PRÉCARITÉ ET CONDITIONS DE TRAVAIL : Notre colère et nos revendications

Nous sommes un collectif de conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s diplômé.e.s d’État (titulaire d’un Master II, grade de niveau VII). Notre profession est en danger, ce qui nous a poussé à nous réunir sous la forme d’un collectif au sein de la CGT Culture pour faire entendre nos revendications.

La sauvegarde et la protection du patrimoine sont des missions de service public relevant de la responsabilité du Ministère de la Culture, et notre profession y joue un rôle central. La conservation-restauration du patrimoine est une discipline très spécialisée qui nécessite un haut niveau de qualifications académiques et techniques. Ainsi, la Loi Musées de 2002 prévoit que seuls les professionnels de la conservation-restauration diplômés d’Etat sont habilités à intervenir sur les collections des Musées de France.

Malgré cela, l’Etat choisit d’externaliser en grande partie l’activité de conservation-restauration alors que celle-ci relève d’une mission de service public, et qu’il en finance les formations. En effet, les postes de conservation-restauration sont une exception dans les institutions françaises, et pâtissent de conditions d’emploi très disparates. En conséquence, une grande majorité d’entre nous exerçons en tant qu’indépendants, sous une grande diversité de statuts, et ne bénéficions souvent d’aucune protection sociale et médicale, malgré des charges très élevées.

Les institutions nous font intervenir en tant que prestataires soumis au code de la commande publique, alors que les règlements de consultations des marchés publics sont de plus en plus contraignants, demandant une organisation administrative trop lourde pour les formats d’indépendant ou d’autoentrepreneurs qu’on nous impose et l’accroissement de nos temps de travail non rémunérés.

Dans le domaine des Monuments Historiques, il n’existe pas de protection comparable (habilitation à intervention comme expliqué précédemment) à la loi Musées. Nous constatons dans les appels d’offre un manque de connaissance des spécificités de notre métier et du niveau de spécialisation requis pour l’exercer. Nous faisons ainsi face à la concurrence de grandes entreprises du bâtiment, qui sous-qualifient l’embauche d’une main d’œuvre non diplômée, et par ailleurs mal rémunérée. Parmi tant d’autres, citons l’exemple du prestigieux chantier de Notre-Dame de Paris : le règlement de consultation ne requérait qu’un seul conservateur-restaurateur diplômé d’Etat au sein de chaque équipe candidate. Il s’agit pour nous d’une méconnaissance, voire d’un mépris des implications de notre métier et d’une négligence de l’Etat quant à ses responsabilités dans la conservation du patrimoine.

De l’ensemble de ces contraintes résulte une précarisation croissante et alarmante de notre profession.

Quelles sont nos revendications aujourd’hui ?

Dans l’immédiat :

La mise en place d’une charte sociale reconnaissant la responsabilité sociale de l’État quant à sa mission de préservation du patrimoine, de sa transmission aux générations à venir et des conditions de travail et de rémunération avec :

  • la reconnaissance de notre diplôme (Bac + 5 Niveau VII) à sa juste valeur (équivalant à la catégorie A de la Fonction publique), et de l’expertise scientifique et technique, unique, qu’il nous permet d’acquérir tout au long de notre carrière ; cette reconnaissance doit se concrétiser par l’institution d’une rémunération minimale revalorisée, en adéquation avec le niveau de spécialisation requis pour le bon exercice de la fonction.
  • des règles de bons comportements dans le cadre de la commande publique, permettant de protéger juridiquement les intervenants en cas de litige, aussi bien entre le commanditaire et l’intervenant (seul ou en groupement), qu’au sein des groupements mêmes ;

La protection médicale et sociale des intervenant.es, incluant une reconnaissance de la pénibilité au travail. Le travail sur des échafaudages, souvent hauts et dans des positions inconfortables, dans des atmosphères polluées de solvants et de métaux lourds, a de graves effets sur notre santé. L’accumulation par l’exposition à long terme doit être prise en considération et nous demandons un aménagement de la fin de carrière et une meilleure couverture sociale ;

Pour l’avenir :

Le recrutement et l’ouverture de postes d’agents publics de catégorie A au sein du Ministère de la Culture et de ces institutions publiques dans les corps correspondant à nos missions à la hauteur des besoins afin d’assurer le service public de conservation et restauration qui lui incombe ;Dans la poursuite du même objectif de pérennité de la sauvegarde des œuvres d’art et de notre profession, nous demandons qu’une Loi Monuments Historiques semblable à la Loi Musées de 2002, soit décrétée dans les meilleurs délais, et afin de protéger ce patrimoine en garantissant que sa conservation-restauration soit effectuée par des professionnels diplômés d’Etat.

Paris, le 16 octobre 2023