Liquidation judiciaire d’Archéoloire : Vae Victis

SGPA CGT-Culture/Archéoloire UL CGT Saint-Nazaire

Le 30 juillet 2014, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a prononcé la liquidation judiciaire d’Archéoloire. Les 28 salariés de la société sont licenciés, un chantier archéologique de Seine-Saint-Denis s’arrête quatre semaines avant l’achèvement de la fouille et l’Inrap hérite de dizaines de rapports à achever pour des opérations que ses équipes n’ont pas réalisées.


Les salariés d’Archéoloire sont les premières victimes du cynisme de leur direction, et la qualité de la recherche archéologique va en prendre un coup. De son côté, l’actionnaire de l’entreprise, la holding
« Guérande Invest », s’en tire bien : elle a investi 50 000 euros dans « l’affaire » et s’est royalement octroyé, entre juin 2011 et mars 2013, 462 000 euros de dividendes. C’est, à peu de chose près, le montant du déficit de l’entreprise au 30 septembre 2013 (461 297 euros).

A l’origine de ces difficultés économiques, qui allaient mener l’entreprise vers la liquidation, il y a naturellement une concurrence commerciale exacerbée, mais surtout la constitution de réserves
insuffisantes, au profit de la rémunération de l’actionnaire, pour la réalisation des travaux de post-fouilles dont hérite aujourd’hui l’Inrap (les aménageurs vont sans doute grandement apprécier que l’établissement se retourne vers eux pour obtenir le financement des études à achever…). Et enfin le non renouvellement de l’agrément de l’entreprise en avril 2014.

Simple brebis galeuse ou faillite du système ?

Avec une certaine hypocrisie, le ministère de la Culture et de la Communication et le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) font de ce non renouvellement d’agrément un exemple de leur
capacité – et de leur volonté – à exercer un contrôle des opérateurs privés (1). C’est pourtant parce que les services du ministère de la Culture n’ont pas exigé plus tôt des garanties sur la capacité d’Archéoloire à mener à bien les travaux de post-fouilles que l’on en arrive là aujourd’hui. Finalement, le désastre social et scientifique d’Archéoloire est emblématique de la marchandisation de l’archéologie, de l’incompatibilité entre recherche du profit et recherche archéologique et de l’inefficacité du contrôle a priori, pourtant au cœur des projets de réforme du ministère. Archéoloire a reçu un avis favorable du CNRA pour son agrément en mars 2009. Du coté des SRA, refuser un projet scientifique, en apparence bien monté sur le papier, relève de la gageure. Quand, a posteriori, les dérives deviennent évidentes, il est trop tard pour les salariés et pour la donnée archéologique !

Avec une concurrence commerciale de plus en plus forte entre les opérateurs de l’archéologie préventive, la guerre des prix et la spirale du dumping social et scientifique qui s’amorce, on peut craindre que la faillite d’Archéoloire ne soit que la première d’une longue liste. C’est une alerte de plus sur l’implosion annoncée du système issu de la loi de 2003. Sera-t-elle entendue par le ministère de la Culture et de la Communication ?

La liquidation d’Archéoloire est bien un nouvel exemple des dérives de la loi de 2003, de l’incapacité du ministère de la Culture et de la Communication à assurer le contrôle des opérateurs privés et de la nécessité d’une profonde réforme du système de l’archéologie préventive.

Le SGPA-CGT et la section CGT d’Archéoloire ont demandé en urgence une entrevue au ministère de la Culture et de la Communication afin d’éclairer les tutelles sur les pratiques de l’employeur. L’avenir des salariés, comme l’achèvement des rapports de fouille et la conservation du mobilier archéologique, ainsi que l’achèvement du chantier en cours et sa mise en sécurité, doivent désormais devenir une priorité pour le ministère.

Guérande / Paris, le 11 août 2014

(1) Cf. par exemple le compte rendu de la table ronde sur l’archéologie préventive au Sénat, 11 juin 2014 : http://www.senat.fr/compterendu-commissions/20140609/cult.html. On appréciera le cynisme du sous directeur de l’archéologie à propos des salariés qui n’auraient pas
« migré » vers d’autres structures jugées plus compétentes scientifiquement

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