Texte d’orientation du SGPA Cgt du 23 mars 2004

Sommaire :

 Culture 2003: l’année noire – brefs rappels

 Comment le dogme se décline à l’échelle ministérielle ?

  • Les réformes des musées
  • Le projet de loi de décentralisation des DRAC

 Comment le dogme se décline à l’échelle de l’archéologie préventive?

  • 1. la loi du 1er août 2003 modifiant la loi du 17 janvier 2001
  • 2. La circulaire du 30 juin 2003 sur l’organisation des services
  • 3. Le rapport d’audit sur l’archéologie préventive de l’Inspection Générale des Finances dit “Charpillon” du 11 juillet 2003.

 Comment résister au dogme ?

  • 1. Prendre en compte la situation nouvelle
  • 2. Organiser la résistance dans l’immédiat
  • 3. Ouvrir une perspective d’avenir

Culture 2003: l’année noire – brefs rappels

Intermittents du spectacle, archéologie préventive, musées nationaux, directions régionales des affaires culturelles, monuments historiques, administration centrale… les coups pleuvent avec une rare violence sur les missions et structures fondamentales de notre ministère. Rien n’échappe, ou presque, à la frénésie de “réforme” de Jean-Jacques Aillagon et de ses liquidateurs. Au prétexte de modernisation, de libération des énergies et des responsabilités, de proximité et de simplification des procédures – formules tout droit sorties du lexique de communication gouvernementale -, nos dirigeants s’acharnent à démolir un à un les instruments de service public édifiés depuis la création du ministère en 1959.

Résolus à frapper vite et fort, le Ministre et son cabinet ont mis en chantier la marchandisation de tous les secteurs d’activités du ministère de la Culture. À terme ce ne sont que les aspects rentables et tape-à-l’œil qui seront conservés ; les autres étant condamnés à disparaître sans bruit. Le ministère et ses idéologues ont fait le choix d’ignorer le refus unanime exprimé par les agents du ministère et plus largement par les citoyens.

Jugeons-en plutôt :

 Les archéologues des SRA, de l’INRAP, du CNRS et des collectivités territoriales se battent depuis novembre 2002 pour sauver les missions inscrites dans la loi du 17 janvier 2001 et l’Institut national de recherches archéologiques préventives qui n’est autre que la structure de service public indispensable à la préservation du patrimoine archéologique : le 1er août (vote de la loi modifiant le statut de l’archéologie préventive), le ministre, en plein accord avec la majorité parlementaire, donne carte blanche aux aménageurs pour bétonner tranquillement, en limitant au maximum l’intervention des pouvoirs publics pour sauver les archives du sol.

 Les intermittents du spectacle se sont démenés tout l’été pour défendre des droits essentiels à la diversité et à la richesse de la création artistique : Monsieur Aillagon maintient le cap d’un accord archi-minoritaire excluant près de 30% des professionnels du spectacle des indemnités chômage.

 Les salariés des musées nationaux dans leur grande majorité (une pétition sur l’initiative de la CGT-Culture a réuni près de 2000 signatures auprès des 4500 salariés du secteur), avec la communauté scientifique, s’élèvent contre le démantèlement de la Direction des Musées de France et de la Réunion des Musées Nationaux

 Le CTPM du 11 septembre 2002 n’avait pas dérogé à cette doctrine implacable : pour réformer heureux, cassons beaucoup ! Le Ministre s’étant autorisé à quitter le CTPM avant l’examen de ce point, son cabinet persiste et signe : il est pour lui urgent de placer les musées nationaux sur l’orbite de la marchandisation. Les responsables politiques du ministère, fidèles à eux-mêmes, ont fait passer en force leurs projets destructeurs sur les musées nationaux et les services d’administration centrale.

La CGT-Culture s’est évertuée à dénoncer la logique de démembrement à l’œuvre, tout en faisant valoir des alternatives de progrès crédibles et réalistes. Tous nos efforts se sont heurtés à un mur. Nous avons rencontré ce qui ressemble de très près à la quintessence du dogmatisme ultra-libéral, dixit :

«L’État a-t-il le monopole de l’intérêt général culturel ? Dans une optique à moyen terme, la question doit être posée. À la fois parce que jusqu’à présent, il a toujours préféré faire lui-même plutôt que faire faire, et parce qu’il a, spontanément, tendance à en faire trop : trop de nouveaux équipements, surtout à Paris, trop de nouvelles missions aussi dispersent les forces des fonctionnaires et absorbent des crédits en quantité toujours insuffisante. Il serait sans doute temps de réfléchir à un nouveau partage des tâches, qui laisse plus de place à l’initiative privée ou décentralisée, ainsi qu’à la façon de réagir à une prolifération de l’offre culturelle qui ne parvient pas toujours à créer sa propre demande.” Rapport Sénat “Culture et Communication» (PLF 2003 : PH. MARINI, Rapporteur général Y. GAILLARD – 25 novembre 2002).

En gros: le service public en fait trop (ah bon!) Laissons faire le privé.

Regardons les choses en face : le pouvoir en place fait peu de cas de la démocratie sociale; les instances paritaires sont allégrement foulées aux pieds ; nos innombrables demandes de consultations des salariés ne reçoivent aucune réponse (lors du CTPM, nous avons pourtant proposé au Ministre de consulter les salariés des musées nationaux sur sa réforme par voie référendaire, en vain !)

N’en doutons plus, il est grand temps, par-delà les différences statutaires et catégorielles, de construire, dans l’unité la plus large, la plus forte mobilisation possible contre cette funeste entreprise ministérielle. C’est tous ensemble qu’il nous appartient maintenant de riposter, de faire barrage au saccage du service public culturel et à la disparition programmée du ministère de la culture et de la communication et au-delà à faire barrage à la progression du dogme libéral de la marchandisation de la société.


Comment le dogme se décline à l’échelle ministérielle ?

Le Premier ministre avait demandé, en juin 2003, à tous ses ministres de “procéder à un réexamen systématique des missions et structures qui les servent. Certaines de ces missions peuvent être déléguées ou abandonnées. D’autres, au contraire, doivent être renforcées ou exercées différemment”. L’application du dogme se traduit par une absence totale de concertation, un mépris des personnels, un dépérissement progressif de certaines missions, opéré par l’émiettement des moyens d’intervention et d’expertise et par des mesures d’une prétendue décentralisation.

Les réformes des musées

En misant sur le “tout autonomie”, le ministère a fait le choix de rompre à terme avec les concepts constitutifs de cette exception française: la mutualisation des moyens, la transversalité de la politique d’acquisition et d’enrichissement des collections nationales, l’équité et la solidarité entre petits, moyens et grands établissements, la complémentarité des actions de médiation culturelle. Les études d’impact, commandées par le ministère, font totalement l’impasse sur les problématiques, fondamentales pour les services publics concernés, de la diversification des publics, de l’accès démocratique aux musées et aux trésors nationaux qu’ils renferment. De plus, la Direction des Musées de France et la Réunion des Musées Nationaux sont les instruments institutionnels incontournables d’une politique muséale homogène et ambitieuse. Ces deux institutions sont indispensables au maillage culturel du territoire.

Le projet de loi de décentralisation des DRAC

Moins de 25 ans après leur création, les directions régionales des affaires culturelles sont appelées à disparaître si rien n’est fait pour stopper les projets gouvernementaux. Le projet de loi de décentralisation, présenté au conseil supérieur de la Fonction publique le 9 septembre, examiné par l’assemblée nationale à compter du 24 février, a été adopté.

 Aillagon: le coup de force permanent. Devançant la conclusion du débat parlementaire, Jean-Jacques AILLAGON a cherché à précipiter ce plan de démantèlement du ministère de la Culture. Par circulaire en date du 30 juin 2003, le ministre a demandé aux préfets de lui présenter des propositions sur “l’évolution des missions et de l’organisation des services déconcentrés chargés des questions d’architecture et du Patrimoine”. Les expérimentations ont été lancées dès le 1er janvier 2004. La concertation est ramenée à une mascarade. Sur le fond, si ce projet ne correspond pas à la suppression des DRAC, comme s’en défend le ministère, dans les faits cela y ressemble beaucoup.

 La décentralisation-liquidation des DRAC. Jean-Jacques Aillagon s’attaque aujourd’hui à un pilier principal de la politique de l’État dans le domaine culturel les DRAC. Avec le transfert de l’Inventaire aux régions et les expérimentations de décentralisation dans le domaine des monuments historiques, les services patrimoniaux du ministère de la Culture se sépareraient, en région, des 2/3 de leurs effectifs et de la quasi-totalité de leurs crédits d’intervention. Les agents, qui auront encore et toujours à mettre en œuvre le service public, doivent tout faire pour éviter que le ministre, après son départ, ne laisse un champ de ruines derrière lui.

 L’Inventaire général. L’État veut se débarrasser de ses missions d’opérateur et de son personnel. En outre, rien ne garantit qu’à moyen terme, les moyens transférés par l’État, continueront à être consacrés par les collectivités à des activités scientifiques et patrimoniales ! Les nouvelles “prérogatives régaliennes” de définition et de contrôle des missions, qui sont créées à l’occasion de cette “décentralisation”, sont pourtant incompatibles avec le transfert de la documentation et de tous les personnels. Alors, faute de personnels, la sous-direction de l’Inventaire est condamnée à assumer toutes les incohérences nationales en matière d’inventaire au niveau régional.

 Les conservations régionales des Monuments Historiques Le discours ministériel sur les conservations régionales des Monuments Historiques (CRMH) est lénifiant. Le ministère aurait sauvegardé l’essentiel de ses prérogatives en matière de monuments historiques puisqu’il conserve ses compétences régaliennes en matière de classement et d’inscription ainsi que le contrôle des travaux sur les monuments protégés, mais il y a plusieurs “mais”. Une fois de plus le ministère s’en prend à la maîtrise d’ouvrage de l’État. Le propriétaire de MH obtient la maîtrise d’ouvrage sur ses édifices, la maîtrise d’ouvrage de l’État est réduite à la peau de chagrin, les architectes des Bâtiments de France sont mis en concurrence et des “expérimentations” de gestion des crédits (entretien et restauration) et de programmation des travaux sur monuments protégés sont réalisées par des conseils régionaux.

De toute évidence, vu la masse de crédits (près d’un milliard de francs) et l’intérêt politique de la maîtrise de la programmation, c’est, la mesure qui va susciter le plus d’appétit des collectivités. À très brève échéance les missions, et donc les personnels des CRMH mais aussi des services des affaires générales, qui en DRAC sont chargés du suivi de ces questions, seront transférés à la région ou au département, en application de l’article 74 du projet de loi.


Comment le dogme se décline à l’échelle de l’archéologie préventive?

C’est dans ce contexte général que se placent trois documents constituant la cheville ouvrière de la politique du Ministre Aillagon contre l’archéologie préventive:

 1. la loi du 1er août 2003 modifiant la loi du 17 janvier 2001

 2. La circulaire du 30 juin 2003 sur l’organisation des services

 3. Le rapport d’audit sur l’archéologie préventive de l’Inspection Générale des Finances dit “Charpillon” du 11 juillet 2003.

Ces trois documents sont de nature très différente. Le premier est un texte législatif émanant de la représentation nationale, il a force de loi. Tout en le combattant, il va falloir “faire avec”. Le second est une circulaire interne au ministère de la Culture du seul ressort du ministre et du gouvernement. Il peut encore être repoussé par les personnels du Ministère. Le troisième est un rapport qui n’a aucune obligation ni validité pour être appliqué, ce n’est qu’une orientation politique sans cadre réglementaire. On doit refuser de l’appliquer.

Ainsi la loi du 31juillet 2003 organise la privatisation des interventions d’archéologie préventive. La circulaire du 30 juin 2003 sous prétexte de réorganisation des DRAC organise leur démantèlement. Et pour achever le tableau, le rapport d’audit dit comment s’y prendre pour aller encore plus loin dans la liquidation du service public.

1. La loi du 1er août 2003 une loi taillée sur mesure pour les aménageurs

 Maîtrise d’ouvrage privatisée et mise en concurrence commerciale. Jean-Jacques Aillagon a apposé son nom au texte qui met à bas la loi du 17 janvier 2001 sur l’archéologie préventive. Ce faisant, il entrera dans l’histoire comme celui qui a confié la réalisation des fouilles aux aménageurs et, en instituant la mise en concurrence commerciale, a assujetti la recherche archéologique à la loi du marché.

Une partie cruciale des opérations d’archéologie préventive, la fouille archéologique, pourra dorénavant être assurée par des opérateurs privés, choisis par des aménageurs-maîtres d’ouvrage totalement étrangers à la discipline et dont les intérêts sont contraires aux nécessités de la recherche. La concurrence commerciale se fera sur les coûts : le moins d’effectif possible pour un délai le plus court possible. Un vrai dumping social et scientifique. Le financement des opérations de fouille se fera au coup par coup. Il en est fini de la péréquation des moyens selon les besoins scientifiques.

La redevance est maintenue pour le diagnostic, son assiette est élargie à l’ensemble des opérations d’aménagement (de plus de 3000m2), qu’il y ait intervention archéologique ou non : Elle est donc maintenant déconnectée de l’activité. C’est le seul point positif de cette loi. Mais il est immédiatement remis en cause par la mise en place d’un fond d’intervention alimenté uniquement par la ponction, au minimum de 30%, des recettes de cette redevance pour financer les exonérations fiscales, et les fouilles gratuites accordées par la loi. Les cadeaux accordés aux lobbies des aménageurs vont entraîner pour la première fois, depuis trente ans, une baisse générale de l’activité.

 Toute la chaîne opératoire de l’archéologie préventive déstabilisée. Pour la première fois aussi la chaîne opératoire scientifique sera rompue. La continuité administrative de l’État et la cohérence scientifique n’iront plus de paire. Si l’État prescrit, les diagnostics peuvent être confiés soit à l’Inrap soit à une collectivité territoriale. La phase fouille est mise en concurrence entre différents opérateurs publics : Inrap, une collectivité territoriale, CNRS, Université et privés : associations, services techniques de BTP etc. En fait, on peut arriver à l’aberration scientifique suivante où l’État prescrit, la collectivité territoriale diagnostique, Bouygues fouille et l’Inrap publie, avec pour seul critère de cohérence le coût de revient.

Mais pour libérer le dogme il fallait rompre la chaîne scientifique!

 La décentralisation à la carte des diagnostics empêche toute programmation. Le monopole public sur le diagnostic est maintenu mais les services de collectivités peuvent à discrétion se substituer à l’Inrap (totalement ou ponctuellement, à leur convenance). Cette décentralisation à la carte va nécessiter la consultation systématique des collectivités territoriales avant toute prescription de diagnostic et les SRA, déjà à la limite de l’asphyxie par manque de personnel, vont bientôt subir de plein fouet les effets de la réforme. Pour l’Inrap, la programmation des diagnostics sera rendue impossible du fait de la priorité donnée aux services de collectivité territoriale.

Par ailleurs, le pouvoir de prescription est fortement limité, les prescriptions de conservation ne seront désormais possibles que dans le cadre d’un classement au titre des Monuments Historiques, c’est-à dire de manière exceptionnelle.

 La caducité des prescriptions de l’État ou une certaine idée de la continuité du service public!! De plus, hors zone définie par la carte archéologique, aucun diagnostic ne pourra être demandé pendant 5 ans si la réponse du SRA parvient à l’aménageur plus de 2 mois après la demande de renseignement. De même si l’Inrap ou le service de collectivité ne réalise pas le diagnostic dans le délai convenu par convention avec l’aménageur, ce dernier est libéré de toute obligation de fouille.

 Écraser les SRA sous les charges administratives. Le meilleur moyen de satisfaire les aménageurs est de surcharger les SRA de tâches administratives impossibles et de multiplier les obstacles insurmontables à la prescription. Cerise sur le gâteau, ce sont les SRA qui devront, dans de nombreux cas, émettre les titres de perception de la redevance. Moins on prescrit de diagnostics, moins on découvre de sites, moins on a de fouilles, moins il y a de vagues avec les aménageurs.

2. La circulaire du 30 juin 2003 : Éparpiller pour affaiblir

 L’éclatement des SRA. Sur le fond, le cahier des charges de cette circulaire sur “la réforme des missions et de l’organisation des services déconcentrés chargés des questions d’architecture et du patrimoine” est clair : au niveau de la DRAC, ne resteraient que de vagues missions de coordination et d’animation sous l’autorité d’un “chef de service régional de l’architecture et du patrimoine”. Pour le reste, toute formule doit être recherchée (en matière de locaux et de mutations de personnels!), pour être réalisée au niveau départemental. La communication au public de la documentation du patrimoine et l’instruction des documents d’urbanisme pourraient être assurées par les SDAP renforcés et par tout ou partie des agents des SRA.

Un autre scénario est également envisagé qui verrait la création d’un service régional de documentation, chargé de la gestion des données de l’inventaire, des monuments historiques et de l’archéologie et de leur communication au public, tandis qu’un ou plusieurs services instructeurs renseigneraient les documents d’urbanisme pour tous les champs du patrimoine. Dans tous les cas de figure, cela implique l’éclatement des SRA, déjà surchargés de tâches administratives par la loi du 1er août 2003, et un transfert d’une grande partie des tâches, assurées aujourd’hui par l’Inventaire, sur les agents qui ne sont pas transférés aux collectivités territoriales.

3. “Le plus” du rapport Charpillon : Le dogme en pratique

 Réduire les interventions de sauvetages archéologiques. La circulaire du mois de janvier 2003 demandait aux SRA de réduire les prescriptions. Le rapport Charpillon préconise la purge avec “déstockage” des sites archéologiques par les Préfets et dans le même sens, la réduction programmée des emplois et de 5 millions d’€ par an du budget de l’Inrap ; la création d’un secteur privé de l’archéologie préventive avec les fonds publics afin de faire baisser les coûts et les délais ; l’ouverture des diagnostics à la concurrence en utilisant la soustraitance ; la prescription scientifique basculée au niveau des collectivités territoriales.

 Nier à l’archéologie préventive sa nature scientifique. Ce rapport remet en cause l’activité scientifique des conservateurs régionaux de l’archéologie considérés comme de simples chefs de service et le rôle de la conférence des conservateurs. Plus profondément, il nie à l’archéologie préventive la nature scientifique de son activité de terrain. Cette négation, contraire à tous les outils méthodologiques construits depuis près de quarante ans par les scientifiques, est nécessaire pour justifier la mise en concurrence commerciale et la privatisation de la maîtrise d’ouvrage des fouilles. Elle a un coût scientifique: la destruction des archives du sol.

 Précariser l’Inrap et les emplois. Le rapport pointe les dysfonctionnements de l’organisation de l’Inrap, l’impréparation des outils de gestion, le déséquilibre financier, la double organisation de direction, l’absence de liens des directions interrégionales avec la réalité opérationnelle de proximité, le manque de personnel, la pénibilité du travail archéologique. Mais, tel des apprentis bouchers appelés comme médecins, les inspecteurs à qui on a dit “le malade à la grippe” propose comme remède de l’abattre : remise en cause de l’Inrap comme établissement de recherche, liquidation du conseil scientifique, de la direction scientifique et technique, des adjoints scientifiques et techniques, de la présidence scientifique et des compétences scientifiques des personnels.

Et, au cas où l’assassiné bougerait encore, ils proposent de précariser l’emploi pour l’ensemble de la profession en ayant recours systématiquement à du personnel sous CDD dont il est inutile de chercher à améliorer les conditions de travail. Et enfin, c’est le cas de le dire, ils s’attaquent aux garanties sociales des personnels : la participation à parité de l’employeur aux cotisations de la mutuelle, la prévoyance GAN, les jours de repos de la RTT, la prise en compte des temps de transport dans le temps de travail pour les personnels en mission.

 Éclater. Le rapport Charpillon préconise l’éclatement en autant d’établissements publics de coopération culturelle (EPCC). Rappelons qu’à la suite de la loi n°2002-6 du 4 janvier 2002 des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) peuvent être créés sur l’initiative d’une ou plusieurs collectivités territoriales. Ils ont comme caractéristique que, sous une appellation alléchante, ces établissements peuvent être à caractère industriel et commercial de droit privé.

Cette manipulation permettrait au gouvernement d’atteindre son but de départ :

 transformer définitivement l’activité archéologique en une opération commerciale,

 transformer le statut des personnels de l’Inrap d’agent public en salariés de droit privé, licenciables à tout moment pour des raisons économiques,

 liquider la seule structure nationale en capacité de réaliser une péréquation des moyens et des effectifs en fonction des nécessités des missions scientifiques nationales,

 mettre en concurrence sur l’ensemble du territoire les structures et les personnels de l’archéologie,

 se désengager définitivement et totalement des missions et financièrement de l’archéologie préventive.

 Et les personnels dans tout cela ? Derrière la réorganisation des missions ministérielles, faite sous couvert de proximité et de décentralisation, de toute évidence, ce n’est pas la question du devenir des agents qui, dans ce maelström, constitue la principale préoccupation des hautes autorités ministérielles.


Comment résister au dogme ?

 1. Prendre en compte la situation nouvelle

 2. Organiser la résistance dans l’immédiat

 3. Ouvrir une perspective d’avenir

1. Prendre en compte la situation nouvelle

La légitimité du service public de l’archéologie préventive est fondée tout autant sur la notion de protection du patrimoine que sur celle du développement de la recherche. Comme nous l’avons dit depuis des années, l’essentiel tient au financement et à ses modalités. Les ultra-libéraux ne s’y sont pas trompés et c’est sur ce terrain qu’il va falloir se battre. Si le nouveau système est bien réfléchi pour diminuer l’activité, il n’interdit pas totalement une politique systématique. Maintenons le premier principe du service public de l’archéologie : détecter les sites menacés, éviter au maximum la casse. Le SGPA-CGT propose une démarche qui, dans le cadre imposé de la nouvelle loi, reste le plus proche possible de ses principes inscrit dans la loi du 17janvier 2001.

Le diagnostic

 La maîtrise publique de la phase de diagnostic. Il est évident que l’archéologie préventive a tout intérêt à maintenir au maximum sa capacité à détecter les sites potentiellement menacés au niveau national. C’est à partir de ce constat que la nécessité fera loi aussi bien dans l’immédiat que pour l’avenir. La phase du diagnostic est donc essentielle pour maintenir la tête hors de l’eau. Il faut atteindre l’équilibre des coûts des diagnostics et éviter le sous-effectif dans cette phase. Trois paramètres doivent être pris en compte : la politique de prescription des diagnostics (en surface), le coût de réalisation du diagnostic (par hectare) et la possibilité d’une décentralisation à la carte du diagnostic. Comme précédemment, la consultation des SRA en milieu urbain est directement liée à la mise en zonage archéologique. Elle laisse la porte ouverte à des politiques régionales qui peuvent, ou non, prendre en compte le patrimoine archéologique.

 L’analyse des pratiques

  • La politique de prescription de diagnostic. Le financement des diagnostics n’est plus lié aux prescriptions des SRA, nous sommes donc dans une enveloppe fermée. Les pratiques actuelles sont extrêmement diverses, certains SRA appliquent une politique de seuil (au-dessous de ce seuil, le diagnostic est seulement prescrit en cas de potentiel avéré), d’autres ne prescrivent que dans les zonages. Nous devons continuer de revendiquer une harmonisation des politiques de prescriptions au niveau national et l’établissement d’un corpus cohérent des pratiques professionnelles à l’Inrap et dans les services de l’État chargé de l’archéologie.
  • Déconnexion prescription/financement. Si le seuil est fixé à plus de 10000m2(1ha), cela implique un nombre important de dossiers d’aménagement (entre 3000 et 10000 m2) pour lesquels une taxe est payée sans dépense en contrepartie. En volume financier (correspondant à la surface de l’aménagement), cette rentrée fiscale n’est cependant pas si importante. Si le seuil est fixé à 100000m2 (10ha) par exemple, le nombre des dossiers pour lesquels une taxe est payée sans contrepartie, augmente fortement surtout en volume financier par dossier (un dossier de 99000m2 apporte un gain net de 30000€). Dans un département ou région plutôt rural, un tel relèvement du seuil de prescription diminue le nombre de dossiers de 90% (60% en surface) et provoque donc la destruction, sans fouille préalable, de 60% des sites potentiels.

 Les coûts de réalisation de diagnostic. Le coût, au m2, de réalisation des diagnostics diminue au prorata de la surface du diagnostic. En effet il y a toujours une partie fixe (frais de structure, charges) et une partie proportionnelle à la surface. Le seuil de prescription de diagnostic a donc un impact sur le volume des dossiers pour lesquels une taxe est encaissée sans contrepartie, mais aussi sur le coût moyen d’un diagnostic dans une région. Par exemple, avec un seuil à 1ha, le coût moyen sera de x € ; avec un seuil à 10ha, le coût moyen sera de 10 à 20% inférieur. Par contre, plus le seuil de surface de prescription est élevé plus le % de destruction de sites archéologiques potentiels l’est aussi. Aux derniers chiffre Inrap, si le coût moyen d’un diagnostic est de 0,32€/ m2 il n’en demeure pas moins que d’une région à l’autre il passe de 0,20€/m2à 1,20euros/m2.

Dans le cadre d’une enveloppe fermée, et vraisemblablement inférieure à celle consacrée au diagnostic en 2003, les possibilités de maintien de l’activité sont peu nombreuses. Il n’existe que deux variables d’ajustement : le nombre de jours/hommes par hectare et la politique de prescription. Ne risque-t-on pas, si nous laissons faire les choses, d’aboutir, pour garantir l’équilibre financier, soit encore à une réduction les coûts des diagnostics les moins chers dans certaines régions pour financer les autres, soit à l’établissement d’une norme nationale par l’Inrap et le ministère de la Culture. Cette dernière s’était révélée inapplicable antérieurement et, si elle est établie sur la moyenne nationale actuelle, elle entraînera mécaniquement le relèvement du seuil de prescriptions dans une majorité de régions.

 Le facteur financier de reprise des diagnostics par les collectivités peut être fatal à l’Inrap. Le facteur financier sera d’autant plus transparent que la “taxe” est encaissée au niveau départemental et régional. Connaissant ainsi précisément la rentrée fiscale pour leur territoire, (plus approximativement la dépense), certaines collectivités s’engageront dans ce processus si cela leur semble politiquement intéressant et à condition que la mission ne soit pas déficitaire financièrement. Le rapport “entrée fiscale” et “dépense” est complètement différent selon les régions, voire les secteurs. Des critères purement économiques risquent d’influencer les collectivités territoriales dans leur choix de prendre ou non “la compétence” des diagnostics.

Les fouilles

 Quand la “péréquation” se transforme en cadeaux fiscaux aux copains. L’article7 de la loi du 1er août 2003 réintroduit la gratuité des fouilles pour les lotisseurs. Les lotissements représentent 25% des 50000 hectares aménagés chaque année en France. En 2002, les coûts des fouilles sur lotissement avoisinaient les 10millions €, soit près de 10% du budget de l’Inrap. Ce chiffre ne reflète qu’une partie de la réalité. Jusqu’à présent, les lotisseurs, pour limiter les coûts archéologiques recherchaient des solutions techniques pour éviter la destruction des sites les plus denses. La gratuité accordée aux lotisseurs supprimera tout effet dissuasif et ce sont des sommes considérables qui devront être prélevées sur le fonds de péréquation pour ces seuls projets d’aménagements.

Les députés ont, en conséquence, prévu que les 30 % constitueraient un plancher et non un plafond. Ainsi, la redevance pourra servir à financer sans limite les fouilles gratuites et les subventions demandées par les aménageurs qui ne bénéficient pas d’exonération à un titre ou à un autre. Dans le même temps, l’État n’ayant plus au final le contrôle du contrat commercial passé pour les fouilles entre l’aménageur et l’opérateur de son choix, un lotisseur pourra négocier un prix à sa convenance et se faire rembourser intégralement, ou presque, par le fonds de péréquation. La redevance devait dégager 80 millions d’€ pour financer les diagnostics, la recherche et alimenter le fonds de péréquation. Avec ces nouveaux cadeaux, il ne va pas rester grand-chose pour réaliser les diagnostics et la recherche post fouille.

 L’émergence d’une archéologie privée : un faux problème ? L’archéologie privée est restée jusqu’à aujourd’hui très marginale en France, malgré l’absence de tout monopole “officiel” du temps de l’AFAN. Les quelques “entreprises” qui ont émergé devaient leur existence à la bienveillance à leur égard de quelques agents des services prescripteurs, qui leur ont permis d’émerger et de survivre au détriment de l’AFAN. Partant de là, on pourrait imaginer que la fin (sur le papier) du monopole Inrap sera sans grandes conséquences, et que la mise en concurrence restera dans la plupart des cas virtuelle. Avec quelques rares officines privées, des services territoriaux clairsemés et aux effectifs souvent réduits, l’essentiel des opérations de fouilles préventives resterait assuré par l’Inrap.

En réalité, dans un premier temps, comme le propose le rapport Charpillon, il suffit de mettre l’Inrap en sous effectif, en particulier sur ses missions obligatoires (le diagnostic), pour qu’il soit obligé de sous-traiter avec des entreprises privées qui se constitueraient ainsi un fond de commerce stable. Jusqu’à aujourd’hui, la maîtrise d’ouvrage des opérations d’archéologie préventive était du ressort de l’État, et bloquait l’émergence de structures privées. L’attribution de la maîtrise d’ouvrage à l’aménageur change complètement la donne : là où une entreprise d’archéologie ne pouvait espérer survivre sans soutien direct de l’administration, elle ne sera maintenant soumise qu’à un agrément préalable, et un contrôle bien théorique.

Côté personnel, l’AFAN puis l’Inrap a constitué durant plus de 15 ans le débouché majeur des étudiants en archéologie. La limitation des effectifs CDI de l’Inrap et le contingentement drastique de ses recrutements CDD, pousse à l’embauche dans des structures privées, y compris dans des conditions largement défavorables vis-à-vis de l’Inrap. Les conditions de la mise en concurrence, qui n’existaient pas jusqu’ici, sont maintenant réunies.

Le SRA : le cœur du réacteur

Après s’être opposés à toutes les circulaires ministérielles de régulation de prescription, les SRA voient leur charge administrative alourdie et complexifiée par la loi de 2003 :

 délais drastiques désormais fixés par la loi pour les réponses des SRA,

 liquidation et ordonnancement pour les travaux soumis à autorisation ou déclaration préalable en application du code de l’urbanisme donnant lieu à étude d’impact en application du code de l’environnement, autres types d’affouillement soumis à déclaration préalable et demandes volontaires de diagnostic,

 méli-mélo de procédures entre les différents niveaux de compétences des collectivités territoriales puisque la complexité des démarches oblige les SRA à transmettre à chacune des collectivités concernées le dossier, au cas où elles souhaiteraient s’y opposer,

 pouvoir de prescription fortement limité puisque l’opérateur a le pouvoir de rendre caduque une prescription d’État.

Mais, en matière de décentralisation, si le projet gouvernemental parvient à son terme, les services départementaux de l’architecture et du patrimoine et les services régionaux de l’archéologie seront les seuls services patrimoniaux à subsister à l’échelon déconcentré.

C’est dans ce contexte général que se replace la circulaire du 30 juin 2003 sur «la réforme des missions et de l’organisation des services déconcentrés chargés des questions d’architecture et du patrimoine». Sur le fond, le cahier des charges de cette circulaire est on ne peut plus clair : au niveau de la DRAC, ne resteraient que de vagues missions de coordination et d’animation sous l’autorité d’un «chef de service régional de l’architecture et du patrimoine » (cf. p. 4, l’éclatement des SRA). Plusieurs scénarios sont envisagés mais dans tous les cas de figure cela implique l’éclatement des SRA. Sans renfort de personnels, les missions telles celles de renseignements de documents d’urbanisme devraient être sacrifiées.

L’État abandonnerait ainsi pratiquement toute possibilité de mener une politique du patrimoine cohérente sur l’ensemble du territoire, gage de l’égalité de traitement de tous les citoyens et de la continuité du service public. À terme, il faut être clair, si les SRA ne sont pas renforcés en effectif ou allégés de charges de travail, c’est toute l’archéologie préventive qui repartira vingt ans en arrière.

Le développement des services territoriaux ?

La CGT s’est toujours prononcée pour le développement des services archéologiques de collectivités territoriales et leur partenariat avec l’Inrap et les SRA. Mais la loi modifiée soumet les collectivités territoriales à la loi du marché dans le cadre de la mise en concurrence des fouilles. Elle met aussi en place une décentralisation à la carte des diagnostics. Les services des collectivités pourront soit exclure l’Inrap de leur champ de compétence géographique pour le diagnostic, soit traiter ponctuellement telle ou telle opération (l’Inrap étant obligé de traiter le reste).

Les collectivités ont maintenant les moyens de construire des services remplaçant peu à peu l’Inrap en recrutant au besoin des agents Inrap en tant que non titulaires. Le projet de loi de décentralisation prévoit que les personnels des services transférés sont automatiquement mis à disposition des collectivités concernées. La loi du 1er août 2003 prévoit quant à elle, que le diagnostic peut être transféré aux collectivités territoriales mais pas le personnel de l’Inrap qui accomplit actuellement ces missions. L’incidence la plus directe est la déstabilisation des emplois à l’Inrap mais c’est aussi une attaque contre le statut de la fonction publique territoriale puisque les collectivités vont pouvoir recruter des agents non titulaires.

Dans ces conditions, l’utilisation des services de collectivité comme moyen de démantèlement de l’Inrap est clairement envisagée par les élus-aménageurs les plus réactionnaires. Le 26 juillet, le sénateur De Raincourt annonçait dans le Bien Public la création d’un service interdépartemental d’archéologie (!) sur l’initiative des Conseils Généraux et du Conseil Régional de Bourgogne, et qui pourrait s’ouvrir à d’autres départements intéressés.

À partir de là, sur un territoire donné, se pose la question de la répartition des rôles entre les collectivités et l’Inrap dans le cadre de la loi 2003. Assurer la coordination des deux services publics devient extrêmement difficile dans le cadre de cette loi qui au contraire organise une concurrence commerciale entre les services publics.

Sur le fond, il n’y a pas de solution viable pour une vraie coopération entre les différents services publics, particulièrement ceux des Collectivités Territoriales et ceux de l’État, sans l’abrogation de la mise en concurrence commerciale inscrite dans la loi 2003. En attendant, dans le cas de transfert de missions, les personnels ne doivent pas se voir proposer autre chose que des emplois statutaires de la Fonction Publique Territoriale ou le maintien de leur emploi à l’Inrap.

L’Inrap

La direction générale n’a pas modifié l’organisation interrégionale : sur ce plan, l’Inrap est une “AFAN-bis”, déconnectée des réalités de terrain, incapable d’une coordination efficace avec les SRA, et totalement virtuelle pour les aménageurs (ce qui n’est pas pour rien dans la crise actuelle).

Depuis cette époque, le nombre d’opérations sur le territoire national s’est très fortement accru. La clarification des rapports entre les services de l’État, prescripteurs, et l’Inrap en charge de la réalisation des opérations, et plus encore l’inscription de la discipline dans une chaîne continue de la prescription à la diffusion, implique une collaboration au quotidien entre l’Inrap et les SRA. Ces deux aspects auraient dû entraîner logiquement le choix d’une organisation interne de l’Inrap en direction scientifique au niveau régional.

Les nouvelles prérogatives de l’Inrap ont entraîné un accroissement considérable de la partie administrative. Cet accroissement était en partie légitime, par exemple sur le plan comptable (calcul des redevances notamment). D’autres aspects font preuve d’une volonté tatillonne de tout contrôler, qui alourdit considérablement (et inutilement) la masse des procédures administratives de l’établissement (multiplication des ordres de mission) et multiplie les causes de retard ou de blocage.

Plus largement et sans entrer dans le détail, l’ensemble des aspects scientifiques et techniques de l’établissement est mis sous tutelle administrative, depuis la Direction Scientifique et Technique jusqu’aux Assistants Scientifiques et Techniques. La “réforme” actuelle va entraîner une modification complète des missions administratives : disparition du calcul de la redevance (transféré à l’État), négociation directe avec l’aménageur pour les fouilles. Par ailleurs, le dialogue État-Aménageurs-Opérateur archéologique souhaité par le législateur suppose une proximité géographique des différents interlocuteurs : les SRA et les aménageurs étant le plus souvent des acteurs locaux surtout en tant que collectivité.

La comptabilité devra être tenue selon les règles publiques pour les diagnostics et privées pour les fouilles. Le fond de péréquation devra être géré par l’Inrap alors que les dépenses qui seront imputées à ce fond seront engagées après avis d’une commission composée majoritairement par des élus et des aménageurs. Les DIR, qui n’arrivent déjà pas à assumer leurs tâches actuelles, devront consacrer le plus clair de leur temps à répondre à des appels d’offre et à négocier des délais et des coûts avec les aménageurs.

2. Organiser la résistance dans l’immédiat

Ce tableau sombre ne doit cependant pas nous faire baisser les bras. S’il n’y avait pas les luttes de ces dernières années et des derniers mois, la situation serait encore plus grave. Le projet de la droite en 1997 était encore plus catastrophique: décentralisation des prescriptions aux collectivités, interventions limitées aux seules zones définies en carte archéologique, mise en concurrence pour les diagnostics et les fouilles, création d’un établissement public industriel et commercial en lieu et place de l’Inrap.

Nos combats d’hier ont permis de limiter l’ampleur de la casse. Ceux de demain doivent être menés pour récupérer un vrai service public de l’archéologie.

En 2005, un nouveau rendez-vous est pris par la loi devant le Parlement pour un bilan de la loi scélérate. Nous devons mesurer le risque considérable dans lequel nous entraîne cette loi où la partie la plus “service public”, financée par une redevance fiscale, risque d’être totalement déficitaire en raison des très lourdes exonérations prévues et de la ponction des 30% si nous n’y prenons garde. Par contre, la partie “fouille”, la plus privatisée, serait non déficitaire par nature puisqu’on ne ferait que ce qui est financé, sans rapport avec les besoins de sauvegarde du patrimoine archéologique.

 L’organisation interne de l’Inrap. En ce qui concerne l’organisation interne de l’Inrap, les revendications de la CGT ne sont pas remises en cause par la modification de la loi de 2001 :

  • Une gestion autonome des aspects opérationnels, coordonnée au niveau national par la DST et en région par les AST ;
  • Un niveau opérateur d’intervention régional cohérent avec les SRA à même d’établir et de maintenir le contact avec les aménageurs et la chaîne opératoire ;
  • Une péréquation financière au niveau régional et au niveau national pour le maintien d’une politique cohérente de prévention avec un minimum régional incompressible pour la gestion des opérations ;
  • Une carte de l’emploi bâtie en fonction de l’activité opérationnelle.

Pour employer la logique du moment (que la réforme de la loi impose), il est clair que le maintien du statu quo sur le “marché” des fouilles implique qu’on ne facilite pas le travail de la concurrence commerciale. Avec la réforme de l’archéologie préventive qui vient d’aboutir, la mise en place de direction régionale opérationnelle de l’Inrap n’est plus seulement une question d’efficacité ; c’est devenu une question de survie.

 Une mécanique financière régionale. Pour ne pas tomber dans les travers dénoncés précédemment, une des solutions possibles pour, au moins maintenir le niveau d’activité au mieux de ce qu’il a été, ne serait-elle pas la mise en place d’une mécanique financière régionale (ce qui n’est pas forcément un budget régional affiché et définitif) ?

Celui-ci serait construit pour chaque région à partir :

  • d’un budget pour les diagnostics calculé au prorata (une partie devant être utilisé à la péréquation nationale) du rendu de la redevance dans chacune des régions (correspondant ainsi proportionnellement à l’activité économique),
  • d’un budget pour les fouilles, en fonction des opérations à réaliser suites aux résultats des diagnostics selon les prescriptions de l’État.

Très clairement, il conviendrait d’équilibrer les coûts des diagnostics sur l’ensemble du territoire national tout en tenant compte des réalités des pratiques dans les régions.

Il faut donc, pour cela, relier directement le niveau de prescription et le coût du diagnostic régional. En mettant les recettes et dépenses en équilibre région par région, la prise d’intérêts financiers du diagnostic par d’autres opérateurs se réduit ainsi que la menace de voir dépecé l’opérateur public national. Par ailleurs, cet équilibre laisserait le temps aux pratiques archéologiques régionales d’évoluer vers plus de diagnostics systématiques, en intégrant progressivement leurs avantages et leurs contraintes afin de tenir le temps nécessaire pour un autre avenir.

3. Ouvrir une perspective d’avenir

Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas.

Dans ce contexte, la CGT entend ouvrir les perspectives d’avenir. Sur les enjeux transversaux, en s’appuyant sur le rejet massif des personnels et de leur syndicat (seule la CFDT a approuvé le projet de loi de décentralisation dans les deux conseils supérieurs de la Fonction publique), la CGT entend, construire la mobilisation pour faire barrage à un projet qui a peu à voir avec la décentralisation mais vise essentiellement au démembrement de l’État et de tous les services publics.

Même si la situation pour l’archéologie préventive peut paraître noire, les luttes menées pendant presque 10 mois en 2002 et 2003, ont permis d’assurer l’avenir. En effet, sur cette question, Aillagon et consorts ont perdu la bataille de la légitimité. Le nombre très important de signatures recueillies sur nos multiples pétitions auprès de la population lors de manifestation ou d’exposition de chantier montre un soutient massif au service public archéologique et une haute compréhension des conséquences de la privatisation. Nous avons recueilli la légitimité citoyenne.

De même, le travail de contacts auprès de très nombreux élus de collectivités et aussi nationaux (députés et sénateurs) a porté le débat politique sur tous les niveaux de représentation. Le travail d’amendements concrets réalisé auprès de tous les groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat a permis de recueillir un soutient officiel des groupes d’opposition (le PC, les Verts et le PS) et, au delà, des points de vue partagés avec les autres sensibilités politiques, en particulier sur le point crucial de la maîtrise d’ouvrage public. Nous avons ainsi recueilli, en faveur du service public de l’archéologie, la légitimité politique.

La CGT-Culture a porté le débat sur cette question jusqu’aux plus hautes instances syndicales, deux déclarations de la Confédérations CGT soutenant les luttes des personnels de l’archéologie. Au-delà du cercle professionnel, elle a souligné le lien des luttes pour le service public de l’archéologie avec celles de la place de la Culture dans notre société, que ce soit aux États Généraux de la Culture en octobre 2003 ou dans les débats organisés sur le service public en Europe dans le Forum Social Européen de novembre 2003 à St Denis et Paris. Nous avons largement construit la légitimité sociale. Le terrain est prêt pour une nouvelle perspective.

 Le SGPA-CGT entend tout mettre en œuvre pour qu’au niveau des services ministériels :

  • la Culture reste une compétence de l’État de niveau régional et non départemental ;
  • les spécialités, acquis de l’histoire des services et gages de leur crédibilité, ne soient pas balayées par des projets technocratiques qui ne visent qu’à masquer les restrictions en personnels et l’abandon des missions ;
  • les effectifs des SDAPet des DRAC soient maintenus à un niveau permettant réellement la réalisation des missions des services déconcentrés du ministère ;
  • une politique de prescription harmonisée au niveau national. L’enjeu est de permettre une plus grande prise en compte du patrimoine archéologique dans les régions qui ne pratiquent pas aujourd’hui une réelle politique d’archéologie préventive sans faire reculer le niveau de prescription dans les régions qui pratiquent déjà une politique systématique.

 Le SGPA-CGTentend aussi tout mettre en œuvre pour qu’au niveau de l’opérateur public scientifique, l’Inrap reste une structure au niveau national, seul garant :

  • de la mutualisation des coûts archéologiques auprès des aménageurs,
  • de la péréquation nationale des moyens, en fonction des orientations nationales de politique scientifique,
  • d’une cohérence nationale contre les disparités interrégionales et la dégradation des conditions de travail,
  • d’une assise de financement suffisamment importante pour :
    • permettre d’intervenir partout et à tout moment avec des effectifs conséquents en intégrant les besoins régionaux,
    • assurer un recrutement au niveau national sur des compétences et des qualifications scientifiques et techniques reconnues par tous et suffisamment diversifié,
    • assurer la prise en charge d’une formation professionnelle continue garant du maintien du niveau scientifique et technique des agents.

 Il faut tout mettre en œuvre pour que soit maintenu le statut d’établissement public administratif de recherche assuré par une direction scientifique opérationnelle, un Conseil Scientifique élu, des directions scientifique au niveau régional, des recrutements sur concours des personnels Ingénieurs et Techniciens de Recherche, seul garant :

  • de la réalisation des opérations de diagnostic et de fouille dans un but d’étude scientifique et non de simple opération technique de libération du terrain au profit des aménageurs (dans les plus brefs délais et au moindre coût),
  • de la continuité de la chaîne opératoire scientifique politique de protection – diagnostic – fouille et publication,
  • de la prise en compte des orientations scientifiques nationales du CNRA dans la politique de mise en œuvre de l’archéologie préventive,
  • de la protection des personnels de l’institut vis-à-vis des pressions politico-commerciales pour mener à bien et jusqu’au bout leur mission scientifique,
  • de la proximité de la structuration opérationnelle de l’Inrap au plus près des réalités de terrain et au contact des services déconcentré de l’État, les SRA.

 Il faut que l’Inrap soit le garant d’un rapport de force au niveau national qui permette de lutter :

  • contre la précarité de l’emploi, par l’ouverture de postes sous CDI au niveau des besoins des missions de l’Inrap,
  • pour l’amélioration des conditions de travail des personnels de l’Inrap, par un partage équitable des tâches, notamment l’accès au post-fouille à tous les agents à hauteur d’un tiers du temps annuel de travail minimum et par la reconnaissance de leurs compétences.

 Le SGPA-CGTne peut se contenter pour l’avenir d’une simple abrogation de la loi du 1er août 2003 qui ne lèverait pas les dysfonctionnements de la situation antérieure. Il nous faut au contraire avancer une alternative à cette loi de modification qui permette au service public de réellement avoir les moyens de ses missions :

  • revenir sur la mise en concurrence commerciale des opérations de fouille entre opérateurs et rétablir la continuité de la chaîne opératoire scientifique,
  • rétablir la maîtrise d’ouvrage publique sur l’ensemble de la chaîne opératoire et confier sa mise en œuvre au service public,
  • rétablir un financement public pour l’ensemble de la chaîne opératoire, sur la base pollueur/payeur avec une redevance fiscale systématique plus mutualisante entre aménageurs de zone rurale et aménageurs en centre urbain et en limitant les exonérations accordées aux constructions sociales et aux constructeurs réellement individuels, en abondant le fond d’intervention par des subventions des ministères de la Culture et de la Recherche,
  • rétablir les liens de coopération scientifique mutuellement avantageuse entre les institutions publiques (service archéologique de collectivité territoriale avec des agents publics, laboratoires du CNRS et de l’Université, Bibracte centre archéologique européen),
  • maintenir la distinction entre la prescription fiscale et la prescription scientifique,
  • intégrer dans l’Inrap, sur concours réservé, les personnels scientifiques Ingénieurs Techniciens (CDI et CDD) employés par les entreprises de sous-traitance de l’Inrap et les entreprises privées mises en concurrence avec l’Inrap.

Fichier(s) joint(s)