Prescriptions à la carte pour grands aménageurs…

On savait déjà le Ministère de la Culture capable de délivrer les agréments d’opérateurs d’archéologie préventive avec la plus grande largesse (cf : pdf/2011_12_11_communique_agrement.pdf ). Aujourd’hui, ce Ministère n’arrête plus d’innover et invente le concept de prescription à la carte ! En quoi consiste ce nouveau concept ? Simplement à se faire dicter par les aménageurs le contenu de la prescription de diagnostic, ni plus ni moins…


On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même !

Le projet d’un nouveau gazoduc « Arc de Dierrey » traversant la région Champagne-Ardennes sur 175 km, a fait l’objet d’une première prescription de diagnostic archéologique sur tout le tracé. D’une largeur de 34 m, comprenant la piste pour travaux et l’emplacement de la nouvelle canalisation, ce projet représente 600 ha à diagnostiquer.

GDF-Suez a contesté cette surface en justice et oh surprise ! Avant-même d’aller devant les tribunaux, le Ministère de la Culture a capitulé, laissant ainsi GDF-Suez décider au final de la surface à diagnostiquer.

Résultat : 90 km du tracé, soit toute sa partie orientale, sont purement abandonnés sans aucune détection archéologique préalable et sans le moindre argument scientifique, ramenant ainsi la prescription à 266 ha. Le prétexte invoqué pour habiller cette décision est que le nouvel ouvrage dans cette partie est implanté à proximité d’un gazoduc existant. Or cet argument ne tient pas puisque le nouvel ouvrage est situé à côté de la canalisation existante et que l’impact des travaux sera identique. La destruction des vestiges archéologiques sur ces 90 km non prescris sera donc exactement la même que sur la moitié ouest du tracé.

Saccage patrimonial et risques financiers importants pour l’Etat

Par rapport à certains secteurs géographiques déjà bien connus, et selon une première estimation basée sur des faits scientifiques, on peut s’attendre à un minimum d’un site tous les 3 kilomètres, voir plutôt même à un site par kilomètre. C’est donc dans le meilleur des cas 30 sites archéologiques et sûrement plus que le Ministère a décidé de laisser détruire sans aucunes observations.

Cette situation compromet le bon déroulement du chantier d’implantation du gazoduc et pourrait exposer l’Etat à financer des fouilles pour découvertes fortuites sur l’ensemble de ces 90 km… Pire encore, l’Etat sera dans l’obligation d’indemniser pour des montants astronomiques GDF-Suez si de telles fouilles ont lieu pendant les travaux !

Pour GDF-Suez c’est gagnant sur la redevance d’archéologie préventive (RAP divisée par 2) et c’est gagnant sur les fouilles… voir JACKPOT si découvertes fortuites !

Cette décision qui n’a aucun fondement juridique et scientifique est un véritable scandale archéologique et n’est pas sans rappeler l’affaire Tapie dans les principes…

Attaque contre le diagnostic systématique

Pour la CGT, il est indéniable que ce qui est clairement visé avant tout est le diagnostic systématique. Alors que la RAP ne rentre plus, que la diminution du nombre et de la surface des projets d’aménagements s’accentue, le Ministère s’agite pour que les prescriptions suivent la même tendance. En clair, la baisse des aménagements doit automatiquement être suivie de près par celle des prescriptions ce qui équivaut dans le contexte actuel à ne pratiquement plus rien prescrire…

L’enjeu pour le Ministère est la baisse du budget diagnostics pour 2014

D’ores et déjà, on se prépare à un budget diagnostic 2014 difficile, ce qui à court et moyen termes va avoir un effet désastreux sur le nombre d’hectare diagnostiqué. S’ensuivra une baisse du nombre de fouilles et cela dans un contexte concurrentiel de plus en plus tendu.
Cette décision n’aurait-elle pas un lien avec les préconisations de la Cour des comptes et on peut légitimement se demander où sont décidées les politiques patrimoniales ?
(cf : pdf/2013_06_28_communique_SGPA_CGT-culture_-_La_Cour_nous_regle_notre_compte_.pdf )

Le SGPA-CGT demande au Cabinet de la Ministre de faire retirer cette « substitution » de prescription, sans aucune justification juridique ou scientifique, et de s’expliquer sur cette modification invraisemblable.
Il demande de faire appliquer la règle générale valable pour tous les travaux d’envergure et obtenir des garanties quant au maintien du diagnostic systématique dans ce contexte de diminution du nombre de projets d’aménagements.

Paris, le 09 juillet 2013.

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