Projet de loi travail ou la fin du service public de l’archéologie…

Depuis bientôt 3 mois, la mobilisation contre la loi travail et l’entêtement du gouvernement à vouloir passer en force ne faiblissent pas. Cette réforme du code du travail réfutée par 2/3 des français, notamment dans son article 2 sur la hiérarchie des normes, a pour but d’instaurer un dumping social généralisé dans lequel le petit monde de l’archéologie ne sera pas épargné, bien au contraire. A très court terme, si cette loi venait à être adoptée, elle donnerait la possibilité aux patrons des entreprises privées d’archéologie préventive de se soustraire aux règles actuelles du code du travail afin de franchir un cap supplémentaire dans la concurrence commerciale exacerbée. L’adoption de la loi travail sonnerait à coup sûr le glas d’une archéologie de service public.


L’histoire l’a montré : tout est bon pour s’enrichir et gagner des parts de « marché »…

Depuis la loi de 2003, rappelons que dans le monde du libéralisme, le petit monde de l’archéologie n’a rien à envier aux grands secteurs d’activités de notre pays. En 2013 et par une étude poussée, la CGT a démontré comment quelques individus s’étaient fortement enrichis, dans un « marché » alors en expansion jusqu’au début des années 2010, sur le dos de la sauvegarde du patrimoine en s’octroyant des dividendes plus que confortables alors que leurs entreprises affichaient des taux de bénéfices supérieurs à ceux de l’industrie du luxe. Plus récemment, la CGT a aussi démontré comment ces patrons d’entreprises avaient su profiter depuis, d’un effet d’aubaine en émargeant au Crédit Impôt Recherche (CIR) pour créer et alimenter une spirale déflationniste des prix comme le pointe le rapport parlementaire de Martine Faure ou la Cour des comptes et ceci afin d’ancrer le secteur dans une concurrence commerciale exacerbée. Alors que les députés, dans le cadre du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, tentent d’éradiquer la distorsion de concurrence entre opérateurs publics et privés induite par le CIR, les dispositions du projet de loi El Khomri si elles sont adoptées, permettraient aux patrons de boites privés d’avoir un nouvel outil pour casser les prix et cela au détriment des conditions de travail de leurs salariés.

Ayez confianccccce !

Car malgré les beaux discours lors du livre blanc ou lors d’auditions par les parlementaires, les patrons de boites privées sauront à coup sûr utiliser les dispositions de l’actuel projet de loi pour généraliser un dumping social en toute légalité afin de conserver et gagner des parts de marché. Car nous sommes loin des soi-disant bonnes intentions qui animaient notamment le Syndicat patronal des entreprises privées (SNPA) il y a quelques années. Aucun accord de branche spécifique à l’archéologie n’a vu le jour pour garantir un minimum social commun aux archéologues salariés du privé. De toute façon, avec le projet de loi travail que ce soit cet accord fantôme ou tout autre accord de branche qui s’applique actuellement, ils pourront être remis en cause dans chaque entreprise. La tendance actuelle est pour certains de revoir à la baisse les rémunérations des CDD et demain, si ce projet de loi travail est adopté, chacun pourra descendre les salaires des CDI, augmenter le temps de travail, rogner sur les indemnités de déplacement,… Il ne sera plus nécessaire d’exploiter des archéologues espagnols à 1000€ par mois tout compris, cela deviendra la nouvelle norme en France. Car ne nous leurrons pas, à l’échelle d’une entreprise privée, les patrons arriveront toujours à imposer aux salariés et donc à un syndicat maison de signer de tels accords par chantage à la sauvegarde des emplois… et cela fera boule de neige comme l’a été l’utilisation du CIR.

Projet de loi travail ou la fin du service public de l’archéologie…

L’impact du dumping social qui à coup sûr se généralisera très vite dans les entreprises privées d’archéologie préventive si la loi travail est adoptée aura pour effet de condamner les services publics. A l’heure où la pression financière s’accentue, quel intérêt aura une collectivité de maintenir un service archéologique ? Sûrement pas pour réaliser des fouilles alors que cela lui coutera 2 fois moins cher de faire appel à une entreprise privée. Rappelons simplement que depuis 3 ans le nombre de services agréés n’a pas évolué et qu’au contraire plusieurs d’entre eux ont sévèrement réduit la voilure de leurs emplois. De même, l’Inrap sera incapable d’être compétitif face à des patrons d’entreprises privées qui pourront exploiter leurs salariés comme bon leur semble.
L’erreur serait de croire que dans ce petit monde libéral de l’archéologie et dans une conjoncture économique difficile, chacun cherche uniquement à sauvegarder son niveau d’activité et ses emplois. Il suffit par exemple de lire dans la presse la communication récente d’Eveha (http://www.reseau-entreprendre-limousin.fr/actualite/eveha-nos-premiers-laureats-croissance-en-limousin_R_362_9358_) :

« À l’heure actuelle, si les dirigeants d’Eveha font de nouveau appel au Réseau entreprendre, c’est« parce que nous sommes à un tournant de notre développement », selon Jérome Monteil. « Comme ça s’était bien passé et que nous avons bien progressé, avec en plus des perspectives en cours de croissance, nous nous sommes dit qu’il serait bon d’y retourner pour appréhender la gestion à une autre échelle. » Car en continuant sur sa lancée, Eveha devrait voir ses effectifs grimper jusqu’à huit cents employés d’ici cinq ans ! ».

Le SGPA CGT-Culture appelle l’ensemble des personnels du service public de l’archéologie à combattre le projet de loi travail en se joignant aux manifestations du 14 juin 2016 et à participer à la votation citoyenne (http://www.cgt.fr/Votation-citoyenne.html).

Paris, le 6 juin 2016.

Pour télécharger le communiqué au format PDF cliquez ci-dessous.

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