CMN EPIC ? … EPIC QUOI ENCORE !

CMN EPIC ? … EPIC QUOI ENCORE !

La CGT-Culture et le SNMH-CGT ont demandé en urgence une audience au Ministre de la Culture et de la Communication à propos d’une éventuelle évolution statutaire du CMN. Nous avons en effet tout lieu de donner crédit aux rumeurs persistantes de transformation du Centre des Monuments Nationaux en EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Pour faire simple, si cette hypothèse était confirmée le CMN deviendrait un établissement de droit privé.

Le ministre nous a donc reçu le 19 juillet à 20h30. Cette rencontre a été l’occasion de soulever plusieurs questions préoccupantes concernant le devenir du CMN :

 Décentralisation : quelles sont les demandes des collectivités à cette date, seront-elles automatiquement acceptées et les monuments transférés dans la foulée, alors que les dossiers de candidature peuvent être adressés au ministère jusqu’au 23 juillet ?

 Contrat de performance : la fermeture partielle des monuments non rentables est-elle effectivement programmée ?

 Maîtrise d’ouvrage : dans quelles conditions ? Et avec quels moyens financiers et humains ?

 EPIC : le Ministère des Finances prônerait la transformation du statut du CMN d’EPA (établissement public administratif – droit public) en EPIC (droit privé), quelle est la position du Ministre de la Culture en la matière ?


Voici un compte rendu succint de notre échange :

Décentralisation : un démantelement du CMN qui ne veut pas dire son nom.

Depuis le début, la CGT s’est opposée au transfert des monuments gérés par le CMN aux colléctivités territoriales dans le cadre de la loi de décentralisation Raffarin. Le décret 2000-357 stipule que le CMN a pour mission l’ouverture et la présentation de ses monuments et de leurs collections. C’est aussi la pluralité patrimoniale (sites archéologiques, cathédrales, châteaux , architecture contemporaine…) sur l’ensemble du territoire national.

Aujourd’hui, le CMN a vu Chambord et les Tuileries quitter son giron. Demain, le départ du Haut-Koenigsbourg mettra davantage en péril l’autofinancement du CMN (monument qui n’aurait, pour la CGT, jamais dû être transféré de par sa dimension historique et symbolique).

Ainsi, l’équilibre financier du CMN est mis à mal.
Quel engagement prend le Ministre de la Culture pour compenser toutes ces pertes qui mettent en danger l’existence même de l’établissement ?

Le Ministre rappelle que, pour sa part, la décentralisation n’est pas un désengagement de l’Etat mais le moyen de transmettre la responsabilité des monuments à d’autres acteurs et de fédérer ainsi des énergies. Il souhaite voir se développer des projets d’animation culturelle pluridisciplinaires.
Pour le Haut-Koenigsbourg, le Ministre s’engage : « le manque à gagner sera compensé ».
Pour autant, aucune précision sur la compensation financière n’est donnée.
Pour la CGT, il est certes nécessaire de renforcer le partenariat avec les collectivités territoriales mais celui-ci ne peut s’effectuer que si l’Etat et ses établissements conservent des implantations assurant un véritable maillage du territoire garantissant une politique nationale cohérente et une péréquation des moyens entre les sites (bénéficiaires et déficitaires).

Contrat de performance ou la contreperformance du service public

Le contrat de performance recommande la fermeture de tout ou partie des monuments dits « non rentables » avec pour conséquence le redéploiement des personnels vers les monuments dits « rentables ». Or, pour la CGT, le CMN doit être un outil d’éducation populaire et d’appropriation du patrimoine national par l’ensemble des citoyens et ne doit pas être géré qu’au travers du seul prisme comptable. Par ailleurs, l’une des raisons d’exister du CMN est la péréquation et la mutualisation des recettes permettant l’ouverture de tous les monuments.

C’est pourquoi pour la CGT, même le plus petit monument doit rester ouvert, c’est la conception même du Service Public.

Le Ministre propose une réflexion :

 Sur l’ouverture tardive des monuments : par exemple, fermeture d’une journée contre une ouverture en nocturne – comme la nuit blanche des musées ;

 Sur la collaboration avec les écoles et collèges.

Pour le Président du CMN, le contrat de performance n’est qu’un état des forces et faiblesses de l’établissement vu sous l’angle économique. Il n’est pas indécent de mettre en rapport le personnel nécessaire à l’ouverture d’un monument face au nombre de visiteurs.
La CGT s’oppose à toute fermeture des monuments et, face à la menace de fermeture des monuments « déficitaires », propose la gratuité de tout ou partie de l’année afin que le public de proximité s’approprie son patrimoine.

In Memoriam :
Décret n°2000-357 relatif au CMN article 2
Le Centre des Monuments Nationaux a pour mission de présenter les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

Maîtrise d’ouvrage : plus on nous explique moins c’est clair !

Une mission a été rajoutée au CMN : assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux d’entretien, de conservation et de restauration des 110 monuments qu’il gère (il s’agit là d’un transfert de mission des services de l’Etat CRMH vers l’Etablissement Public du CMN).
La CGT a maintes fois exprimé son opposition à cette mesure car cette accroissement substantiel de ces missions se fait sans garantie des moyens financiers et humains pour les assurer et au détriment des services de l’Etat dont le démantèlement est en cours.

La CGT a insisté sur le risque de conflit d’intérêt : compte tenu de la tendance à n’envisager les actions de l’Etablissement qu’à l’aune de la rentabilité économique, n’existe-t-il pas le risque de voir effectuer des travaux de restauration et d’entretien là où la rentabilité est immédiate…en oubliant les critères de sauvegarde du patrimoine.
Cerise sur le gâteau, on lui rajouterait encore environ 300 monuments et cathédrales propriété de l’Etat et affectés à la DAPA pour lesquels le CMN aurait pour seule mission la maîtrise d’ouvrage en lieu et place des services de l’Etat.

Total : 400 monuments !

Ce schéma vide les CRMH de leurs missions et menace leur existence.
Le Ministre a annoncé qu’il était « à la recherche de nouvelles ressources financières pérennes et qu’à cette fin l’affectation du produit d’une taxe était en discussion actuellement avec Bercy».
La décision définitive interviendrait pour les journées du patrimoine.

CMN EPIC : Epic quoi encore !

C’est cette fameuse taxe qui a permis au Ministère des Finances d’avancer la possibilité d’un changement de statut du CMN passant d’Etablissement Public à caractère Administratif (EPA) à Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC). L’arbitrage est en cours. Plus on pose de questions, moins on nous en dit !

Pour la CGT, le risque de transformation en EPIC du CMN par l’instauration d’une taxe para-fiscale est un danger à ne pas écarter !

Réponse du Ministre :
« Sans fondement. Tant que le Ministre s’appellera Renaud Donnedieu De Vabres, le CMN ne sera pas EPIC ! »

Voici une réponse éminemment argumentée et de haute tenue politique…

Conclusion pour la CGT :

Comme aurait pu dire Sully : Maîtrise d’ouvrage, contrat de performance, décentralisation et déconcentration sont les mamelles de la casse du service public culturel.

 On ferme les monuments « non rentables »,

 on redéploie les personnels sur les monuments « rentables »,

 on n’entretient plus les monuments « déficitaires »,

 on instaure une taxe financière,

 on devient prestataire de service pour la maîtrise d’ouvrage,

 on se déleste des personnels vers les collectivités territoriales ou en changeant leur statut de droit public en droit privé (Cf. Epic),

 on vide de leurs missions les DRAC, les SDAP et les CRMH.

Mais, au fait, que devient le service public culturel ?

Que devient le CMN ?

Comme le Ministre l’a dit, l’avenir du CMN est lié à son propre avenir. Et, chacun le sait, le mandat des ministres dure ce que durent les roses.

Le SNMH-CGT et la CGT-Culture engagent dès maintenant un processus d’information auprès des personnels et de sensibilisation des élus et responsables politiques.

Paris, le 21 juillet 2006