Le cadeau du père Macron pour l’archéologie préventive

Le 29 décembre dernier, avec quelques jours de retard sur le père Noël, le président de la République et le gouvernement Philippe livraient leur cadeau à l’ensemble de la communauté archéologique et plus généralement aux défenseurs du patrimoine culturel et de l’environnement : un jolie décret « relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet ». Publié au journal officiel de la République Française pour le réveillon de la Saint-Sylvestre (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/12/29/INTA1731553D/jo/texte), ce décret accorde à certains préfets et « à titre expérimental », une autorisation « de déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat ». En clair, fer de lance de l’idéologie macronienne, pour qui les règles et les normes sont des freins à l’initiative et probablement aussi à l’enrichissement de quelques uns, ce décret livre un nouvel outil aux mains des préfets pour aller vers encore moins de sauvegarde et de protection du patrimoine, mais pas seulement… Tous pouvoirs ou presque aux préfets et au ministère de l’intérieur : il y a comme un air de mini coup d’Etat !

 

Il suffit de lire avec précision la notice du décret pour comprendre quelles sont les motivations premières : « le décret vise à évaluer, par la voie d’une expérimentation conduite pendant deux ans, l’intérêt de reconnaître au préfet la faculté de déroger à certaines dispositions réglementaires pour un motif d’intérêt général et à apprécier la pertinence de celles-ci. A cet effet, il autorise, dans certaines matières, le représentant de l’Etat à prendre des décisions dérogeant à la réglementation, afin de tenir compte des circonstances locales et dans le but d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques. ».

Pire encore, les préfets seront amenés à apprécier la pertinence de certaines dispositions réglementaires et donc à vider les lois de ce qui les rend bien souvent applicables dans toutes les « matières » suivantes :

1° Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;

2° Aménagement du territoire et politique de la ville ;

3° Environnement, agriculture et forêts ;

4° Construction, logement et urbanisme ;

5° Emploi et activité économique ;

6° Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

7° Activités sportives, socio-éducatives et associatives.

Les heureux élus dotés de ces nouveaux supers pouvoirs sont les préfets des régions et des départements de Pays de la Loire, de Bourgogne-Franche-Comté et de Mayotte, les préfets de département du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse ainsi que le représentant de l’Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, par délégation, le préfet délégué dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Pour être utilisées, ces dérogations doivent réunir certaines conditions, et notamment  « avoir pour effets […] de réduire les délais de procédures », ce que les archéologues connaissent bien, sic !

Pour la sous-direction de l’archéologie : il n’y a pas lieu de s’inquiéter tout est sous contrôle…, étant donné que les dérogations devront « être compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France ». C’est oublier que s’agissant du respect de ses engagements internationaux, la France n’est pas toujours un modèle… et qu’un tel outil dans les mains de ceux qui sont censés faire respecter les règles de l’Etat dans les territoires représente un fort moyen de pression sur les Services régionaux de l’archéologie.

Une circulaire d’application étant en cours de rédaction, le SGPA CGT-Culture demande formellement à la ministre de la Culture des garanties pour que ce décret ne soit pas un outil au service de la casse du patrimoine archéologique. Le SGPA CGT-Culture appelle tous les archéologues à être extrêmement vigilants sur la suite et sur l’application de ce décret et à se tenir prêt à la mobilisation si un préfet ose dégainer cette arme.

Paris, le 18 janvier 2018.