’améliorer le panier de soins ?

Les projections faites au ministère de la Culture sont éloquentes !

Le ministère prévoit donc de mettre en place une première option à 10 € (5 € employeur + 5 € agent·e). Le taux d’adhésion attendu est de 85%. Mais si ces mêmes garanties étaient ajoutées au socle, la participation employeur bénéficierait à 100 % des agent·es pour le même coût total. C’est pourquoi l’Intersyndicale CGT/SUD/FSU/UNSA/CFTC demande que la participation supplémentaire des employeurs soit utilisée pour améliorer le socle, qui bénéficie à 100% des personnels.  De plus, une amélioration du socle de garanties ferait mécaniquement baisser le prix des options puisque l’écart relatif entre le socle et une amélioration optionnelle se verrait réduit de fait. Tout le monde y serait gagnant !

La situation particulière du ministère de la Culture

D’un point de vu démographique, l’âge moyen au ministère de la Culture est de 47 ans, ce qui est plus élevé que dans les autres ministères. Cela a un impact direct sur le coût d’une complémentaire santé : un an supplémentaire d’âge moyen entraîne, à garanties égales, une augmentation des dépenses (donc du coût) de 2 %. Ajoutons que les agent·es  du ministère sont concentré·es en Île-de-France et dans les grandes agglomérations, où le coût des soins est plus élevé. Malheureusement, aucun dispositif de péréquation n’a été prévu pour garantir des tarifs de cotisationéquivalent sur l’ensemble des ministères. L’intersyndicale CGT/SUD/FSU/UNSA/CFTC a pris ces éléments en compte pour retravailler la proposition à 10€ de l’administration dans le but que le reste à charge (ce que l’agent·e paye après remboursement de la sécurité sociale et de la mutuelle) ne dissuade pas l’accès aux soins. Liste non exhaustive d’améliorations proposées :

  • pour les consultations de spécialistes et des actes techniques médicaux ;
  • sur les prothèses dentaires du panier libre (alignement sur le remboursement du panier maîtrisé), les inlays onlays, les implants dentaires, l’orthodontie adulte refusée (à l’heure où l’Etat annonce une baisse de la prise en charge par la sécurité sociale des frais dentaires !!!) ;
  • des montures en optique et de la chirurgie réfractive ;
  • 6 séances/an de médecine douce au lieu de 3.

Le coût de cette proposition a été chiffrée à 13,34 €/agent·es, soit 3,34 € de plus par mois à répartir entre l’employeur et l’agent. Cette amélioration du socle de garanties pour toutes et tous représenterait un surcoût pour le ministère de 460 000 euros par an (19 €/agent·es /an…), somme modérée au regard de son budget global, permettant d’adapter le panier de soins aux besoins réels de ses personnels, donc de répondre à l’enjeu primordial de l’accès aux soins

Alerte rouge sur les garanties de prévoyance !

Au niveau de la Fonction publique, une autre négociation est en cours concernant les garanties dites de « prévoyance » (invalidité, incapacité : compensation de rémunération en cas d’arrêt maladie de plus de 90 jours, décès…). Le gouvernement a retardé ces négociations (qui devaient démarrer au mois d’avril 2022 selon le protocole d’accord signé le 3 juin 2021), empêchant ainsi la possibilité d’un couplage mutuelle prévoyance.  Or actuellement, les contrats de mutuelle d’au moins 10 000 agent·es du ministère incluent de telles garanties (contrats MGEN, Intériale et CNP). Ces agent·es risquent de devoir y renoncer lors de la mise en place du contrat complémentaire santé obligatoire le 1er janvier 2025.

Le gouvernement porte l’entière responsabilité de cette situation. Pour l’intersyndicale CGT/SUD/FSU/UNSA/CFTC, il est hors de question que les personnels en payent les pots cassés et qu’un accord sur la complémentaire santé ait pour conséquence de faire perdre aux agent·es le bénéfice de leurs garanties prévoyance actuelles.

Paris, le 20 juin 2023