On déconcentre ou on centralise chez le Préfet ?

Oyez oyez ! Un nouveau texte vient de paraître, le décret relatif à la charte de déconcentration ! Il en existait déjà un…oui oui la charte de 1992. Alors pourquoi un nouveau texte ? … plutôt un retoilettage…mais à y regarder de près, il faut peut-être lire attentivement entre les lignes.

Ce texte vise à renforcer la déconcentration et à définir les relations entre centrale et services déconcentrés. Tous les agents de l’État, ceux de centrale (AC) tout autant que ceux de services déconcentrés (SD) sont donc bien concernés par ce texte.
Il est rappelé que les administrations centrales assurent au niveau national un rôle de conception, d ‘animation, d’appui des SD, d’orientation, d’évaluation et de contrôle.
L’échelon régional est celui de l’animation et de la coordination des politiques de l’État, de la mise en œuvre des politiques nationales en matière de culture.


L’AC devrait donc être renforcée dans les compétences mentionnées afin d’appuyer les SD. Ceux-ci auraient une plus grande latitude pour l’animation et la mise en place de politiques publiques. Chouette ! une centrale mieux armée pour réfléchir, évaluer, orienter, appuyer les SD… Des DRAC avec plus de marge de manœuvre, bien dotées pour mettre en place des politiques publiques sur leur territoire !
… oui MAIS oups …c’est sans compter avec le pouvoir des Préfets de région.

Le préfet de région c’est le grand chef de la Région sur les services de l’État. Il peut ainsi :

 art 12 : avoir délégation des actes relatifs à la situation individuelle des agents publics exerçant dans les SD, sauf actes soumis à avis préalable de CAP. Ouah on est soulagé de voir que les CAP sont tout de même respectées ! Et l’avis préalable du chef de SD concerné est nécessaire … ravi de savoir que les chefs de services seront consultés sur le sort de leurs agents !

 art 13 : mettre en œuvre des mutualisations « nécessaires à un meilleur fonctionnement des SD » …bien sûr cela va de soi. En aucun cas les mutualisations ne seront impulsées pour raisons d’économie! allons donc !

 art 14 : confier à un SD des missions qui relèvent de ses attributions pour le compte d’un autre SD (on voudrait bien en savoir plus!),

 article 15 : coordonner l’action des établissements publics ayant une représentation territoriale ou qui concourent à la mise en oeuvre de politiques publiques au niveau territorial, en cohérence avec celle des SD. S’il est fait bon usage de cette prérogative, cela permettrait un travail plus resserré entre les EP et les DRAC. 

 Art 16 : déroger aux règles fixées relatives à l’organisation des SD et à la répartition des missions, sous couvert de la prise en compte des spécificités locales. Garde-fou toutefois puisque une telle dérogation peut être mise en œuvre seulement après avis de la Conférence nationale de l’administration territoriale de l’État, (instance auprès du Premier ministre créée par ce décret), avis des instances consultatives de représentation du personnel compétentes, et accord du PM.

Quelle est la position de notre ministère face à ces changements ? Quel positionnement en matière de délégation d’actes de gestion du personnel ? Face aux ponctions que pourront subir les DRACs sous couvert de mutualisation par exemple ? Quand un préfet voudra modifier l’organisation d’une DRAC ? Quid des STAP ?

Ce ne sont pas des questions en l’air. Le préfet des Pays de Loire a ainsi proposé, au titre de l’article 16 du décret, que les STAP soient tout simplement intégrés dans les directions départementales des territoires. Autant dire que les politiques de protection et valorisation seraient fondues dans des problématiques d’aménagement, avec les
résultats qu’on imagine. On aurait aimé que le ministère réagisse vite et bien… Ce qu’il a fait – si l’on peut dire !- par l’action d’une quarantaine de camarades de la CGT qui sont allés à Nantes expliquer au préfet quels seraient les effets de cette brillante idée ! Face à des changements qui sont loin d’être anodins et pour les agents et pour la conception et la mise en oeuvre des politiques publiques, on est en droit d’exiger un positionnement plus clair, transparent et déterminé de notre ministère !

Les sujets relatifs à la réforme territoriale sont certes bel et bien évoqués dans les instances du dialogue social, mais cela reste bien peu convainquant et rassurant ! Le CTM du 4 juin a été l’occasion d’un échange à ce sujet…réponse de l’administration : notre ministère n’aurait pas la main sur ces dossiers, la décision ne relève pas de lui… Faux ! c’est au ministère de la culture qu’il revient de définir la politique publique de la culture, de la défendre en arbitrages interministériels et de la rendre lisible pour tous, à commencer par les préfets.

Notons quand même que sur les STAP, le directeur général des patrimoines puis le directeur du cabinet ont adopté finalement la position de la CGT lors du CTM.

Autre sujet d’importance et qui nous concerne au plus haut point, agents de centrale : comment l’AC s’organise-t-elle pour être en capacité d’accompagner et soutenir les DRAC dans leur nouvelle organisation « modulaire » (selon ce principe de modularité chaque DRAC pourra avoir une organisation propre qui réponde aux réalités de son territoire) ce qui semble intéressant pour la prise en compte des enjeux territoriaux, mais qui suppose une organisation de l’AC en conséquence. Voilà débat qui mériterait toute sa place, n’est-ce-pas ? Ou l’AC serait-elle déconnectée des SD ?

Bien plus que de changement d’organigramme, il s’agit ici de poser un cadre clair de fonctionnement et opérer un changement de mentalité : assez de guerres entre DG et SG, assez de ce manque de communication, déploré à quelque niveau qu’on se situe, assez de cette déconnexion du cabinet de la réalité du travail des agents …
Notre ministère est déjà affaibli par la RGPP, par les coupes budgétaires, par la perte de vitesse actuelle de l’AC qui cherche une direction politique claire …comme un poisson hors de l’eau en quête d’oxygène.

Il devient plus qu’urgent de prendre à bras le corps ces difficultés pour appréhender le plus sereinement possible les changements à venir avec la réforme territoriale.

A y regarder de près, cette déconcentration ressemble bien plus à une centralisation des pouvoirs déconcentrés entre les mains des préfets de région.
Ce sont autant de points d’alerte auxquels il faut être attentifs, non pour défendre un pré carré aveuglément mais parce qu’il est impératif que le MCC garde sa capacité de définition, d’impulsion, de mise en œuvre de ses politiques publiques, capacité de gestion et utilisation et suivi de ses crédits.

N’oublions pas que ce texte s’inscrit dans un contexte plus large, celui de la réforme territoriale et des chantiers qui l’accompagnent, notamment celui de la revue des missions, et dans un contexte de fortes contraintes budgétaires.
C’est un peu un jeu de légo…tout devrait s’emboîter au final…mais avec un fort risque d’écroulement !

Ne laissons pas cette réforme territoriale porter un nouveau coup à notre ministère et faisons en une opportunité pour créer un rapport de force, affirmer de véritables politiques culturelles, se positionner comme un acteur indispensable de notre société.

Soyons unis, solidaires pour porter des politiques culturelles qui ont du sens, qui s’adressent à tous sur tous les territoires. Et donnons nous les moyens pas seulement financiers, mais surtout humains !

Plus que jamais pour garantir l’existence de notre ministère, des politiques publiques de la culture, ainsi que de tous les agents du MCC, il est impératif de défendre et promouvoir nos missions, nos métiers, de donner du sens aux politiques que le ministère définit et met en œuvre. Bref de s’affirmer !