Réforme du CNC

Une réforme mal engagée : Dialogue social détérioré et tensions sur la composition du conseil d’administration
Le gouvernement et la direction du Centre National de la Cinématographie (CNC) ont annoncé au printemps dernier leur intention de procéder à une réforme du CNC par voie législative.
La première ébauche du projet de loi communiquée aux représentants du personnel début mai a provoqué un tollé général. En effet, dans le contexte d’un climat social déjà fortement perturbé, le ministère de Christine Albanel et les dirigeants du CNC eurent, dans un premier temps, « la brillante idée » d’évincer les représentants du personnel du conseil d’administration institué par cette réforme.
Devant la protestation unanime des organisations syndicales du CNC et ministérielles, le cabinet de la
Ministre a donné instruction au CNC de revoir sa copie en ouvrant le nouveau conseil d’administration à des élus salariés. Ce faisant, la rue de Valois s’est conformée aux dispositions qui régissent tous les établissements publics du ministère, ni plus ni moins.

Le gouvernement décide de procéder par ordonnances
Alors qu’à la fin juillet la direction du CNC affirmait encore que la réforme se déroulerait selon l’un ou l’autre des scénarios suivants : 1) une loi sur le cinéma spécifique ; 2) une loi sur le cinéma attachée à la loi sur l’audiovisuel public, nous avons appris début septembre que le gouvernement entendait procéder par ordonnances (la loi sur l’audiovisuel public inscrite au calendrier parlementaire en octobre comportera plusieurs articles donnant habilitation au gouvernement d’agir par ordonnances).
Le ministère, via le CNC, a justifié cette décision en arguant d’un calendrier parlementaire surchargé, de la nature du texte (soi-disant beaucoup trop technique et dense) et de l’opportunité « inespérée » de réaliser rapidement une réforme plutôt favorable au CNC et à ses missions.

Un CTP tronqué
En conséquence, le Comité Technique Paritaire (CTP) du CNC convoqué le 8 septembre n’a pas eu à se prononcer sur le contenu même de la réforme mais sur les articles permettant au pouvoir politique de recourir à cette procédure particulière. La CGT a, sans aucune hésitation, voté contre ce texte entravant le processus institutionnel et démocratique normal.

Une occasion loupée de débattre au parlement et avec les citoyens du devenir des dispositifs publics de soutien à la création, à la production et à la diffusion cinématographiques
Le gouvernement a décidé de procéder par ordonnances et donc de passer outre un débat parlementaire et citoyen sur les mécanismes de soutien au cinéma essentiels à la défense de l’exception et de la diversité culturelles tant au plan hexagonal qu’au plan européen.
Voilà une décision qui ne manque pas de sel quand on sait que quelques semaines auparavant le Président de la République et son gouvernement ont conduit une réforme constitutionnelle supposée renforcer les prérogatives du parlement.

Une décision d’autant plus incompréhensible et mal venue que ce projet de réforme du CNC semble aller dans le sens de la consolidation des conditions de l’intervention publique pour le cinéma telle que portée par le CNC depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Au vrai, Christine Albanel loupe là une occasion rêvée d’exposer et de mettre largement en débat les grands axes de sa politique en faveur du dynamisme économique, de l’audace et de la richesse artistique du cinéma français (Cf. discours prononcé par la Ministre à Cannes le 20 mai 2008).
Ce croche-pied aux institutions démocratiques de notre pays est d’autant plus regrettable que la période est féconde en attaques violentes contre le cinéma indépendant. Ainsi, en vertu du sacro-saint dogme libéral de la « concurrence libre et non faussée », on assiste aujourd’hui à une offensive contre l’action des collectivités publiques en matière d’exploitation de salles et de programmation. Les circuits ou multiplexes n’hésitent plus à traîner devant la justice les cinémas d’art et d’essai au prétexte qu’ils rognent leurs parts de marché. C’est le principe même du soutien et des aides publics au cinéma que les multinationales des industries culturelles et du divertissement entendent abolir.

Le rôle et les attributions du futur conseil d’administration en question
La CGT prend acte de la création d’un conseil d’administration où les salariés du CNC seront dûment
représentés. Pour autant, nous resterons extrêmement vigilants et particulièrement revendicatifs sur
son champ de compétences.
Que la Ministre et la directrice du CNC se félicitent de l’extinction prochaine des subventions allouées au CNC (Cf. Conférence budgétaire du 25/09) et donc de l’autonomie financière quasi complète du CNC n’a au demeurant rien de rassurant (le CNC comme tous les opérateurs du ministère est « invité » à partir à la conquête de ressources propres).
Ces orientations gouvernementales et ministérielles trouvant leur traduction dans la RGPP – ou comment l’Etat se désengage et fuit ses responsabilités -, la CGT les combat avec force. Elles posent question naturellement sur les sources de financement de l’établissement, sur leur volume et leur répartition et, in fine, sur les capacités d’intervention effectives du CNC en direction du cinéma.

A côté du conseil d’administration, une instance consultative
Une instance consultative chargée du contrôle de gestion et d’utilisation du compte de soutien devrait être créée par décret en lieu et place de la commission dite « Chavanne », commission informelle au mode de désignation et de fonctionnement quelque peu discrétionnaire.
Si cette nouvelle instance peut faire avancer transparence et gestion équilibrée des fonds dans l’intérêt du cinéma, tant mieux. Nous veillerons en tous cas avec nos camarades de la Fédération CGT du Spectacle à ce que les organisations de salariés soient parties prenantes de cette instance.

Statut des personnels : Le scandale continue
Le projet de réforme valide et officialise la possibilité pour le CNC de recourir à des contractuels (ce que le CNC s’empressera de généraliser) alors même qu’il reconnaît par ailleurs explicitement la nature bicéphale du CNC, à la fois administration centrale et établissement public à caractère administratif (EPA).
Or, comme la CGT n’a eu de cesse de le rappeler, à statut et missions d’administration centrale, et donc à corps de fonctionnaires existants (missions d’accueil et administratives entre autres), le CNC doit impérativement faire droit au statut général de la Fonction publique et recruter des fonctionnaires titulaires.
Ce n’est pas hélas la première fois que le CNC franchit le trait et fait fi de la loi. Il a par le passé procédé par divers cavaliers législatifs en récusant une décision limpide du Conseil d’Etat comme une autre toute aussi claire du Conseil Constitutionnel quant au recours abusif aux contractuels – rien que cela !
Cet entêtement du CNC à piétiner le statut général et à recruter en toute illégalité des contractuels sur
toutes ses missions n’est pas le fait du hasard ou une quelconque lubie de sa direction. Il s’inscrit à l’évidence dans la logique de casse des emplois statutaires et de déréglementation du travail suivie par le
gouvernement et relayée non sans zèle par Christine Albanel.

N.B :
– La CGT a exigé que la réforme du CNC soit présentée par la Ministre au Comité Technique
Paritaire Ministériel et qu’elle donne lieu au débat de politique culturelle qu’elle mérite. Le CTPM se
tiendra le 10 octobre prochain. Nous attendons notamment que la Ministre s’exprime sur les suites
qu’elle entend donner au rapport « Cinéma et concurrence » que lui ont remis Anne Perrot et de Jean-
Pierre Leclerc au mois de mars dernier.

 Quelques dates à retenir : Le CTP du CNC devrait revenir sur le fond de la réforme fin 2008/début
2009 (toilettage et consolidation du statut et des missions du CNC) ; le second volet de la réforme
portant sur le « droit de la concurrence » devrait être examiné avant la fin du 1er semestre 2009.

Paris, le 30 septembre 2008

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