Commission du « livre blanc » : Noyer le poisson ?

Ce vendredi 5 octobre, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication a installé la commission chargée de dresser le bilan scientifique, économique et social du dispositif de l’archéologie préventive et de lui remettre, avant le 1er mars 2013, ses préconisations sous la forme d’un livre blanc.
Compte tenu de sa composition et des missions assignées à ses membres, il y a sans doute plus à redouter qu’à attendre des travaux de cette commission.

La commission

Une armée mexicaine
Le choix d’une composition réduite à quelques membres indépendants aurait été judicieux et aurait permis, après audition de tous les acteurs, de dresser un bilan objectif sur lequel la ministre aurait dû s’appuyer pour réformer en profondeur et dans le souci de l’intérêt général, la loi de 2003.
Au lieu de cela, souhaitant sans doute soigner l’affichage et crédibiliser l’apparence d’une représentativité illusoire, le ministère a doté la commission d’une composition pléthorique (27 membres). Les points de vue divers et antagonistes qui ne manqueront pas de s’y exprimer pourraient se neutraliser et, faute de consensus nécessaire à l’élaboration d’une alternative au cadre réglementaire actuel, aboutir à une situation de statu quo, faisant de cette commission un objet au mieux inutile… au pire dangereux ; car il apparaît indéniable que pour beaucoup de membres de la commission mise en place par Aurélie Filippetti, ce n’est pas l’intérêt général qui va primer mais bien les intérêts particuliers.


Un trompe-l’œil

A y regarder de plus prés, la prétendue représentativité de cette commission n’est qu’un trompe-l’œil :

 certains membres représentant le secteur public sont des transfuges très récents du secteur privé, d’autres entretiennent des relations étroites avec des opérateurs privés, comme si la défense du service public n’avait de sens qu’entre les murs de certaines institutions mais aucun prolongement souhaitable pour la détection, la sauvegarde et l’étude du patrimoine archéologique.

 derrière une étiquette institutionnelle respectable, certains membres de la commission sont notoirement connus pour exprimer et assumer des propos qui le sont beaucoup moins ! Ces mots fielleux vis à vis du service public de l’archéologie sont-ils l’expression d’un large consensus institutionnel ? Certainement pas !

 on s’étonnera à ce titre, de la très faible représentation des signataires de l’appel « L’archéologie préventive doit être réformée »…

 que pourra exprimer le président actuel de l’Inrap au sein de cette commission ? Sa solidarité avec l’opérateur privé convié, au détriment de l’Inrap, à partager les « bénéfices » scientifiques, médiatiques et financiers de l’opération de Magny-Cours ?

 le patron de cet opérateur privé, choisi lui aussi pour siéger au sein de la commission, est-il venu défendre l’intérêt général ou les intérêts très particuliers de sa corporation – et ses millions d’euros de bénéfice engrangés en quelques années ?

 enfin, tant qu’à assurer une représentation des opérateurs privés au sein de la commission, pourquoi en exclure les archéologues salariés au bénéfice de chefs d’entreprise, garants, avant toute chose, de la richesse créée à leur profit ?


Sous l’apparence de la représentativité et du consensus, cette commission n’est donc qu’un faux nez du cirque actuel et il semble qu’on ait œuvré au sein du ministère pour s’assurer, directement et indirectement, de la représentation et de la défense d’intérêts très particuliers. La question de l’intérêt général et du service public est posée au travers de la commission, de sa composition et des réponses qu’elle apportera.

Un discours sans suite ? Un cadrage sans ambition !

Dans la feuille de route de la commission à aucun moment il n’est question d’évaluer les modifications que la loi de 2003 a introduite. Pourtant, dans le discours de Saint-Rémy-de-Provence, il s’agissait bien de la remise en cause de la loi de 2003 : « De nombreuses voix réclament aujourd’hui un retour au monopole instauré en 2001 et je n’ignore pas que les parlementaires de gauche s’étaient opposés à la loi de 2003. ». Pour le SGPA CGT-Culture, il s’agit d’un retour à un monopole du service public de l’archéologie préventive, composé de l’Inrap, des collectivités territoriales et des services régionaux de l’archéologie. Aujourd’hui, la mise en concurrence des fouilles gangrène non seulement les missions de service public, mais porte aussi atteinte à ces institutions et c’est ce que les « nombreuses voix » dénoncent. La maîtrise d’ouvrage des fouilles doit revenir à l’Etat et il est indispensable de sortir les fouilles du secteur marchand pour l’intérêt général et la sauvegarde du patrimoine archéologique.

Au mieux, on se dirige vers l’élaboration d’un énième rapport sur l’archéologie préventive quasi sans suite, comme la vingtaine qui avait précédé celui de Poignant/Pêcheur/Demoule, et au pire, vers le renforcement des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général et du service public de l’archéologie !

Paris, le 10 octobre 2012

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