Mont-Saint-Michel et Patrimoine mondial : l’Etat doit assumer ses responsabilités

Mont-Saint-Michel

Patrimoine mondial : l’Etat doit assumer ses responsabilités


Patrimoine mondial et rôle de l’État

La notion de patrimoine mondial a été développée par l’UNESCO dans les années 70. L’inscription d’un bien en tant que patrimoine mondial incombe en premier lieu à l’État. L’inscription en tant que patrimoine mondial confère une dimension universelle qui dépasse le cadre de l’État-Nation pour en faire un patrimoine appartenant à l’Humanité toute entière. Un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial se trouve ainsi placé sous une sorte de sauvegarde internationale. Très concrètement, l’inscription au patrimoine mondial se traduit, certes par une protection supplémentaire, mais aussi par des exigences fortes en matière de respect et de conservation du site et de ses abords. En toute logique, la sauvegarde d’un tel site doit être de la compétence de l’État, seul à avoir les capacités d’intervention permettant de respecter et de faire respecter les prescriptions de l’UNESCO. Ce n’est malheureusement pas le cas partout…

L’exemple du Mont-Saint-Michel

Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1979 le Mont-Saint-Michel constitue un exemple emblématique de toutes les dérives liées au désengagement de l’État. Menacé d’ensablement par un phénomène naturel largement amplifié par l’activité humaine, la baie du Mont-Saint-Michel fait l’objet d’important travaux destinés à lui restituer son caractère maritime. L’idée commence à germer en 1969, à ce moment c’est bien l’État qui est à la tête du projet. Nécessitant des travaux pharaoniques qui doivent aboutir à la destruction de la digue, l’État contribue au financement à hauteur de 85 millions d’euros sur un budget total de 185 millions d’euros, le solde restant à la charge des collectivités locales (régions, départements, communes) constituées en syndicat mixte depuis 1997. L’État se désengage totalement du projet en 2006 avec le transfert de la maîtrise d’ouvrage des travaux au syndicat mixte et c’est là que les problèmes commencent…

Des conséquences de l’acte II de la décentralisation…

En effet, les collectivités membres du syndicat mixte ont des intérêts divergeant. Alors que certaines contribuent au financement en tant que « membre associé » et sans voix délibérative, d’autres peuvent prendre part aux décisions sans participer au financement du projet. Un comité de pilotage, associant l’État et le syndicat mixte est bien mis en place, mais n’a aucun pouvoir de décision. En outre, la Cours des Comptes dans son rapport de février 2013 pointe de nombreux dysfonctionnements dans le suivi opérationnel ainsi que dans l’exécution budgétaire du projet. De même la sincérité et la fiabilité des comptes sont sérieusement mises en doute. Enfin, si les opérations ont bien été budgétisées jusqu’à la fin des travaux prévue en 2015, les charges d’exploitation future et les charges de fonctionnement n’ont toujours pas trouvé de financement ! Enfin, les charges d’amortissement n’ayant pas été intégrées au bilan, l’État a toute les chances de récupérer les infrastructures fortement dégradées à l’issue de la période de 30 ans que doit durer la concession.

Délégation de service public ou la privatisation d’un site entier

Par ailleurs, l’accès au site et les conditions d’accueil du public ont été délégués à un prestataire privé : Veolia. Très rapidement, la desserte du Mont-Saint-Michel depuis le parking aménagé à plusieurs kilomètres en amont, connaît de nombreuses difficultés, conduisant à une remise en cause du projet initial. Néanmoins, la solution finalement retenue reste très insatisfaisante tant en termes de qualité d’accueil des visiteurs que d’accès au site pour les salariés du Mont, notamment les personnels de l’abbaye, propriété de l’État dont la gestion a été confiée au Centre des Monuments Nationaux. A compter du mois de juin 2013, les conditions d’accès seront, une fois encore modifiées, dans un sens plus défavorable pour les visiteurs (le tarif du parking passant de 8,50 à 12 €) comme pour les salariés (suppression de la navette qui leur était réservée, forfait annuel de 90€ pour le parking et diminution des rotations). Ces modifications sont conséquentes au déplacement du départ des navettes avec un allongement du parcours de 700 mètres. C’est précisément cet argument que met le délégataire en avant pour justifier la hausse des tarifs et la dégradation du service rendu aux usagers.


Les personnels comme seul rempart face aux dérives

Les nouvelles conditions d’accès au Mont-Saint-Michel constituent une dégradation sans précédent des conditions d’accueil des usagers et des conditions de travail des salariés. Un préavis de grève a donc été déposé pour la journée du 3 avril pour les personnels de l’abbaye qui se sont fortement mobilisés (monument fermé avec un taux de grévistes important). A tort, le Cabinet de la Ministre, a catégoriquement refusé de nous recevoir comme l’y oblige pourtant la réglementation. A aucun moment le Ministère de la Culture n’a su peser sur le processus qui a abouti à la situation actuelle et en bout de course ce sont, comme toujours, les visiteurs et les personnels qui en font les frais.

Cette situation s’apparente à une véritable privatisation du Mont-Saint-Michel, le projet de rétablissement du caractère maritime comme l’accès au site étant devenus des enjeux avant tout économiques. Les personnels l’ont bien compris et au-delà de leurs propres revendications c’est bien l’accès à un site inscrit au patrimoine mondial et donc appartenant à tous, qu’il défendent.


Une nécessaire reprise en main par l’État

Les conclusions de la Cour des Comptes sont sans appel : « Les difficultés du syndicat mixte à assurer, depuis le début des travaux en 2006, un suivi administratif et financier rigoureux, ainsi que les problèmes rencontrés dans le contrôle du délégataire chargé des ouvrages et des services d’accueil, appellent une nouvelle réflexion sur la gouvernance et pour la conduite du projet. S’ajoute une incertitude sur les conditions de financement des charges de fonctionnement dans une perspective pérenne […] »
La traduction de ces difficultés sur le terrain se manifestent par une dégradation du service public rendu aux usagers. Malheureusement, si la Cour des Comptes préconise une reprise en main par l’État de la baie du Mont-Saint-Michel, sur le fond, le mode de gestion du projet n’est pas remis en cause.
Dans sa réponse à la Cour des Comptes, le Premier Ministre va dans le même sens, « Au vu des dysfonctionnements relevés par la Cour, la gouvernance du syndicat mixte doit être améliorée. ». A ce titre, il a déjà annoncé une mission d’inspection conjointe de plusieurs ministères dont l’Inspection Générale des Affaires Culturelles (IGAC) du Ministère de la Culture…


Pour la CGT-Culture, le désengagement de l’Etat n’a que trop duré ; ces responsabilités incombent à l’Etat et doivent être pleinement assumées par celui-ci.


Si le Cabinet de la Ministre de Culture a refusé de nous recevoir dans le cadre d’un préavis de grève déposé pour le 3 avril dernier, pour autant la CGT-Culture persiste à demander à être entendue par l’autorité politique sur cette question. D’ores et déjà, nous nous tenons à la disposition de l’IGAC pour faire connaître, dans l’intérêt général, nos propositions d’amélioration du Service Public.

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