Réforme de l’archéologie préventive : ce que nous voulons !

Communiqué de l’intersyndicale archéologie (SGPA CGT-Culture, SUD-Culture-Solidaire, Snac-FSU, CNT-CCS)


Préambule

Les témoins, matériels ou immatériels, mobiliers ou immobiliers, concernant les conditions d’évolution des êtres humains, de leurs activités et de leurs sociétés, sont des biens communs universels inaliénables. Ils sont constitués d’une source limitée d’éléments non renouvelables qui ne peuvent être privatisés et appartiennent à toute l’humanité.

C’est pourquoi, la protection de ces biens, soit par la conservation in situ, soit par la récolte, l’étude et la diffusion de ces informations est du domaine de l’intérêt général et de la responsabilité des pouvoirs publics. Ils ont en charge pour l’ensemble de l’humanité, sur les territoires qui les concernent, la protection de ces biens face aux destructions potentielles qu’ils peuvent subir. Ils doivent en rendre compte.

La sauvegarde peut prendre la forme d’une conservation en l’état ; elle peut aussi passer par l’étude des vestiges menacés. Cette étude doit être mise en œuvre selon une chaîne opératoire continue, depuis la prescription jusqu’à la restitution des résultats à la communauté scientifique et aux citoyens. Lorsqu’elle ne peut être évitée, la fouille constitue une étape cruciale de ce dispositif, et en aucun cas une prestation de service soumise à la concurrence du marché.

La puissance publique est garante de la politique à mener et de la répartition des moyens sur proposition de la communauté scientifique qui peut seule en évaluer les résultats.

Les services publics sont les garants de l’intérêt général et de l’indépendance face aux intérêts économiques et politiques particuliers. La réalisation des opérations archéologiques et l’étude des données qui en sont issues doivent être du ressort exclusif et direct des services de l’état, de ses établissements nationaux ou des services publics des collectivités territoriales, sur la base de la coopération scientifique entre services. Ces missions relèvent d’emplois publics statutaires, et ne sauraient être externalisées ou pourvues par de l’emploi précaire.

L’obligation de détection et de sauvegarde du patrimoine archéologique doit reposer sur un mode de financement pérenne, sur la base d’une péréquation nationale des ressources collectées au profit du service public. Il permet d’assurer l’adéquation du volume financier aux moyens de protection du sol.

C’est pourquoi nous revendiquons que :

 Le mobilier archéologique dont la valeur essentielle est l’intérêt scientifique, doit être la propriété de l’Etat ;

 La loi de 2003, qui a montré qu’elle ne servait pas l’archéologie, est une ineptie libérale à laquelle nous nous opposons. Nous demandons la révision en profondeur de cette loi qui entérine la concurrence en archéologie préventive. Nous demandons qu’on mette fin à la marchandisation des fouilles et la mise en concurrence commerciale des opérateurs. Nous demandons la suppression des opérateurs privés et l’intégration de leurs salariés au sein des services publics ;

 Le financement de l’archéologie préventive doit avant tout être public. Le volume de la fiscalité archéologique doit être juste et révisée régulièrement pour correspondre aux besoins de la sauvegarde du patrimoine : détection, conservation, fouille, recherche et valorisation. La péréquation nationale doit avoir pour objectif de réaliser les opérations de fouilles en fonction de l’intérêt scientifique et non la solvabilité de l’aménageur ;

 La maîtrise d’ouvrage des interventions archéologiques doit être assurée par l’État ;

 Les SRA doivent continuer à être identifiés en tant que services des DRAC chargés de l’inventaire archéologique, de l’instruction des dossiers d’aménagement du territoire, de la coordination de la recherche et de la prescription archéologique et du contrôle scientifique et technique des opérations. En urgence, il est nécessaire non seulement de stopper l’hémorragie mais surtout de renforcer les effectifs à la hauteur des besoins, notamment dans les régions peu attractives, afin d’assurer la continuité territoriale du service public. Nous demandons une politique incitative dans les régions où le développement de l’archéologie préventive est particulièrement faible ou en cours d’affaiblissement ;

 Les institutions doivent être démocratisées. Le CNRA doit définir la programmation archéologique nationale. En s’appuyant sur les CIRA, il doit évaluer et conseiller les politiques scientifiques archéologiques menées par l’ensemble des services publics de l’archéologie ;

 L’Inrap, sa gouvernance et son organisation doivent être réformées pour mettre fin à la dérive comptable des activités opérationnelles renforcée par le contexte concurrentiel. Pour cela, l’activité opérationnelle doit notamment dépendre d’une véritable direction scientifique et technique, remise au centre du fonctionnement de l’institut et qui soit au service des archéologues ;

 Les services et établissements des Ministères de la Culture, de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur comme les services archéologiques des collectivités territoriales doivent participer à la chaîne opératoire de l’archéologie préventive et leur collaboration se voir consolidée, sans aucun esprit de concurrence ;

 Dans le même esprit, leurs personnels doivent pouvoir passer d’une institution à l’autre sans entrave statutaire (passerelles) ni prétextes conjoncturels.

La ministre a affiché sa volonté de réformer l’archéologie préventive.
Nos revendications croisent ses préoccupations…

L’intersyndicale archéologie restera mobilisée
pour se faire entendre.

novembre 2012