« Petits » amendements entre amis….

« Petits » amendements entre amis…..

Nous avons été reçus le 13 janvier 2009 par le cabinet de la ministre de la culture pour demander des explications sur les épisodes ayant conduit à l’adoption par l’assemblée nationale de l’amendement de La Raudière.

Les organisations syndicales ont rappelé en préambule que la question des délais, soulevée par les parlementaires, était une préoccupation légitime, qu’elle fait partie des difficultés engendrées par la Loi de 2003, et que les syndicats ont demandé depuis longtemps et avec insistance qu’elle soit traitée au fond.

Le cabinet reconnaît ne pas avoir eu gain de cause sur la totalité des positions qu’il défendait sans toutefois nous en donner le détail. Mais il considère comme une avancée significative que l’augmentation de la RAP ait été adoptée dans le cadre de l’amendement 83 (dit « de la Raudière »).

Nous avons demandé le retrait de cet amendement en faisant valoir les arguments suivants :

 Sur les délais d’instruction : la réduction des délais d’instruction d’un mois à 21 jours ne réduit pas le délais de délivrance des autorisations (PC, etc…) et donc n’accélère en rien les programmes de construction. Cette mesure n’a donc pas d’autre objet que de plonger les SRA dans la difficulté.
La mesure est d’autant plus absurde qu’elle peut entraîner deux postures contre-productives et contradictoires : soit la baisse du volume de prescriptions, soit l’inverse, pour éviter, dans des délais trop tendus, de laisser passer un dossier important.

 Modification de l’article L 523-7 du code du patrimoine , imposant l’engagement du diagnostic « dans un délai de six mois suivant la conclusion de la convention », et subordonnant la caducité de la prescription à la capacité de l’INRAP ou des services de collectivité à faire face.

Cette mesure est schizophrène : la décision que prennent en connaissance de cause les services de l’Etat de prescrire un diagnostic pourrait être remise en question à tout moment, non par l’autorité qui l’a jugée nécessaire, mais par les opérateurs publics, INRAP ou services de collectivité, chargés de la mettre en œuvre. Et la procédure de réquisition, qui existe pour les fouilles, ne peut même pas être mise en œuvre ici, lorsque l’opérateur défaillant serait un service de collectivité! C’est un peu comme si les SRA ne prescrivaient plus, mais suggéraient de faire, à charge pour les autres de juger de l’opportunité d’exécuter les prescriptions. C’est le monde à l’envers.

De plus, cette mesure contreviendrait à la directive européenne 85-337 pour les projets soumis à étude d’impact, qui impose aux Maîtres d’Ouvrage de fournir sous une forme appropriée : « une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet proposé, y compris notamment la population, la faune, la flore, le sol, l’eau, l’air, les facteurs climatiques, les biens matériels, y compris le patrimoine architectural et archéologique, le paysage ainsi que l’interrelation entre les facteurs précités ».

 Modifications des articles L523-9 et L523-10 du Code du Patrimoine ; elles introduisent ce que C. Albanel affirme ne pas vouloir, l’inscription dans la loi de délais encadrant la réalisation des fouilles. En l’occurrence, un délai d’engagement (six mois), et une durée maximum (dix-huit mois, prorogeable une fois). Ces trois modifications sont chaînées et ont pour volonté, comme pour les diagnostics, de rendre possible la caducité des prescriptions de fouille en cas de non respect des délais par les opérateurs.

Ces dispositions, si elles étaient définitivement adoptées, introduiraient dans la loi une norme qui n’existe pas, et qui pourrait être amendée à tout instant.

Par ailleurs, ces mesures posent un problème de fond en matière de droit :

  Le non respect des conditions d’un contrat de droit privé peut-il avoir pour effet de remettre en question une décision de la puissance publique? Dans le cas d’un permis de construire, par exemple, le délai de construction non respecté conduit à annuler le permis, mais ne permet pas pour autant de construire sans autorisation…

  les maîtres d’ouvrage n’auront-ils pas intérêt à « s’entendre » avec les opérateurs pour annuler des prescriptions, les uns pour couper à leurs obligations et les autres pour ne réaliser que les opérations de leur choix ou compatibles avec leur plan de charge?

Le premier effet de ces mesures est de mettre entre les mains des maîtres d’ouvrage le soin de décider de respecter ou non la prescription de fouille.
Bref, l’amendement de la Raudière, en permettant aux intérêts privés de faire échec aux prescriptions de l’Etat, remet en question le principe même de l’archéologie préventive, et sa dimension de mission de service public :

L’archéologie vient d’être sortie du champ scientifique et patrimonial pour être rangée entièrement sous la contrainte économique.

 La RAP :

In extremis et devant la virulence des députés, le cabinet assure avoir « sauvé » l’augmentation du produit de la RAP en l’attachant au projet d’amendement de la Raudière.

Ainsi, on est passé de 35M€ d’augmentation de RAP votés au Sénat, mais rejetée par la Commission Mixte Paritaire en décembre, à une augmentation de 11 à 15M€ adoptée le 9 janvier à l’Assemblée Nationale.

Cette augmentation, insuffisante, doit permettre pour autant d’améliorer les délais de réalisation des diagnostics faits par l’INRAP et les Collectivités Territoriales.

C’est d’autant plus absurde qu’une augmentation significative de la RAP donnerait précisément un peu de respiration au système en permettant d’attribuer le nombre de jours nécessaires à la réalisation des diagnostics prescrits par les SRA, et par la mutualisation des fouilles (FNAP, logements sociaux).

Ce mardi, le cabinet a fait la démonstration de sa gestion désastreuse du dossier de l’archéologie préventive.

La seconde lecture de ce texte doit intervenir vers le 21 janvier 2009 au Sénat : nous devons nous mobiliser pour que soient retirées les trois premières dispositions, pour que l’augmentation du rendement de la RAP soit réellement significative, et enfin, pour que les moyens supplémentaires dégagés soient accompagnés de décisions permettant aux opérateurs, et particulièrement à l’INRAP, de recruter enfin les personnels dont ils ont besoin.

Pas question que la « crise » serve de prétexte à la liquidation de l’archéologie !


D’ores et déjà, l’intersyndicale appelle l’ensemble des personnels à se réunir en Assemblée générale et alerter leurs représentants à l’Assemblée et au Sénat afin d’organiser la riposte nécessaire et faire retire ce funeste amendement 83.

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