Sale temps pour le patrimoine !

La 25ème édition des Journées du Patrimoine, organisée ces 20 et 21 septembre 2008, devrait encore attirer plus de douze millions de visiteurs dans quelques 15 000 sites ouverts pour l’occasion.

L’intérêt de la population pour son patrimoine (architecture civile ou religieuse, patrimoine rural, industriel, parcs et jardins, sites archéologiques, objets mobiliers, patrimoine littéraire ou archivistique…) ne se dément pas au fil des années, bien au contraire. Réjouissons-nous en.

Mais la fête, et les prévisibles déclarations passionnées et enthousiastes de la Ministre de la culture et de la communication ne sauraient pour autant faire oublier que le patrimoine traverse, sous le ministère de Christine Albanel, une crise sans précédent.

Une catastrophe patrimoniale majeure menace la France

> 2 805 monuments classés présentent un état sanitaire défectueux et 629 sont en situation de péril
(source : ministère de la culture – Rapport sur l’état sanitaire du parc classé 2007).

> 11 milliards d’euros : c’est le montant des travaux pour remettre en état les Monuments historiques classés (source : ministère de la culture et professionnels du secteur – Le Monde 11/09/08), qu’il faut comparer aux très maigres 2,92 milliards d’euros formant le budget, pour 2008, du ministère de la culture.

> – 20 % : c’est la baisse des crédits de paiement que consacre l’État aux Monuments historiques (380 millions d’euros en 2007 contre 303 millions d’euros en 2008).

> Dernière minute :
le gouvernement serait sur le point d’annoncer son intention de délocaliser en province le siège parisien de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et ses 150 agents. Dans quelle région, dans quelle localité le gouvernement prévoit-il la future implantation du siège de l’INRAP ? A cette heure, et compte tenu de l’épais secret dans lequel se prépare l’opération, nous l’ignorons encore. Silence radio de Christine Albanel.
Si cette information se confirmait, il s’agirait d’un nouveau coup extrêmement rude porté contre l’INRAP, ses personnels et, plus largement, contre l’archéologie préventive dans son ensemble. L’INRAP, créé par la loi de 2001, est en effet un établissement très jeune, encore en construction, et se débattant quotidiennement dans d’immenses difficultés tant sur le plan des moyens que dans l’exercice de ses missions. Dans ce contexte, il est certain qu’un éloignement géographique de Paris, et donc des tutelles ministérielles, porterait gravement atteinte au fonctionnement de l’INRAP et à son efficience. Cet établissement, comme les missions patrimoniales qu’il porte, ne s’en remettraient probablement pas.

Ce que Christine Albanel s’abstient pudiquement de dire…

Le ministère de la culture et de la communication, qui a notamment pour missions la sauvegarde du patrimoine, son accessibilité et son appropriation par le plus grand nombre, n’a absolument plus les moyens de sa politique. La CGT-Culture n’est d’ailleurs pas la seule à établir ce constat :

* dans une lettre adressée au Directeur de Cabinet de Christine Albanel (dont un extrait a été reproduit dans l’édition du 19 avril 2008 du journal Le Monde), l’actuel Directeur de l’Architecture et du Patrimoine affirme que les suppressions d’emplois supportées par son secteur sont « de nature à poser la question du maintien du périmètre des missions fondatrices de notre ministère ».

*le 10 septembre, concernant les monuments gérés par le ministère de la culture, la Présidente du Centre de Monuments nationaux écrivait à la CGT : « (…) alors même qu’à Paris, l’effectif cible est de 81 emplois à temps plein, l’effectif réel est de 49. A Notre-Dame, il faut 15 agents (…) pour ouvrir le monument à la visite 7 jours sur 7, toute l’année. Or, à compter du 1er octobre prochain, il ne seront que 2,5. (…) cette question grave pourrait conduire à la fermeture du monument en application des dispositions de la législation sur les établissements recevant du public. »

*Christine Albanel, elle-même, lorsqu’elle était Présidente de l’établissement public du Château de Versailles, actait et signait en mai 2005 : « (…) en raison de la situation tendue des effectifs de Versailles, le ministère a donné son accord pour que l’établissement bénéficie sur 3 ans de 60 titulaires supplémentaires ». Devenue entre temps Ministre, elle annonce cet été qu’elle revient sur ses propres engagements, comme sur ceux précédemment pris concernant les effectifs des Archives nationales, du Mobilier national et des manufactures.

Ainsi se porte aujourd’hui, sous le ministère de Christine Albanel, la majeure partie des sites patrimoniaux (musées, domaines et monuments) de la Culture : dégradation continue des conditions d’accueil et de visite, des conditions de sécurité, espaces fermés au public, sans parler de la détérioration des conditions de travail des personnels; seuls les droits d’entrée et la course aux recettes sonnantes et trébuchantes ne sont pas en diminution.

Asphyxier le service public culturel…
…pour en transférer la gestion au privé

Pour le Président de la République et l’actuel gouvernement, c’est aux entreprises privées de prendre le relai partout – services et établissements de l’État en tête – où les moyens publics sont en réduction, partout où ceux-ci font défaut. C’est ainsi, le 7 août dernier, qu’Hervé Novelli, Secrétaire d’État au tourisme, a annoncé officiellement qu’il signerait avec Christine Albanel, à l’occasion des Journées du Patrimoine, une convention visant à faciliter les partenariats public-privé (PPP) pour « valoriser le patrimoine français ».

Là encore, Christine Albanel a la mémoire franchement courte !

Le premier PPP introduit au ministère de la culture fut en effet son œuvre personnelle, début 2007, au Château de Versailles : un fiasco retentissant ! 15 mois plus tard, le PPP était rompu, et décrit en ces termes par son successeur Jean-Jacques Aillagon : « La mise en œuvre de ce partenariat a été marqué par de nombreuses défaillances de notre partenaire. Ces défaillances ont mis l’activité de l’établissement à rude épreuve et, surtout, compromis son bon fonctionnement, sa relation avec les publics, sa réputation et les conditions de travail de ses agents. » S’adressant à l’ensemble des agents de l’Etat du Domaine et du Château de Versailles : « Je compte une fois encore sur votre énergie, sur votre compétence et votre soutien dans cette situation qui appelle la pleine solidarité de notre établissement. »

Comment donc, dans ce contexte général des plus alarmants, Christine Albanel peut-elle continuer de prétendre, pour justifier les restrictions budgétaires et les suppressions d’emplois publics, qu’il serait toujours d’actualité, au ministère de la culture, de « faire mieux avec moins » ?

Sous couvert de Révision générale des politiques publiques (RGPP), Christine Albanel conduit tout droit son ministère vers le gouffre.

Le renforcement et le développement des politiques publiques du patrimoine, et plus largement de la culture, passe par une politique diamétralement opposée.

Paris, le 19 septembre 2008

CGT Culture,12 rue de Louvois 75002 PARIS cgt-culture@culture.gouv.fr Tel:01.40.15.51.70

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