Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine – Vers la fin programmée de l’emploi statutaire

Le 28 avril 2022, le secrétaire général du ministère et le directeur général des patrimoines et de l’architecture signaient pour les préfets de région une note à l’attention des directeurs des DRACs, leur demandant de pourvoir les postes vacants dans les Unités Départementales d’Architecture et du Patrimoine (UDAP) par des recrutements sous contrat, en CDD, de 3 ans, voire en CDI, en lieu et place des postes de fonctionnaires de trois corps de notre ministère, existants et pleinement identifiés : les adjoints administratifs, les techniciens des services culturels et des bâtiments de France (TSCBF) et les ingénieurs des services culturels et du patrimoine (ISCP). Le tout, sans aucune concertation avec les organisations syndicales ni communication, et au mépris de la loi !

Alors que les effectifs dans les UDAP atteignent désormais un niveau extrêmement critique, alors que cette situation est connue de tous et que personne ne la conteste, le ministère semble mettre un malin plaisir à répondre aux attentes et à l’épuisement de ces équipes exsangues en contournant le Code de la Fonction publique. Celui-ci est pourtant très clair et sans aucune ambiguïté possible. Ainsi, en son article L311-1, il spécifie : lorsque les besoins sont permanents, les emplois civils de l’État sont occupés par des fonctionnaires.

Ce faisant, notre ministère programme ainsi à terme la disparition des corps concernés, la fin des concours, de la mobilité et de toute perspective de promotion (tout est lié…) et in fine l’extinction des carrières des personnels.

Cette fameuse note du 28 avril rappelle qu’il y a une vacance d’emploi de 4 % et une surcharge de travail de 30 % à 50 %, maintenant inscrite dans la durée. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir dit, répété et répété encore mais cette administration se refuse à écouter la réalité de terrain. Macron I comme Macron II, les alertes des organisations syndicales se heurtent systématiquement à un mur.

Comment l’administration peut-elle oser créer l’illusion d’un espoir de solution à nos difficultés en interprétant le droit de façon pernicieuse et en utilisant une situation d’extrême tension pour asséner un coup terrible à notre statut, à nos emplois et nos carrières ?

Quelles sont les voies légales pour répondre à cette situation de vacance et de surcroît d’activité ?
  • Les articles L112-1, L320 à 327, L253-1, entre autres…, obligent les administrations de l’Etat à analyser les mutations du travail et leurs conséquences sur la structure des emplois, notamment en étudiant un plan de repyramidage de C en B et de B en A, en anticipant les départs à la retraite ; en organisant régulièrement pour les futurs fonctionnaires les concours internes et externes avec liste complémentaire ;
  • L’article L332-7 mentionne : « Pour les besoins de la continuité du service, des agents contractuels de l’Etat peuvent être recrutés pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire, sous réserve que cette vacance ait donné lieu aux formalités prévues à l’article L. 311-2 (publicité des avis de vacances). Le contrat est conclu pour une durée déterminée, dans la limite d’un an. Sa durée peut être prolongée, dans la limite de deux ans, si la procédure de recrutement pour pourvoir l’emploi par un fonctionnaire n’a pu aboutir avant son terme. »
  • De plus l’article L332-22 autorise de traiter l’accroissement temporaire d’activitépar le recours à des CDD : « des agents contractuels de l’Etat peuvent être recrutés pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, si cette charge ne peut être assurée par des fonctionnaires de l’Etat. »
Prendre soin du travail, des emplois et des droits des personnels ou assécher les corps de fonctionnaires et affaiblir le statut général : l’administration a choisi

Si des concours ne sont pas organisés très régulièrement dans la filière technique comme administrative, il est impossible de répondre de manière pérenne aux besoins en expertise de haut niveau et en emplois des services. De surcroît, l’administration s’exonère à bon compte d’une réflexion sur les mutations du travail dans ces collectifs.

La question cruciale est donc bien la régularité des concours, le nombre de places ouvertes mais aussi la mise en place d’un repyramidage via des concours réservés – passage obligé jamais discuté pour la filière technique bâtiments de France / patrimoine et administrative.

Pour les concours d’adjoints administratifs, de TSCBF et d’ISCP, il ne manque pourtant ni de candidats compétents ni donc de lauréats. Reste que les concours ouverts en 2022 dans la filière technique ne donneront lieu à des affectations qu’en 2024. En outre, le nombre de postes ouverts est très loin d’être à la hauteur de la situation.

Un repyramidage des filières administrative et technique permettrait de valoriser les expertises et carrières de ces agents en facilitant leur passage en B et en A. L’expertise et l’excellence de leur travail sont incontestables et incontestées !

Le projet de transformation de postes de fonctionnaires titulaires en postes sous contrat pose de nombreuses autres difficultés. Au regard de la pyramide des âges, les corps concernés vont se voir amputer de la moitié de leurs effectifs dans les cinq années à venir. Si le ministère persiste dans sa stratégie d’asséchement et de dérégulation, ces corps ne seront plus abondés en personnels, seront bientôt moribonds et voués à disparaître.  Cerise sur le gâteau, cette politique désastreuse conduit immanquablement à un blocage de l’évolution des carrières du fait de l’absence de postes ouverts à la promotion au choix ou à la mobilité en nombre suffisant. Bonjour l’attractivité !

Côté rémunération, c’est un hold-up !

Et comme si tout ceci ne suffisait pas encore, le ministère s’autorise à recruter sous contrat à vil prix, notamment parce qu’il refuse de revaloriser les rémunérations des agents contractuels du ministère et ce depuis 2009. Cette politique instille une mise en concurrence et une division des personnels au travers de leur rémunération notamment.

Le calcul des écarts de salaires minimum mensuels entre les contractuels « Albanel » (indice plancher) et les catégories de fonctionnaires équivalentes (indice + IFSE) cumulé sur l’année donne ceci et l’addition est lourde :

  • Un agent sous contrat en groupe 1 (C) aura une rémunération annuelle inférieure de 4 611 € par rapport à un fonctionnaire.
  • Un agent sous contrat en groupe 2 (B) aura une rémunération annuelle inférieure de 3 500,40 € par rapport à un fonctionnaire.
  • Un agent sous contrat en groupe 3 (A) aura une rémunération annuelle inférieure de 564 € par rapport à un fonctionnaire.

Tout le monde aura compris que cette note est totalement inacceptable au regard des enjeux de développement, d’exigence et d’excellence des politiques publiques de protection du patrimoine et de la revendication de justice sociale que nous portons tous. L’administration ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes pour asséner un coup pareil à l’emploi statutaire.

Notre organisation syndicale demande le retrait sans délai de cette note du 28 avril 2022 signée par le secrétaire général du ministère de la culture et le directeur général des patrimoines et de l’architecture. Nous exigeons aussi l’ouverture immédiate d’une négociation sur le travail, l’emploi et les carrières.

Au ministère de la culture, le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron débute bien mal, non pas dans le dialogue affiché tout compte fait avec démagogie, mais par une volonté de mise en concurrence des personnels, en bafouant les droits des agents titulaires comme ceux de leurs collègues contractuels.

Le rôle de notre organisation est de rassembler les personnels, et non de les opposer, de défendre leurs droits, leur travail et leurs intérêts.

Le Syndicat national des services déconcentrés et la Cgt-Culture revendiquent :

  • Le traitement équitable de tous les agents ;
  • Le dégel du point d’indice et la revalorisation des grilles des agents publics ;
  • Un repyramidage des filières et l’accélération des promotions entre les grades et les corps ;
  • La création d’emplois de fonctionnaires en fonction des besoins ;
  • L’organisation régulière de concours adaptés dans les filières technique et administrative ;
  • Une fonction publique de qualité à l’image de ses agents et de leur expertise.

La CGT-Culture à vos côtés pour vous représenter, pour vous défendre, pour gagner

 

Paris, le 19 mai 2022