Edouard Philippe donne sa vision de la Culture et des DRAC

Le Premier ministre a signé une circulaire en date du 24 juillet 2018 sur « l’organisation territoriale des services publics ». Alors que cette circulaire concerne l’ensemble des services publics, leurs missions et personnels ainsi que tous les citoyens et usagers, elle n’était toujours pas rendue public ce jour. Décidément en matière de transparence, ce gouvernement en est toujours au stade oral dans le genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ! ». C’est pourquoi, la CGT-Culture prend le parti de publier très vite ce document du fait de son importance pour les personnels et le ministère et de manière plus large pour la culture et le devenir des politiques publiques culturelles. C’est la CGT-Fonction publique qui a communiqué cette circulaire à ses organisations. Une expression plus large sera communiquée sur l’ensemble du document, notre expression se limitant à la question culturelle.

En dix pages, le Premier ministre poursuit une politique de réduction de voilure de l’État et de ses services : décentralisation, délégations de compétences, déconcentrations, mutualisations, clarifications, simplifications, fusions, réorganisations, etc. et le tout pour que l’État remplisse au mieux ses missions de services publics ! Évidemment la question des suppressions d’emplois n’est pas évoquée directement mais elle reste totalement d’actualité, c’est même un des objectifs principaux du Premier ministre.

De quoi est-il question ?

D’abord, d’une autre circulaire relative à la déconcentration et la réorganisation des administrations centrales, circulaire dont nous n’avons pas communication, pour l’heure. Le premier ministre lie les services centraux et déconcentrés au travers d’un nouvel exercice de déconcentration. Les travaux des ministres et préfets sont attendus pour la deuxième quinzaine d’octobre.

Du partage des compétences État-Collectivités qui est la porte d’entrée des réformes du gouvernement au prétexte qu’il susciterait confusion et dilution des responsabilités. La Culture est évidemment la cible idéale étant une compétence partagée entre l’État et les Collectivités.

Pour autant, la place et le rôle de l’État culturel ne saurait être nié dans le développement des politiques culturelles auprès des citoyens, des professionnels et des collectivités. Ils sont plus que jamais d’actualités dans une société en proie à de multiples fractures et ils doivent même être renforcés pour mieux répondre aux besoins sociaux, porter aide et conseil aux Collectivités et garantir l’égalité de traitement et la cohérence des politiques nationales sur l’ensemble du territoire pour l’ensemble de la population.

Il est écrit dans la circulaire comme principe générale que « la clarification des compétences et la réorganisation des services déconcentrés conduiront à revoir les missions comme le dimensionnement des administrations centrales et régionales dont ils dépendent. »

Plus particulièrement pour « des missions relatives à la préservation du patrimoine », il est précisé que les missions « exercées en région et dans les unités départementales, elles doivent être réaffirmées et leur articulation revue avec l’administration centrale et les opérateurs de l’État dans ce domaine. », dans l’objectif de réaffirmer le rôle de l’État, ses compétences et expertises. Et au passage en articulant avec la mission Bélaval ! ?…

A contrario, pour d’autres missions, le « périmètre de l’État peut être allégé compte tenu de l’intervention des Collectivités territoriales ». Les missions de soutien à la création et des industries culturelles sont dans le viseur des délégations de compétences, puisque c’est cette « recette » là qui est proposée par le Premier ministre. Des esprits pointilleux feront remarquer que c’est juste une possibilité offerte par le Premier ministre, celui-ci se contentant de faire allusion à l’expérimentation bretonne, et à son évaluation, dont il n’a pas tout à fait compris que ce n’était pas une expérimentation mais bien une délégation de compétence grandeur nature à laquelle Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, tient beaucoup… Tout le monde aura compris que dans la macronie c’est un argument qui suffit à lui-même, comme au cours du mandat précédent !

Il est évidemment nécessaire que cette évaluation soit présentée au comité technique ministériel du 25 septembre ; nous allons nous y employer, l’administration est avertie.

Pour la mise en œuvre, les préfets sont convoqués à rendre leurs travaux de proposition d’organisation territoriale dans chacun de leur territoire pour la deuxième quinzaine d’octobre. Ces propositions sont construites avec les Collectivités et les ministres sont invités à « documenter les conséquences de ces évolutions sur le fonctionnement et l’organisation des administrations centrales et régionales. » En clair, les ministres ne participeront pas à la « fête », ils feront la vaisselle !

Ce mode de gouvernement réduit à peu de chose la responsabilité des ministres et leurs prérogatives sur leurs attributions.

De déconcentration accrue, de modularité et de rationalisation

La mutualisation des moyens va s’accentuer par une politique immobilière agressive envers les services et les personnels, par la fusion des programmes budgétaires 333 et 307 – dont le pilotage reviendrait au ministre de l’intérieur, mais c’est à vérifier –, une nouvelle organisation des fonctions dite support, « pour accroître l’efficience et faciliter la démarche de déconcentration des actes de gestions, selon un calendrier à préciser » et la création de secrétariat généraux communs aux services départementaux.

De services publics comme points de contact

Mais que les usagers se rassurent, le maillage territorial est toujours d’actualité en matière de service public sous la plume du Premier ministre ; le numérique est appelé à la rescousse ainsi que quelques sous-préfectures pour y contribuer. En note de bas de page de la circulaire, il est précisé que « 92 % des Français pensent qu’il faudrait organiser en France un dispositif de maintien des services publics en zone rurale comme cela existe dans les quartiers difficiles.( Ipsos, février 2017). ». En réalité, le Premier ministre aurait dû commencer par ça au lieu d’affaiblir un peu plus encore la place et le rôle essentiels de l’État et de ses services publics sur l’ensemble du territoire, en zone rural comme urbaine.

De transitions professionnelles…

Les outils RH et financiers sont tout juste évoqués et pourtant point d’État et de services publics sans les hommes et les femmes qui les font vivre au quotidien. C’est bien de renforcement de moyens humains dont ont besoin les services. Du reste l’arbitrage de Françoise Nyssen sur les moyens humains pour l’année 2019 est éclairant à plus d’un titre : arrêt des suppressions d’emplois dans les DRAC, 60 suppressions en administration centrale et 100 en établissements publics.

Enfin il est précisé que les ministres et les préfets associent les organisations syndicales à ces travaux. Il est clair pour la CGT-Culture que nous nous opposerons dans l’unité la plus large à tout nouveau démembrement du ministère de la Culture, et nous ferons des propositions pour renforcer sa place et son rôle dans le domaine des politiques publiques culturelles. Le ministère de la Culture doit rester un ministère de plein exercice ayant le pouvoir d’agir sur l’ensemble du territoire. L’État à la carte proposé par le Premier ministre va affaiblir les politiques publiques.

Le parti pris du gouvernement de distinguer au sein du ministère et de ses services déconcentrés, pour mieux les saucissonner et s’en débarrasser après, l’organisation des politiques de soutien à la création, du livre, de la lecture, du cinéma, de celles du patrimoine ou de l’action culturelle est archaïque. Il ne correspond pas aux attentes actuelles de nos concitoyens et des personnels de la culture, ni à la conception politique et sociale de la culture telle qu’elle s’est construite et qu’elle continue de se construire. Au ministère de la Culture, les expertises professionnelles se construisent dans les coopérations et non dans l’abandon de pans entiers de compétences.

Voilà donc en quelques lignes, une brève analyse de la circulaire qui n’a pas d’autres objectifs que d’informer toutes celles et ceux qui sont attachés au ministère de la culture et à ses missions.

Pour parfaire l’information, vous pouvez consulter la circulaire en cliquant sur le lien : https://www.cgt-culture.fr/wp-content/uploads/2018/07/circulaire-du_24_juillet_2018_relative_a_l-organisation_territoriale_des_services_publics.pdf

Vive la Culture

et que vive le ministère de la culture !

Et bonnes vacances !

Paris, le 26 juillet 2018