Préavis de grève CGT-Culture à partir du 14 mai

Le 8 mai 2020

Monsieur le Ministre,

A partir d’une situation déplorable dans la gestion de la crise épidémique, le président de la République a décidé, seul, de sortir du confinement à compter du 11 mai. Le gouvernement met alors en œuvre « un déconfinement progressif » à partir de cette date, dont l’une des conséquences sera de renforcer la présence de personnels dans les services et établissements.

Nous constatons, pour le déplorer, qu’en dépit des nombreuses interventions de la Cgt, vous n’avez toujours pas fourni les éléments permettant de savoir comment la sécurité sanitaire de milliers d’agentes et d’agents appelés à travailler en présentiel était concrètement assurée. Jamais nos interlocuteurs n’ont eu mandat de répondre qui devait venir travailler en présentiel à partir du 11, avec qui, avec quelle protection, pourquoi quelle priorité professionnelle, à quelle heure, avec quel suivi médical ? Cet environnement professionnel que vous voudriez « recommander » est très anxiogène pour les personnels qui sont laissés seuls à leur sort.

Mais si le président de la République bénéficie manifestement d’une immunité à toute épreuve, la partie n’est pas la même pour les chefs de service. Ces derniers ont les mêmes obligations que celles de « l’employeur » au sens du code du Travail. Il faut noter que le décret du 28 mai 1982 prévoit explicitement que les chefs de service ont la charge de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de leurs agents.

A l’heure, où le Sénat envisage le plus sérieusement du monde d’exonérer les élus locaux d’une partie de leur responsabilité pénale dans le domaine de la protection de la santé et où, au ministère de la Culture, tous les signaux indiquent une déresponsabilisation de l’administration et un désengagement de l’État dans sa responsabilité sociale en matière de santé des travailleurs, la responsabilité des chefs de service pourrait connaître une évolution inédite jusque dans le champ de la fonction publique d’État.

C’est pourquoi, les conditions de reprise d’activité même progressive doivent être garanties par des mesures de protection sanitaire évitant le risque épidémique et qu’elles doivent être négociées dans un dialogue constructif.

Et pourtant, dans le même temps, campant dans une posture inadmissible, vous refusez d’ouvrir une négociation que vous ont demandé toutes les organisations syndicales du ministère de la Culture le 29 avril sur le thème de la prévention du risque épidémique et des conditions de reprise pérenne de l’activité en présentielle pour l’ensemble des agents du ministère.

Ce faisant, vous n’engagez guère l’administration à vous suivre dans la voie d’un dialogue constructif, loyal, sincère et respectueux des prérogatives de chacun.

Car enfin, comment comprendre que n’importe quel patron d’établissement privé a des obligations de négociation collective alors que, en même temps, le ministre de la Culture d’un gouvernement nommé par un président de la République élu au suffrage universel dans la « Patrie des droits de l’homme » s’exonère de toutes formes de négociation collective avec des organisations syndicales représentatives dûment mandatées ?

Car enfin, comment comprendre qu’un patron d’une usine automobile est condamné le 7 mai à fermer son établissement suite à une ordonnance d’un tribunal judiciaire pour ne pas avoir consulté la commission santé, sécurité et conditions de travail de son l’établissement ni remis aux représentants du personnel l’ensemble des éléments portant sur les modalités opérationnelles de l’activité en vue de la reprise de la production ; et parce que la reprise dans cette usine ne permettait pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs de l’usine face au risque lié au COVID-19. Le juge précise que le temps de la suspension de la production est consacré à la mise en place effective de chacune des mesures nécessaires.

Et donc, comment comprendre qu’en même temps, le ministre de la Culture s’exonère de la consultation pour avis, sur le projet de plan ministériel de reprise d’activité, du comité hygiène sécurité et conditions de travail ministériel et du comité technique ministériel qu’il préside ?

La crise sanitaire actuelle est majeure. Elle nécessite un dialogue soutenu avec les représentants du personnel. Vous en avez convenu le 9 avril en exigeant la convocation de tous les CT et CHSCT du ministère de la Culture. Et pourtant, des informations concordantes font état d’un engagement très mitigé des présidents d’instances à les réunir. Comment comprendre que vous prenez des engagements de haut niveau et quand même temps vous négligez leur mise en œuvre ?

La période exige un dialogue soutenu pour permettre de construire ensemble des mesures de prévention garantissant à chaque agent du ministère une bonne santé et une reprise pérenne. Les organisations syndicales se sont réunies dans une démarche commune que la Cgt a initié le 13 mars. Pour toute réponse, en définitive, et à l’heure où chacun d’entre nous porte l’exigence d’une démocratie sociale responsable face aux enjeux de la Culture, nous constatons un acte manqué historique de votre part.

Mais à la différence de vous visiblement, la Cgt continue de faire de la santé des personnels du ministère de la Culture une priorité incontournable. C’est pourquoi, notre organisation dépose un préavis de grève pour les personnels de droit privé comme de droit public du ministère de la Culture pour les jours allant du 14 mai au 4 juin, ainsi que les nuitées en amont et en aval de ces deux dates, pour exiger :

l’ouverture d’une négociation au niveau du Ministre sur la prévention du risque épidémique Covid-19 et les conditions de reprise pérenne de l’activité en présentielle pour l’ensemble des agents du ministère et la préservation de leur santé ;

la consultation pour avis du comité technique et du comité hygiène sécurité et conditions de travail pour les projets de plan de reprise d’activité et des mesures de prévention du risque épidémique ;

la fourniture hebdomadaire à chaque agent d’un kit de protection identique comprenant des notices sur les mesures de prévention mises en œuvre au ministère et des équipements de protection individuelle (masque, gel, etc) adapté au risque identifié quand le risque n’a pu être évité, y compris dans les transports sur le trajet domicile-travail ;

dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons, l’accroissement des possibilités de recours au droit de retrait, ne serait-ce que de manière transitoire ;

dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons, une instruction pour ne pas recourir à des sanctions disciplinaires ayant pour origine un motif sanitaire, ne serait-ce que de manière transitoire ;

la publication immédiate d’une circulaire ministérielle précisant les personnes exerçant la fonction de chef de service dans toutes les administrations et établissements du ministère de la Culture ;

un suivi rigoureux des engagements du 9 avril du ministre de la Culture (communication aux organisations syndicales de liste de CDD au 12 mars, recensement des instances représentatives du personnel convoquées pendant le confinement, motif de la convocation, avis rendus, etc.) ;

la mise en œuvre de mesures sociales permettant aux personnels précaires de maintenir leur lien contractuel avec leur employeur et le renfort en moyens de l’action sociale d’urgence pour les personnels ;

l’abrogation de l’ordonnance du 15 avril sur les congés et RTT et la restitution des congés volés aux personnels ;

des moyens budgétaires pour le ministère de la Culture et ses établissements publics, sous forme de subventions de charge de service public, pour permettre le maintien opérationnel des services publics de la Culture et de garantir l’emploi de tous les personnels ;

Comme le prévoit la loi, nous restons disponibles pour une négociation et vous prions d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations syndicales les plus vigilantes.

               Secrétaire générale                                                                  Secrétaire général-adjoint

                Valérie Renault                                                                           Jean-Paul Leonarduzzi