Que va-t-il rester des administrations centrales et de leurs agents à l’issue de la RGPP ?

Alléger et « moderniser » l’Etat, disent-ils…

Suppressions massives de postes

 Restructuration des services

 Transferts et externalisation de missions

Que va-t-il rester des administrations centrales
et de leurs agents à l’issue de la RGPP ?


Nicolas Sarkozy, François Fillon et l’ensemble des ministres n’ont de cesse de le marteler : il faut modifier radicalement la structure et l’organisation des administrations de l’Etat (ce qu’ils nomment l’ « appareil de production ») pour parvenir absolument partout, disent-ils, à faire « mieux avec moins ». Dans la foulée, ceux-ci annoncent, pour la seule Fonction publique de l’Etat, jusqu’à 150 000 suppressions d’emplois à l’horizon 2012. Jamais, dans notre pays, un secteur d’activité, public ou privé, n’a été visé par un plan social de cette ampleur.

Dans tous les départements ministériels, le cœur de cible de cette politique est indiscutablement l’administration centrale.

Pour l’Elysée et Matignon, comme pour la rue de Valois, il presse d’introduire dans la sphère publique, par tous les moyens, les méthodes de gestion et la culture de résultat empruntées au management des entreprises. Leur objectif est d’habituer de gré ou de force les personnels, comme les usagers du service public, à l’idée d’un désengagement de l’Etat qui serait irréversible pour laisser plus d’espace au marché économique et financier, en instituant progressivement des partenariats de toutes formes entre l’Etat et le secteur privé.

C’est ainsi, suivant cette logique, que le gouvernement entend procéder au dit « recentrage » des politiques publiques et des administrations centrales sur leurs « fonctions essentielles », leur « cœur de métier » (qu’il limite à la conception, au contrôle, à l’évaluation et à l’expertise) en fusionnant, voire en supprimant, dans les ministères, toute une liste de services opérateurs et gestionnaires.

Parmi les décisions du premier Conseil de modernisation des politiques publiques, annoncées le 12 décembre dernier, l’une vise la création d’« agences de service public ».
Selon le gouvernement (dans une notice intitulée « Expérimentation d’agences de service public », récemment adressée aux organisations syndicales représentatives) : « les réformes administratives engagées dans les pays de l’OCDE répondent au besoin d’un Etat plus performant tourné vers la prestation de services toujours plus personnalisée aux citoyens. Face à ces impératifs de proximité et de réactivité, de nouveaux modes d’organisation des services de l’Etat paraissent plus pertinents. Les agences, structures souples centrées sur des missions de production de service public, sont apparues dans de nombreux pays comme la réponse la mieux adaptée. (…) Les agences de service public ont des activités de production de biens ou de prestation de services, y compris à d’autres administrations (…). »

En avril, le Conseil supérieur de la Fonction publique devrait examiner un projet de décret prévoyant la création d’agences interministérielles destinées à mutualiser certaines fonctions supports et de gestion actuellement assurées par les différents ministères, dont le nôtre.

Ajoutons que cette évolution est également préconisée dans le récent rapport Attali (proposition n° 248 : « Développer des agences pour remplir les missions opérationnelles de prestation de services ») qui s’appuie sur l’exemple du Royaume-Uni où, est-il précisé, les agences emploient 77 % des fonctionnaires du pays : « Au Royaume-Uni, le développement des agences a permis à la fois de moderniser le statut de la Fonction publique et de décentraliser la responsabilité en matière de recrutement et de négociations salariales. Ces agences ont ainsi permis de moduler la gestion des ressources humaines à l’aune d’objectifs et de cibles de performance (…). »

Ainsi donc, jour après jour, nous voyons très clairement se dessiner le projet d’ensemble du gouvernement pour les administrations centrales de l’Etat. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un vaste plan de démembrement conduisant tout droit à une autonomisation des services (les agences se substituant aux administrations de l’Etat) ainsi qu’à de profondes remises en cause des statuts et de la gestion des personnels, première étape d’un processus d’externalisation programmée des dites fonctions supports.

Les agences en question seraient dotées d’une grande autonomie (notamment financière) permettant d’introduire et de développer des modes de gestion et de management obéissant à des logiques de performance et de pure rentabilité. Celles-ci sont censées permettre plus de flexibilité dans l’exécution des missions comme dans la gestion des moyens et des effectifs. Dans ce système, le rôle de l’Etat se limitera à contrôler les objectifs et les résultats des politiques dont il demeurera responsable au niveau financier.

En clair, l’Etat restera seulement comptable de la « meilleure » utilisation des ressources publiques, ces agences étant, pour leur part, chargées de toute la mise en œuvre. Au sein de ces structures, toutes les catégories de personnels pourront être affectées, qu’ils soient titulaires ou contractuels.

Suivant ces orientations, plusieurs mesures ont déjà été annoncées, qui vont fortement impacter l’avenir de la Fonction publique, le fonctionnement des services, les conditions de travail et la gestion des carrières des personnels. Quelques exemples, particulièrement emblématiques

L’opérateur national de paye (ONP) :
10 000 fonctionnaires sont actuellement chargés de la paye de l’ensemble des agents publics de l’Etat. Avec la mise en place de l’ONP, qui vise à centraliser l’ensemble des procédures et des systèmes d’information, combien seront-ils demain dans une relation de proximité et de dialogue, absolument nécessaire, avec les personnels ? Comment pourront être corrigées d’éventuelles erreurs de gestion, ou traitées certaines situations particulières ? Quelle voie d’accès, pour les agents et leurs représentants, aux véritables gestionnaires des rémunérations ? Il est également à noter que la mise en place de cet ONP est étroitement liée à la réforme des pensions car il est prévu, à terme, d’appliquer les modes de gestion du secteur privé où les déclarations retraites sont issues du logiciel de la paye.

La réforme des services de pensions :
Les services des pensions de tous les ministères doivent être réunis dans une entité unique. Avec la mise en place du compte individuel retraite pour chaque fonctionnaire, la suppression progressive d’ici 2010-2011 des services ministériels chargés en amont du traitement des pensions est d’ores et déjà prévue. En conséquence, ce sont environ 2000 agents qui devront être réaffectés sur d’autres fonctions.

Ce compte individuel réunit l’ensemble des éléments de carrière nécessaires à l’information du fonctionnaire et à la liquidation de sa retraite. Demain, au lieu de contacter le service chargé actuellement de cette mission au sein de leur ministère, les personnels retraités et actifs devront appeler un centre d’appel téléphonique de ce nouvel opérateur des pensions ou consulter leur dossier sur internet…

La mise en place d’une agence des achats de l’Etat :
Celle-ci mettra en œuvre une politique d’achats globale centralisée reliée au ministère des Comptes publics. Un responsable unique des achats par ministère sera désigné et placé sous l’autorité de son Secrétaire général. Dans les orientations d’ores et déjà retenues, et présentées par le Conseil de modernisation, l’Etat doit aussi favoriser l’externalisation de certaines fonctions, l’exemple du ministère de la défense, qui a externalisé la gestion de son parc automobile, étant cité et mis en valeur.

La réforme de l’immobilier de l’Etat :
Mise en place d’un Etat propriétaire unique avec généralisation des « loyers budgétaires », et création d’une agence interministérielle de l’immobilier de l’Etat à partir du service des Domaines.

Parallèlement, et toujours au nom d’une diminution des effectifs, les fonctions confiées à des prestataires privés se multiplient de manière pléthorique, et sans fin, dans tous les ministères : maintenance, informatique, logistique, accueil, sécurité, reprographie, emploi de chauffeurs, voire même, maintenant, des secrétariats. Le recours à des cabinets, experts, agences pratiquant audits, évaluations ou conseils en gestion se développe de façon exponentielle alors que ceux-ci coûtent chers, et que leur valeur ajoutée, comme leur connaissance de l’environnement administratif, laissent souvent à désirer.
Les administrations centrales ne sont pas les seules à être concernées par ce vaste plan de restructurations. Les expérimentations et réflexions actuellement menées aux niveaux départemental et régional visent tout autant à modifier et réduire les missions des services, à faire des économies d’échelle en s’attaquant à l’emploi public et aux moyens de fonctionnement.

Le gouvernement avance aujourd’hui très rapidement ses pions au travers de textes modifiant le Statut général, en pleine cohérence avec ces « restructurations » de la Fonction publique, visant à redéfinir la nature comme le contenu de l’emploi public. Le dispositif envisagé, directement inspiré des plans sociaux appliqués au secteur privé, prévoit des aides au reclassement et à la mobilité imposée par la restructuration des administrations, mais aussi des primes de départ de la Fonction publique, l’extension du recours aux CDD, et la possibilité de faire appel à des agences d’interim pour effectuer les missions actuellement accomplies par des fonctionnaires.
Nul doute que cet inventaire mérite bien le qualificatif de « trousse à outils » pour la RGPP, dont est baptisé le fichier transmis aux organisations syndicales et aux gestionnaires de personnels par le ministre en charge de la Fonction publique.

POUR NOS EMPLOIS ET POUR LA SAUVEGARDE DE NOTRE INSTRUMENT DE TRAVAIL
ET DU MINISTERE DE LA CULTURE
LE 20 MARS TOUS EN GREVE, TOUS DANS L’ACTION
ET EN MANIFESTATION !

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