Le ministère de la Culture sera-t-il au rendez-vous de son histoire ?

Alors que l’ancien monde craque de partout et que celui d’après peine à se dessiner 

Le ministère de la Culture

sera-t-il au rendez-vous de son histoire ?

Chacun perçoit que l’épreuve que nous avons traversée et la crise violente qui surgit invalident nombre de dogmes et de manières de penser le monde, qui le font craquer de tous les côtés. Notre société tout entière est interrogée dans ses fondements politiques, sociaux et économiques.

Devant l’ampleur des défis à relever, des choix sociétaux à remettre en débat, des alternatives à inventer en commun, le monde politique est peu loquace sur la culture.

Pourtant, comment ne pas voir l’enjeu considérable que représentent la culture, les arts et la création dans la construction d’un autre monde et d’autres futurs ?

Comment ne pas voir que la société se grandit tout entière de l’émancipation de tous ? Que la rencontre du monde de la culture, des forces de la création et de celles du travail ouvre de nouvelles perspectives de transformation émancipatrice et de progrès social ? Que l’art et la culture nous tiennent debout, nous relient au « Tout-Monde », donnent chair à de vraies solidarités, et sont indispensables à l’exercice de notre liberté et de notre humanité ?

La culture est tout sauf un mince enjeu. Il y va directement de notre capacité à décider collectivement, et par nous-mêmes, de notre avenir.

Réaffirmer la place centrale et toute l’importance des politiques publiques de la culture (au plan interministériel également !), les réarmer autour de fortes et nouvelles ambitions constituent donc une ardente priorité. Cette tâche incombe à la Nation dans son ensemble, dans une complémentarité d’action et une solidarité sans faille entre toutes ses composantes.

Il va sans dire que le ministère de la Culture a là un rôle irremplaçable à jouer.

Sera-t-il au rendez-vous ?

  • Oui, s’il comprend qu’il est inconcevable de continuer comme avant, de repartir sans rien changer, s’il accepte de changer de logiciel, de bousculer les idées et d’évoluer profondément dans son organisation et ses modes d’intervention.

Non pas pour répondre aux injonctions comptables de quelques technocrates adeptes des réorganisations permanentes mais pour répondre pleinement aux aspirations nouvelles de nos concitoyens, et se confronter sans fard aux mutations accélérées d’un monde où les institutions, les supports et les modes de représentation traditionnels se lézardent.

  • Oui, s’il remet au centre de son action et de ses priorités – et le traduit en actes – développement culturel et artistique, et participation de chacune et chacun, habitants d’un bassin de vie, à la vie culturelle.

  • Si émancipation, droits et démocratie culturels, lutte contre les fractures et les inégalités croissantes, développement culturel des territoires deviennent enfin lisibles et incarnés, en effaçant les cloisonnements introduits par la RGPP. Cette organisation en panne d’ambition a désormais fait long feu. Nos concitoyens n’éprouvent pas leur lien à la culture par filières disciplinaires !

  • Oui, s’il prend la pleine mesure de l’impact de la révolution numérique et de l’omniprésence des écrans sur les pratiques culturelles d’aujourd’hui et cesse de réduire cette question à une dimension « support » et logistique.

  • Oui, enfin, s’il est capable d’imaginer de nouveaux modes de concertation et une véritable démocratisation de l’élaboration, du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques culturelles, associant véritablement les citoyens, au plus près de nos territoires, et leurs représentants. Il y aussi urgence à démocratiser une bonne fois pour toutes les organes de délibération des établissements publics culturels.

Le ministère peut sans aucun doute relever ces nombreux défis. Toutes les compétences sont là. La tâche est immense mais ô combien exaltante. Réjouissons-nous d’y travailler en pleine ouverture, en partage et en étroite collaboration avec tous les acteurs publics, nos réseaux et nos partenaires.

Il faut reprendre sans attendre le chemin des travaux de refondation engagés dans cet objectif avant la crise du Covid-19. Il faut aller plus loin, presser le pas en faisant fi des freins internes et des postures défensives confinant à l’inertie et, pour finir, au discrédit des politiques du ministère.

Franck Riester, dans sa lettre de vœux aux personnels du 24 janvier dernier n’évoquait-il pas de façon très affirmative sa volonté de créer une nouvelle direction dédiée aux enjeux cruciaux que nous venons de décrire, « un outil puissant au service de cette ambition » ?

Le Président de la République lui-même, venu célébrer les 60 ans du ministère l’été dernier au Palais-Royal, n’a-t-il pas appelé notre ministère à inventer quelque chose de neuf pour s’inscrire pleinement dans une ambition de transformation, de justice et d’émancipation, allant même jusqu’à invoquer « l’esprit de résistance » nécessaire à un tel projet ?

La CGT-Culture porte de longue date l’idée d’un ministère de la Culture se consacrant pleinement à l’essor d’une démocratie culturelle. Elle est résolue et prête à faire aboutir cette mutation fondamentale, en mesure d’incarner un espoir pour l’avenir.

Paris, le 29 juin 2020