Quand est-ce qu’on adapte le travail à l’homme ? Compte-rendu du CHSCT-M du 4 avril 2022

Compte rendu du CHSCT ministériel du 4 avril 2022

Le CHSCT ministériel débute par une déclaration de la CGT sur les libertés syndicales et la possibilité donnée aux organisations syndicales de demander la désignation d’experts dans les instances ; notre organisation exige que cette prérogative soit respectée, notamment dans le réseau des Ecoles Nationales Supérieures d’Architecture plus enclin à faire obstruction à nos demandes de désignation d’expert.

1- La dématérialisation : quand est-ce qu’on adapte le travail à l’homme ?

D’un point de vue général, la CGT Culture déplore l’incapacité du CHSCTM et des CHSCT locaux à aborder la transformation numérique comme une transformation du travail ayant des conséquences sur la santé et les conditions de travail. Depuis le début toutes les réponses faites aux représentants du personnel ne sont que des réponses techniques. Ce constat est un frein sans précédent dans la démarche de prévention, dont l’un des principes est d’adapter le travail à l’homme et non l’inverse.

Au cours de l’examen de ce point, la CGT Culture a remis au centre de ces échanges le travail réel des agents affectés dans les Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP).

Aujourd’hui, beaucoup décrivent :
  • Un niveau de stress élevé lié à la peur de faire des erreurs, de perdre des dossiers et de ne pas tenir les délais ;
  • Des difficultés de concentration ;
  • Une fatigue et un épuisement importants en raison de dépassements d’horaire ;
  • Un réajustement permanent causé par la désorganisation quotidienne, surcharge de travail et de charge mentale ;
  • Des relations tendues entre collègues et/ou avec les usagers ;
  • Une perte de sens fondée, entre autres, sur le sentiment de perdre son temps à cliquer et à réparer ce qui ne fonctionne pas plutôt qu’à accomplir sa mission.
Émergence de l’insécurité socio-économique

Le 100% Démat fait aussi émerger l’insécurité socio-économique, notamment chez les agentEs de catégorie C. Le processus d’instruction dématérialisée des dossiers, supprime le travail des secrétariats et interroge sur l’avenir de leur activité. Faut-il se former à un autre métier (ce que certainEs chefFEs de service d’UDAP ont déjà suggéré) ? Quelles sont les voies de promotion et d’évolution des rémunérations pour ces agentEs ?

Certaines DRAC ont fait le choix de s’appuyer sur des chargéEs de missions à la transformation numérique. Outre le fait que ces derniers portent un discours commercial sur PLAT’AU (plateforme des autorisations d’urbanisme) ou qui tend à minorer les difficultés rencontrées (« ne vous inquiétez pas, d’ici peu tout ira bien…), ils n’ont aucun lien avec les correspondants informatiques qui ont quant à eux une connaissance très fine des outils métiers des DRAC et des UDAP.

Le ras le bol numérique

Enfin, nos échanges avec les collègues des UDAP et des DRAC révèlent un réel ras le bol du numérique. Ces derniers mois les outils numériques se sont largement multipliés et envahissent l’univers professionnel. Réserver une voiture ne se fait plus directement auprès d’un collègue, envoyer un colis ne se fait plus directement ni par la Poste (etc.) mais par informatique, en suivant une procédure d’environ deux pages… Ces outils font disparaitre les relations entre collègues et empêchent les coopérations dans le travail. Ils crispent également la relation avec l’administré. Aujourd’hui les UDAP ne peuvent plus assurer un accueil téléphonique et physique régulier. La colère des usagers devient fréquente et régulière.

A ce jour, le 100% Démat connait un très faible taux de mise en œuvre, mais en termes de casse des collectifs et des organisations du travail il se révèle très efficace !

Forte de ces constats la CGT Culture a demandé :
  • La réalisation d’analyses des conditions de travail et l’évaluation des risques dans les services ;
  • La prise en considération par le CHSCTM des questions de transformation numérique et de leurs conséquences sur le travail et les agents afin de développer une réelle culture de la santé au travail ;
  • La réunion du groupe de travail du CHSCTM pour construire la méthodologie de l’étude d’impact sur l’introduction de nouvelles méthodes de travail afin que l’échelon local soit en capacité de les réaliser ;
  • L’ouverture d’une discussion relative aux évolutions de carrière pour donner des perspectives d’avenir aux collègues ;
  • L’ouverture d’une discussion sur les démarches en ligne qui à ce jour ne sont pas débattues ;
  • La communication claire du phasage de la dématérialisation et des formations pour les services régionaux d’archéologie et des conservations régionales des monuments historiques ;
  • La gestion par le ministère (administration centrale), sans que cela pèse sur les UDAP, de la compatibilité des logiciels avec les collectivités territoriales ainsi que le travail d’enrichissement de Patronum ;
  • Après compatibilité des logiciels avec les collectivités, clarification du phasage des tests d’instruction des autorisations d’urbanisme ;
  • Dans cette période de transition chaotique, nécessité de l’allongement des délais d’instruction de ces dossiers pour redonner des marges de manœuvre aux agents ;
  • Que les formations tout comme les circuits d’information (tutoriels, vidéos, documents …) tiennent compte du temps que les agents n’ont plus, pour éviter les phénomènes de saturation et que finalement les agents ne lisent plus les informations ;
  • Une redéfinition des équipes d’accompagne-ment du ministère pour répondre au plus vite aux problématiques des agents.
Réponses de l’administration : Tout va bien mais au bout de trois mois de démarrage (sic)….

Elle a d’abord tenté de positiver les échanges sur le sujet : 90% des UDAP sont connectées à PLAT’AU ; les agents ne nous font pas de retour aussi catastrophique ; c’est une refonte attendue depuis longtemps par une grande majorité d’agentEs ; c’est une approche innovante porteuse de beaucoup de valeur ajoutée pour les usagers et les agentEs ; la version PLAT’AU répond maintenant à la grande majorité des attentes…

Mais l’administration reconnait que :

  • Les éditeurs de logiciel des collectivités territoriales ne sont pas prêts ;
  • Elle ne s’attendait pas à autant de difficultés ;
  • Des soucis émergent au niveau du ministère de la transition écologique (MTE) ;
  • Il lui faut réfléchir à un plan de continuité de l’activité parallèle à PLAT’AU au cas où celui-ci cède et éviter que les services ne soient plus en capacité d’instruire les dossiers d’urbanisme.

En réalité après trois mois de démarrage 100% Démat est un fiasco :

  • Seulement 590 communes ont déposé des consultations sur PLAT’AU alors que la cible est de 35 000 (en 2022, objectif atteint à 1,69%) ;
  • Uniquement 4207 consultations là où il en était attendue 103 846 (en 2022, objectif à 4,05%).
  • Au 25 mars sur 99 UDAP seules 19 sont autonomes (soit 19,19%) mais pas à 100%.

L’administration a aussi reconnu que la transformation numérique entraine des modifications importantes des conditions de travail, du stress, de la charge de travail (qui augmente), des inquiétudes sur l’avenir des métiers, des incertitudes techniques pour lesquelles il faut trouver des moyens de contourne-ment de PLAT’AU. Dans de prochaines rencontres elle abordera le sujet des risques socio-organisationnels qu’elle n’a que très peu exploré jusqu’à présent.

Du côté des effectifs, l’administration confirme le renouvellement des vacations pour cette année. Elle reconnait également que pour les secrétariats le changement de métiers est certain et qu’il lui faut accompagner ce changement et cette transformation sans supprimer d’emplois. Pour ce faire, une politique de formation en lien avec le département de l’action territoriale (DAT) et le SNum doit se mettre en place. L’administration souhaite à ce sujet une politique proactive pour aider les personnels et requalifier les fonctions.

Elle a par ailleurs, validé le principe d’un groupe de travail du CHSCTM sur la méthodologie de l’étude d’impact.

2- Projet d’arrêté relatif au dispositif de recueil et de traitement des signalements des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes

La CGT Culture a souligné les évolutions de ces documents. Pour ce dernier examen elle a porté huit amendements, des remarques d’harmoni-sation entre l’arrêté et les annexes, puis des rectifications juridiques.

Les points les plus importants pour la CGT Culture sont de garantir l’égalité de traitement pour tout agent du ministère, élève, apprenti et étudiant, mineur comme majeur, salarié comme bénévole, de prévoir une procédure pour les situations où la hiérarchie est victime ou mise en cause et d’assurer le suivi et le traitement de ces signalements. Ce CHSCTM a permis de faire évoluer favorablement ces points. Reste à voir la mise en œuvre.

Les organisations syndicales ont émis un vote favorable unanime à ce projet d’arrêté, complété par quatre annexes :

  • Procédure de mise en place;
  • Fiche de signalement ;
  • Signalement prévu à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale ;
  • Protection fonctionnelle.

Pour ces quatre annexes, un certain nombre de questions restent à régler telles que :

  • Identification des risques, rédaction du plan de prévention primaire permettant une élaboration de doctrine ministérielle de prévention sur ces risques ;
  • Insertion d’un logigramme afin de visualiser une procédure de traitement très complexe ;
  • Adaptation de la fiche de signalement à la situation des élèves et étudiants ;
  • Clause de revoyure ;
  • Evolution du contenu du bilan anonyme.

Dans cette perspective et à la demande de la CGT Culture, un groupe de travail du CHSCTM travaillera à ces évolutions.

Malgré des avancées significatives, la CGT Culture regrette le refus de l’administration d’intégrer le référentE violence, harcèlement, sexuel et sexiste dans le comité interdisciplinaire de suivi.  C’est donc un nouveau rendez-vous manqué pour cet acteur de la prévention de ces faits, dont le rôle pourtant important reste encore flou.

3- Programme des formations en santé et sécurité au travail pour l’année 2022

L’administration a présenté, sous forme de fiches RenoiRH, les formations et la description des stages en santé et sécurité au travail.

La CGT Culture a rappelé que ce point n’a pas été discuté ni mis au vote lors d’un CHSCT M. Pourtant tous les ans il doit faire l’objet d’un groupe de travail (idéalement en septembre) pour recenser les besoins et discuter les contenus en lien avec les rapports de la médecine du travail et des inspecteurs Santé et Sécurité au Travail (ISST), pour ensuite être à l’ordre du jour d’un CHSCTM. La CGT Culture a rappelé que l’accès à l’offre de formation est toujours un problème. Tout le monde n’a pas accès à Sémaphore, l’intranet du ministère.

Dans le détail, certaines propositions de formation, comme par exemple le risque amiante, sont encore trop axées sur du bâtimentaire et pas assez sur les missions du ministère de la culture telles que les archives et l’archéologie.

D’autres formations ont un contenu qui pourrait, selon la CGT Culture, être plus étoffé ou réorienté. C’est le cas pour les formations management, celles sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), celles concernant les enquêtes accident du travail, tentative de suicide, suicide et plus largement les guides et vade-mecum développés au ministère comme le guide du maintien dans l’emploi et de prévention de l‘inaptitude.

D’autres sont absentes ; c’est le cas des formations transformation du travail : le travail numérique et son impact sur la santé et les conditions de travail, celles contre les violences, celles relatives au comité social d’administration (CSA) et ses formations spécialisées.

4- Calcul du nombre de représentants du personnel dans les formations spécialisées

Concernant les élections professionnelles et la composition des formations spécialisées en santé et sécurité au travail, l’administration a réaffirmé les engagements du secrétaire général :

  • Dès qu’un comité social d’administration (CSA) couvre plus de 200 agents, une formation spécialisée est créée (article 9 du décret n° 2020-1427) ;
  • Partout où il y avait des CHSCT avec des moyens majorés pour risques professionnels (liste fixée par arrêté ministériel du 29 décembre 2015), il y aura des formations spécialisées de site ou de service pour risques professionnels créées par arrêté ministériel (en attente de signature de la DGAFP) ;
  • Pour les CSA où il n’y aurait pas de formation spécialisée : le ministère s’engage dès lors qu’elles sont demandées par la majorité des représentants du personnel ou par l’ISST à examiner la demande de manière très favorable (cela serait précisé dans une circulaire à venir).

Il reste une ambiguïté à lever

Pour les formations spécialisées de plus de 200 agents, les titulaires de la formation spécialisée doivent être pris parmi les titulaires ou les suppléants du CSA et les suppléants de la formation spécialisée sont librement nommés par les organisations syndicales.

Ce mode de désignation est différent pour les formations spécialisées de moins de 200 agents créées en raison de risques professionnels où les désignations des titulaires et suppléants sont librement faites par les organisations syndicales. 

L’administration n’avait pas pris en compte cette subtilité qui a de grandes conséquences sur le nombre de personnes pouvant être mandatées et leur modalité de désignation.

Elle répondra ultérieurement par courriel et si besoin nous évoquerons ce point lors des réunions sur la préparation des élections professionnelles.  

5- Évolution de la crise sanitaire

L’administration maintient des mesures, à savoir les gestes barrières, l’attribution de masques et de gel hydro alcoolique. Elle reconnait que la ventilation des locaux est parfois difficile, ce que révèle l’installation de capteurs de CO2. La vigilance et la réglementation restent de mise pour les personnes vulnérables pour lesquelles, la CGT Culture l’a rappelé, la reprise du travail se fait après deux années d’absences.

La CGT Culture maintient cependant qu’il était prématuré de lever l’obligation du port du masque et de ne plus imposer le nettoyage des points de contact et des équipement partagés. Elle a aussi rappelé que le nombre de décès liés au Covid est de plus d’une centaine de morts par jour dans la semaine du 4 avril. La vigilance reste donc de mise.

6- Questions diverses

  • Les prestations externalisées de la médecine du travail de Thalie santé ; report au CHSCTM de juin.
  • Le non traitement de faits de harcèlement sexuel à la fin de l’année 2017 à l’ENSA de Rouen ; réponse en attente.

 

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