Observatoire des primes au ministère de la Culture : il y a urgence pour l’égalité !

En cette période si difficile pour une majorité des agent.e.s, particulièrement nos collègues de la catégorie C, il nous semble essentiel de pouvoir détailler le régime indemnitaire des salarié.e.s de ce ministère, son caractère profondément inégalitaire ainsi que de d’analyser la trajectoire proposée par le ministère pour 2019 et de vous proposer celle que revendique la CGT.

Il va de soi que la meilleure des trajectoires pour la CGT est l’augmentation du point d’indice et la révision à la hausse de l’ensemble des grilles salariales. Nous continuons de nous battre pour ces objectifs tout en luttant pour l’augmentation du pouvoir d’achat, sous toutes les formes possibles.

  1. Un état des lieux des inégalités indemnitaires

L’Observatoire 2018 des primes au ministère de la Culture, improprement intitulé « Observatoire des rémunérations » est un outil réclamé par la CGT depuis sa dernière mouture en 2015 ! Cet outil, tel qu’il a été réalisé, est imparfait : en effet, ne reprenant pas les découpages des données précédemment utilisées (primes par grades et groupes d’échelons), il ne permet pas les comparaisons avec les précédents Observatoires. Néanmoins, un certain nombre de constats peuvent être faits.

  • Inégalités entre hommes et femmes

La toute première des inégalités est celle du genre : si le socle indemnitaire (le « minimum garanti ») est à juste titre le même quel que soit le sexe, dans une grande majorité des corps les femmes perçoivent un montant médian inférieur à celui touché par les hommes !

L’exemple de la filière Accueil, surveillance et magasinage est éloquent : l’inégalité au bas de l’échelle s’accroît avec la qualification ; on prime mieux le genre masculin, considéré comme plus compétent pour cette filière technique !

Montant médian annuel IFSE en euros

Adj. d’acc., surv. et mag. (groupe 2)

TSC (groupe 3)

ISCP (groupe 4)

ISCP (groupe 1)

Hommes

3117

4287

5098

8206

Femmes

2906

3893

3972

5192

Ecart entre la médiane des femmes et celle des hommes

7 %

9 %

22 %

37 %

  • Inégalités entre les filières

Pour une même catégorie, le minimum garanti par le Ministère diffère selon que l’agent relève d’une filière plutôt que d’une autre. Les médianes observées en 2018 dans les différentes filières montrent que loin d’être compensées, ces disparités perdurent et se maintiennent sur toute la carrière ! Ci-dessous l’exemple des catégories B de différentes filières pour le groupe le moins primé :

Montant annuel IFSE en euros

Sec. adm. (SD, SCN, EP Ile de France)

(groupe 3)

Technicien d’art

(groupe 3)

Secrétaire de documentation

(groupe 2)

Tech. de recherche

(groupe 2)

TSC

(groupe 3)

Socle indemnitaire

3600

4100

2600

2600

2800

Montant médian

4637

4768

3675

(classe normale)

3115

(classe normale)

4072

  • Inégalités entre les types de structures administratives et/ou les zones géographiques

Le ministère insiste à longueur de réunions sur les bienfaits du RIFSEEP qui supprime les inégalités : désormais, grâce au RIFSEEP, il n’y aurait plus de distinction entre administration centrale, services à compétence nationale, services déconcentrés et établissements publics, en Ile de France et hors Ile de France ! A quoi, la CGT rétorque que la nouvelle grille n’efface en rien les anciennes inégalités qui n’apparaissent plus dans les tableaux, mais perdurent bel et bien.

Le ministère n’ayant pas fait le choix dans son Observatoire de distinguer les différents types de structures administratives ni les zones géographiques, il nous est désormais difficile de le démontrer.

Néanmoins, la filière administrative étant constituée de corps interministériels qui maintiennent cette distinction, il nous est encore loisible d’observer ces inégalités pour 2018 dans cette filière :

Montant médian annuel IFSE en euros

Adj. adm.

(groupe 2)

Sec. adm.

(groupe 3)

Att. Adm.

(groupe 4)

AC

5016

5064

9000

SD, SCN, EP Ile de France

4187

4637

9100

SD, SCN, EP hors Ile de France

3914

4186

7634

Rien ne justifie un tel écart entre les collègues posté.e.s en Ile de France et hors d’Ile de France !

Notons que par ailleurs le découpage choisi n’est pas pertinent. Il faudrait distinguer aussi entre trois structures différentes : les SCN, les services déconcentrés et les établissements publics.

  • Inégalités entre les agents rémunérés par le ministère et ceux rémunérés par les établissements

Autre inégalité : celle entre les collègues payés sur le titre 2 (autrement dit sur le budget du ministère) et ceux payés sur le titre 3 (budget de l’établissement public). Cela concerne le musée du Louvre, le musée Rodin et la Bibliothèque nationale de France , depuis juin le Centre des Monuments Nationaux, et demain ce cercle s’agrandit encore avec le Musée d’Orsay et le Château de Versailles.

Le rattrapage indemnitaire prévu pour les trois premiers établissements et versé par le Ministère se calcule en fonction des ressources propres des établissements ! Plus l’établissement dégage des ressources propres, plus le Ministère se désengage, et le ministère demande aux établissements publics de prendre en charge les revalorisations indemnitaires sur leurs ressources propres. Indiscutablement, cette politique accroît les inégalités entre les agents suivant les affectations. Voici quelques exemples de fortes disparités d’un.e chargé.e d’études documentaires en poste au ministère, au Louvre ou à la BnF (où le RIFSEEP n’a pas été déployé pour ce corps), les différences sont certaines mais non évaluées précisément par le ministère … C’est quand même environ 2000 euros en moins depuis 2017 pour les CHED de la BnF !

  • Inégalités entre titulaires et contractuel.le.s

Si l’Observatoire offre un aperçu de la situation des non-titulaires, de leur rémunération dans son ensemble (salaire + part variable), il ne permet en aucune manière de comparer les revenus des titulaires et des contractuels. Par ailleurs, l’Observatoire s’attarde seulement sur les agents payés sur le budget du ministère, relevant du cadre Albanel, écartant ainsi l’ensemble des agents contractuels affectés dans les établissements publics.

  • Inégalités entre les secteurs

Cet état des lieux manque cruellement d’une évaluation par secteurs (Musées, Archives, DRAC, bibliothèques, écoles ….) telle qu’elle avait été amorcée dans l’Observatoire de 2007… Il est pourtant indispensable pour repérer les secteurs déficitaires et les réévaluer afin que la mobilité retrouve un sens dans ce ministère !

  • Inégalités avec les autres ministères

Loin de répondre à toutes ces inégalités, le ministère met en avant une autre inégalité : le décalage du montant des primes du ministère de la Culture avec celui des primes des autres ministères ! Nous avions été les premier.e.s à lui signaler que le ministère était bien en-deçà des autres ministères, y compris les moins bien primés! Néanmoins, s’il faut réduire l’écart avec les autres ministères, la stratégie à mettre en œuvre doit aussi permettre de réduire les écarts en interne !

  1. Propositions du ministère : les inégalités perdurent !

En dehors des déclarations d’intention de l’administration, force est de constater que toute la stratégie du ministère en matière indemnitaire est l’accent mis sur le Complément Indemnitaire Annuel (CIA) et la Part Variable (PV) (pour les contractuel.le.s) : or ce sont des mesures par nature individuelles, soumises à modulation, qui représentaient déjà 44% du montant des mesures indemnitaires en 2018, et que le ministère a décidé de réévaluer (+ 1,5 million d’euros pour le CIA et +300 00 euros pour la PV) ! C’est une très mauvaise nouvelle !

Seules des mesures collectives, pérennes peuvent permettre de remonter les montants médians pour tous les collègues.

En voici quelques-unes, prévues pour 2019 par le ministère qui ne permettront pas toutefois de corriger les inégalités de manière globale puisque les socles prévus sont différents selon les filières :

Socle indemnitaire. annuel IFSE en euros

Adjoint.e administratif/tive/Adjoint.e. acc. surv. et mag./Adjoint.e tech. des adm. de l’Etat (groupe 2)

Adjoint.e d’accueil, surveillance et magasinage/Magasinier.e de bibliothèque (groupe 1)

Adjoint.e technique des administrations de l’Etat (groupe 1)

2018

2500

2700

3600

2019

2800

3000

3800

Socle indemnitaire annuel IFSE en euros

Secrétaire de documentation/Tech. de recherche (groupe 2)

Secrétaire de documentation/Tech. de recherche

(groupe 1)

Assistant.e ingénieur.e

(groupe 2)

Assistant.e ingénieur.e

(groupe 1)

2018

2600

2900

3000

3500

2019

4000

4500

6000

7000

Socle indemnitaire. annuel IFSE en euros

CHED

(groupe 3)

CHED

(groupe 2)

CHED

(groupe 1)

Ingénieur.e d’études

(groupe 3)

Ingénieur.e d’études

(groupe 2)

Ingénieur.e d’études

(groupe 1)

2018

4000

5000

7000

3600

4000

5000

2019

6000

7000

9000

6000

7000

9000

Socle indemnitaire annuel IFSE en euros

Ingé. de recherche

(groupe 3)

Ingé. de recherche

groupe 2)

Ingé. de recherche

(groupe 1)

Cons. du patrimoine

(groupe 4)

Cons. du patrimoine

(groupe 3)

Cons. du patrimoine

(groupe 2)

Cons. du patrimoine

(groupe 1)

2018

5500

7000

9000

3200

4800

7000

10000

2019

7500

8500

10500

4000

6300

8500

11500

Trois autres mesures générales sont également prévues :

  • Un alignement des socles et des montants prévus en cas de revalorisation pour les attaché.e.s d’administration et les secrétaires administratifs/tives des services déconcentrés et des établissements publics sur ceux de leurs collègues d’administration centrale (200 000 euros) ;

  • Une mesure de compensation des inégalités hommes-femmes (200 000 euros) ;

  • Des mesures spécifiques Archives suite à la lutte acharnée des personnels en poste dans le secteur Archives pour faire reconnaître leur statut d’administration centrale (980 000 euros).

  1. Propositions de la CGT : des mesures collectives pour l’égalité !

Pour la CGT, seules les mesures collectives permettent de remettre de l’égalité et de donner du pouvoir d’achat à l’ensemble des collègues.

  • Compensation des inégalités homme-femme

Les 200 000 euros fléchés pour cette mesure doivent être dépensés au plus vite pour celles qui en ont le plus besoin. Pour cela, utilisons l’enquête du DEPS (observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la Culture) pour repérer les filières et les corps, afin de corriger les disparités les plus grandes entre les femmes et les hommes au niveau indemnitaire. Sur cette base, engagement avait été pris en 2018 de réduire ces inégalités entre les femmes et les hommes dans la filière accueil et surveillance. Cet engagement doit être tenu.

  • Hausse des socles (= minima garantis) et des montants de revalorisation indemnitaires

Les socles de toutes les filières doivent être revus impérativement à la hausse : égalité entre les collègues des filières, des secteurs et avec les autres ministères.

Pour la catégorie C, nous proposons que ce qui a été possible pour les adjoints techniques d’accueil, surveillance et magasinage du Louvre à l’horizon 2020, le soit pour l’ensemble des collègues de catégorie C, à savoir un socle indemnitaire annuel à 3600 euros. C’est un minimum à atteindre dans un premier temps puisque le socle indemnitaire équivalent au Ministère des Solidarités et de la Santé est de 5000 euros annuels, de 5340 pour le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire et de 5421 pour le ministère de l’Intérieur !

Pour la catégorie B, de la même façon, afin que l’ensemble des collègues puisse gagner du pouvoir d’achat, nous réclamons un socle indemnitaire annuel de 6000 euros ! Là encore, s’il s’agit de rattraper les autres ministères, ce sera un premier pas de fait puisque le socle équivalent au ministère de l’Intérieur est à 7522 euros, 7850 à la Transition Ecologique et Solidaire et 8700 euros à l’Agriculture !

Pour la catégorie A, pas de socle indemnitaire en dessous de 8000 euros, socle indemnitaire du groupe 4 des attaché.e.s. Cela reste très en deçà des sommes perçues à la Transition Ecologique et Solidaire (9900), dans les ministères sociaux (10520), à l’Agriculture (10900) ou à l’Intérieur (12540).

Pour résumer voici les revendications CGT pour 2019:

Socle indemnitaire annuel minimum IFSE en euros

Catégorie C

Catégorie B

Catégorie A

3600

6000

8000

Ces minima de 2019 doivent avoir vocation à augmenter dans les années suivantes pour se rapprocher de ceux des autres ministères dans les années à venir.

De la même façon, l’ensemble des barèmes de gestion, tels que prévus par la circulaire de gestion de l’IFSE du ministère doivent être réactualisés : les montants de revalorisation pour changement de grade, de fonction, de groupe ou pour absence de mobilité doivent être augmentés, mais ils doivent aussi être harmonisés par catégorie quelle que soit la filière. Une revalorisation d’IFSE devrait aussi être prévue en cas de changement de corps (promotion, concours). Enfin, une comparaison des rémunérations totales (salaires + primes) doit pouvoir être menée afin que titulaires et non-titulaires puissent bénéficier d’un niveau équivalent de rémunération globale à compétences et sujétions égales.

  • Rattrapage quadriennal pour tous les collègues en poste dans les SCN du ministère des primes d’administration qui leur sont dues

Tou.te.s les collègues en poste dans tous les SCN du ministère doivent bénéficier du plan de rattrapage quadriennal des primes d’administration centrale actuellement mis en œuvre pour seulement une partie d’entre eux. Les collègues mis.e.s à disposition dans les Archives départementales doivent en être également bénéficiaires. Ce n’est pas une faveur, c’est un dû !

AVEC LA CGT

À TRAVAIL ÉGAL, SALAIRE ÉGAL, DROITS ÉGAUX, PRIMES ÉGALES !

Paris, le 15 juillet 2019