Le projet de décret relatif à l’évaluation archéologique en mer pris pour l’application de l’article L.524-6 du code du patrimoine était examiné pour avis dans un Comité technique extraordinaire de l’administration centrale le 13 juin 2018 et dans un comité technique extraordinaire de l’Inrap le 19 juin. Il vient compléter dans le milieu maritime de haute mer, le dispositif sur l’archéologie préventive, ce qui était attendu depuis de nombreuses années.

Un cadre fixé par la Loi de finance rectificative 2017

A l’heure de la multiplication des projets d’éoliennes et de carrières en haute mer, l’État devait adapter son dispositif de sauvegarde du patrimoine archéologique aux particularismes de ces projets et de ces opérations. Ainsi la LFR 2017 adoptée en décembre 2017 a instauré une redevance d’archéologie en mer et modifié le Code du patrimoine pour instaurer un dispositif spécifique.

Les projets d’aménagement se trouvant dans la zone côtière, jusqu’à un mille marin de la ligne de base territoriale restent assujettis à la redevance fixée pour le terrestre (0,54 euro/m2). Au-delà, c’est un barème de 0,10 euro/m2 qui sera appliqué dans ce que l’on appelle le domaine public maritime (DPM). Cette redevance même avec un taux bien inférieur à celle du terrestre étant donné les surfaces extrêmement importantes concernées, doit inciter les aménageurs à conventionner avec l’État afin d’organiser et financer les opérations d’évaluation archéologique. Pour chaque projet, la signature d’une convention d’évaluation archéologique entre l’aménageur et l’État (élaboration de la convention par le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous marines, signée par le directeur général des patrimoines) vaudra exonération de la redevance en mer. En cas de non signature d’une telle convention, l’aménageur devra s’acquitter de la redevance.

Un projet de décret pour appliquer ces nouvelles dispositions législatives.

Ce projet de décret définit la mise en œuvre de l’évaluation archéologique en mer et le contenu de la convention. Il renforce le binôme Inrap-Drassm et clarifie le rôle de chacun. Le Drassm définit l’emprise et la méthodologie de l’évaluation notamment par une exploitation documentaire préalable (carte archéologique ; fixe les conditions dans lesquelles l’aménageur fournit les données géophysiques, appelées également « survey », ainsi que leur qualité et assure l’analyse de ces dernières). Il définit alors les objectifs et les principes méthodologiques des expertises en immersion. Les plongées sont réalisées par l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (Inrap). Éventuellement, et uniquement par dérogation du ministre de la Culture, le Drassm peut en réaliser certaines « notamment en raison des enjeux spécifiques de l’opération » (expérimentation de robotique développée par le Drassm par exemple). Une fouille peut intervenir par la suite si l’aménageur ne suit pas les mesures de préservation du patrimoine (évitement) édictées par le Drassm.

Pour la CGT, ce texte vient compléter le dispositif national d’archéologie préventive en adaptant ses principes aux spécificités des aménagements en haute mer. Il permet par la généralisation de la redevance et du conventionnement de donner les moyens financiers pour la réalisation de ces opérations permettant ainsi à l’Inrap d’asseoir plus fortement son service et de monter en puissance dans ce domaine. En clarifiant la procédure et en la plaçant sous le contrôle direct du directeur général des patrimoines (signature des conventions) et du ministre de la Culture (dérogation pour la réalisation des expertises en immersion), il permet que se nouent de nouvelles relations entre le Drassm et l’Inrap.

C’est pourquoi la CGT a voté pour ce texte, dans l’intérêt général et pour le service public de l’archéologie !

La bataille des moyens commence…

Par contre, il ne nous échappe pas que le compte n’y est pas en termes de moyens pour que ce décret puisse s’appliquer dans de bonnes conditions.

Nous avons demandé :

– la création au Drassm a minima d’un poste administratif pour la liquidation de la redevance et la préparation des conventions et d’un poste supplémentaire pour l’analyse des « survey » ;

– la stabilisation et le renforcement de l’équipe de plongée du Drassm ;

– que ce décret soit mis à l’ordre du jour des CHSCT du Drassm et de l’Inrap et qu’une réelle étude d’impact sur le travail des personnels soit faite (actuellement au Drassm, les 2/3 des personnels sont en signalement auprès de la médecine du travail) ;

– qu’une réflexion et un dialogue soit menés dès la rentrée pour revoir l’organisation et le fonctionnement de la coordination et des activités subaquatiques et sous-marines à l’Inrap ;

– qu’un financement pérenne et suffisant soit alloué à l’Inrap pour permettre d’asseoir et de renforcer progressivement ses équipes opérationnelles dans ce domaine pour faire face au développement attendu des aménagements en haute mer.

Il était temps que la France qui possède le 2ème plus grand domaine maritime au monde s’organise sérieusement pour sauvegarder son patrimoine archéologique sous-marin !

Paris le 20 juin 2018