Après la parution des textes, quelle place pour les personnels ?

Titulaires et contractuels, fiches de poste et projets de service, regroupement physique des nouveaux collectifs de travail, dialogue social : les retours sur la mise en place de la nouvelle organisation de l’administration centrale laissent transparaître la légèreté de la Ministre à l’égard des agents ou le manque de loyauté de son équipe.

Dans la situation de crise sanitaire que nous traversons, notre ministère a plus que jamais besoin d’une administration centrale la plus opérationnelle possible pour porter des politiques culturelles renouvelées, mettre en œuvre le plan de relance et s’inscrire concrètement et lisiblement dans la construction de l’avenir.

Malgré une très forte dégradation du dialogue social et de graves entraves à la démocratie sociale, la fin de l’année a vu la création d’une délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC), permettant d’envisager l’action du ministère autrement et ouvrant de nouvelles perspectives, dans la manière de porter les politiques publiques culturelles. Il faudra maintenant y mettre la volonté politique et les moyens humains et budgétaires nécessaires. Cette avancée est malheureusement à nuancer au regard de la situation préoccupante des directions métiers, à commencer par la direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA) et la direction générale de la création artistique (DGCA), et par une bureaucratisation continue du secrétariat général (SG). Et pour cause : s’agissant des arrêtés réformant la DGPA et la DGCA, le secrétaire général a décidé de passer en force, n’hésitant pas à bâillonner le comité technique d’administration centrale (CT-AC) et les élus.

Car en réalité, entre les réponses zélées aux commandes du Secrétariat général du gouvernement (exigeant notamment la publication à tout prix des textes relatifs à l’OAC avant le nouvel an), les crisettes d’ego et le souci de leur carrière personnelle, le dernier souci de ceux qui dirigent notre ministère semble être, malheureusement, le rôle que doivent jouer les politiques culturelles, l’intérêt général et surtout les personnels du ministère.

Concernant l’accompagnement social des agents

Le 7 décembre dernier, se refusant catégoriquement à une négociation susceptible d’aboutir à un accord collectif sur l’accompagnement social des agents dans le cadre de l’OAC, la Ministre signait unilatéralement une circulaire, son cabinet et son administration ayant rejeté sans ménagement l’essentiel de nos propositions sur la vigilance sociale et le soin apporté à chaque agent dans cette période de transition.

Devant tant d’entêtement et d’autoritarisme, les difficultés que nous connaissons aujourd’hui étaient prévisibles. Ce sont les agents, placés dans une position très inconfortable et parfois livrés à eux-mêmes qui en font concrètement les frais à présent.

Concernant les fiches de poste et projets de service

Le processus de finalisation des fiches de poste et des projets de service se déroule jusqu’à fin mars, même si les avenants ou arrêtés d’affection sont soumis avant aux agents, afin d’éviter que ces derniers ne se retrouvent sans aucune affectation. Ces finalisations doivent se faire dans le cadre des collectifs de travail, et non pas de manière isolée et déconnectée du reste des équipes, comme nous pouvons toutefois le constater dans de nombreux endroits.

En effet, certains cadres dirigeants reprennent leurs vieilles habitudes en décidant du contenu des fiches de poste et du fonctionnement des équipes sans réelle concertation avec les agents concernés ni avec la communauté de travail, allant même jusqu’à profiter de cette période flottante de chaises musicales au sein des directions et entités concernées. En outre, la circulaire précise bien que les agents « seront affectés sur un poste correspondant à leur grade ou à leur groupe de classement au 1er janvier 2021 », ce qui signifie qu’il n’y a pas de déclassement ou de rétrogradation possible. Or, en l’occurrence, rien n’est stabilisé ni acquis compte tenu des pratiques actuellement à l’œuvre !

Et nouvelle organisation ne veut pas dire éjection des compétences et des personnes qui n’ont jusqu’ici jamais démérité ! Qu’on se le tienne pour dit. 

Concernant la lutte contre la précarité

Alors que le 28 août 2020, la Ministre déclarait ouvert le chantier de lutte contre la précarité (à ce jour inexistant) lors d’une réunion avec les organisations syndicales, elle aurait pu lancer un premier signal positif en répondant favorablement à notre demande de CDIsation des quelques CDD concernés par l’OAC (une dizaine tout au plus). Mais nous avons essuyé, lors des quelques échanges préalables à la circulaire, un refus catégorique de l’administration qui ne recule devant rien pour rogner sur l’emploi.

Pire encore, il est proposé aux agents dont les CDD doivent être renouvelés cette année de signer un avenant jusqu’au 31 décembre 2021, alors que le renouvellement de leur contrat doit a minima se faire sur la période initiale (soit 2 ans, soit 3 ans en général). Cette date butoir du 31/12/21 n’a jamais été évoquée avec les organisations syndicales. Elle est parfaitement contraire à ce qui a été affirmé dans les réunions préparatoires à la circulaire : certes, pas de CDI, mais une continuité des contrats sans effets négatifs. Ces avenants précarisent encore plus ces agents déjà dans une situation précaire, et sont en infraction avec la parole même de la Ministre.

Concernant le maintien des rémunérations

Selon la circulaire, le montant de l’IFSE des titulaires « perçu au cours de l’année 2020 sera maintenu sans limitation de durée, quand bien même la fiche de poste serait dotée d’un montant inférieur au précédent ».

Quant aux contractuels, ils sont « assurés du maintien du groupe de rémunération de leur contrat. […] Ils se verront attribuer en 2021 une part variable au moins égale à celle perçue en 2020 ». Le montant de la part variable n’est donc pas garanti pour les années suivantes.

Concernant les nouveaux collectifs de travail

Du fait de la situation et des urgences actuelles, la priorité devrait être de regrouper physiquement les collectifs de travail de façon à leur permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. La Ministre a exigé que les textes de l’OAC soient publiés le 1er janvier pour que l’administration se consacre pleinement aux actualités et aux besoins liés à la pandémie. Or, le choix de l’administration – incapable d’aménager son fameux projet immobilier CAMUS – est exclusivement centré sur la rénovation des « lieux conviviaux » et des tisaneries, et non sur la réunion des nouvelles équipes.

Nous ne manquerons pas d’interpeller l’administration et de demander un CHSCT d’administration centrale sur ce sujet. Le projet CAMUS, qui prévoit de réduire et densifier les espaces de travail, s’avère totalement dépassé dans le contexte pandémique que nous connaissons. Ce projet immobilier ne doit pas empêcher les nouvelles équipes d’être réunies au plus vite (la vente de l’immeuble de Pyramide, qui n’est pas prévue avant 2023, reste pour la CGT un énorme erreur).

Par ailleurs, nous continuons d’insister sur la nécessité d’élaborer une circulaire de coopération inter-services afin de clarifier et garantir les nouveaux circuits de diffusion, de validation, etc. entre les services des directions, des délégations et du secrétariat général. Nous demandons en particulier des garanties sur le maintien des missions dont les services ont été regroupés, notamment au secrétariat général, étant donné que les effectifs initialement prévus dans le cadre de ces transferts ont été largement revus à la baisse.

Nous réitérons notre demande à l’administration sur la communication des postes qui ont été supprimés en 2020 (non remplacements, non renouvellements de contrats, etc.) et sur l’urgence de recruter des personnels au sein de tous les services déjà en sous-effectifs.

Concernant le dialogue social 

Dans le cadre d’une récente réunion entre les organisations syndicales et le « joyeux » orchestre de la Ministre (sous la houlette du secrétaire général et de la conseillère sociale), nous avons découvert qu’au-delà de la communication officielle de la Ministre sur son ouverture et son attachement au dialogue social avec les professionnels et leurs représentants, celle-ci a décidé de museler le dialogue interne au sein même de son ministère. Sa fine équipe est en effet bien décidée à aller en deçà de ce que la réglementation et la loi prévoient en termes de dialogue social : réduction du temps de parole des représentants, réduction du nombre d’experts des organisations syndicales, délais imposés aux organisations syndicales pour envoyer leurs amendements et réduction de leur nombre, entre autres. Le secrétaire général a même eu le culot de reprocher la durée « excessive » des instances, alors que lui-même ne respecte pas le temps de travail réglementaire soit par absence de consignes politiques claires, soit par incapacité à négocier, soit par refus de reporter les instances suite à des retards dus à des problèmes techniques.

Madame la Ministre, si vous voulez que votre parole conserve un soupçon de crédibilité auprès des personnels,
accordez vos violons et remettez donc de l’ordre dans la maison ministérielle !

Paris, le 27 Janvier 2021

Vous trouverez ci-dessous en PDF la circulaire d’accompagnement RH du 7 décembre 2020