IRRÉGULARITÉ STATUTAIRE ET PRÉCARITÉ SOCIALE, LE LABEL DU MINISTÈRE DE LA CULTURE !

Malgré les deux plans « Sauvadet » de CDIsation et de titularisation engagés depuis 2012, la situation statutaire et sociale des agents publics sous contrat du Ministère de la Culture est très loin d’être réglée. Les personnels non titulaires représentent la moitié des effectifs (administrations centrales et déconcentrées et tous établissements publics confondus) soit près de 12 000 agents sur les 24 800 que compte le Ministère de la Culture. Cette proportion est parmi les plus élevées dans la Fonction publique de l’État.

UNE SITUATION DE L’EMPLOI ALARMANTE

L’essentiel des agents non titulaires du Ministère de la Culture exercent dans les faits d’authentiques missions permanentes pour lesquelles existent des corps de fonctionnaires. Pour l’essentiel ces recrutements ont lieu pour pourvoir des postes dans les quatre grandes filières de titulaires : l’Accueil et surveillance, l’Administration, l’Enseignement supérieur et la filière Scientifique, quel que soit le fondement statutaire de leur recrutement, besoin permanent à temps complet (Art. 4) ou à temps incomplet (Article 6), ou faux besoin non permanent en occasionnel ou surcroît d’activité (Art. 6 sexies).

Le Ministère de la Culture porte l’entière responsabilité de ces situations irrégulières en n’ayant pas ouvert les postes de titulaires sur ces besoins permanents !

Les agents contractuels ont véritablement vocation à pouvoir intégrer des corps de fonctionnaires, leur garantissant des droits plus solides et des perspectives d’évolution de carrière moins aléatoires et moins opaques ainsi que des possibilités de mobilité choisie. Ils doivent pouvoir le faire sans perte de salaire. ­

La CGT Fonction Publique a signé (avec CFDT, FO, UNSA, CFTC et CFE-CGC) le 31 mars 2011, le protocole d’accord pour l’accès à l’emploi de titulaire des agents contractuels, traduit par la loi 2012-347 du 12 mars 2012 dite “ Sauvadet ”. Cette loi a ouvert la voie à la CDIsation de certains CDD et aux processus de titularisation sur concours réservé. La CGT-Culture a pesé de tout son poids au sein du Ministère de la Culture afin de veiller à l’application bonne et entière de la loi dite « Sauvadet » particulièrement à l’ouverture d’autant de postes que d’inscrits aux concours réservés pour les corps de catégories C, B et A par transformation des lignes budgétaires.

Une CDIsation aux effets encore trop réduits

­Malgré cela, seuls 10% des agents ont été CDIsés par la loi « Sauvadet » sur les 4 500 agents sous CDD du ministère (dont une majorité en catégorie C). Ce taux très faible de CDIsation est le résultat de l’extrême fragmentation des contrats et des abus de recours aux contrats à temps incomplet au ministère. Cela laisse près de 4000 agents sous CDD dont la question de la pérennisation de leur emploi reste entière : renouvellement, titularisation ou recrutement par concours sur postes ouverts.

Une titularisation limitée par les conditions de recrutement au sein du Ministère de la Culture, malgré deux phases de titularisation.

Pour le « Sauvadet I », sur 8 000 agents recensés à la Culture, 3 300 étaient éligibles, 600 se sont inscrits aux concours réservés et plus de 500 ont été reçus et titularisés. Pour le « Sauvadet II » qui incluait cette fois les Établissements « dérogatoires » (hors INRAP et CNC), sur 7000 agents recensés, 3 600 étaient éligibles et 1 119 se sont inscrits aux concours réservés.

Pour des raisons d’âge de départ à la retraite et surtout de non maintien des rémunérations dans les corps d’accueil de titulaires, beaucoup d’agents éligibles n’ont pas pu s’inscrire ou accepter le bénéfice des concours réservés, quand ils avaient satisfaits aux épreuves ;

Mais le plus préoccupant reste les raisons de l’inéligibilité des agents : 4700 agents pour le « Sauvadet I » et 3 300 pour le « Sauvadet II ». Rappelons que l’une des conditions légales d’accès à la titularisation exigeait un contrat à 70 % au moins d’un temps plein. Or, pour 54% des cas ce sont les quotités de travail inférieure à 70 % d’un temps plein qui sont les causes d’inéligibilité, soit directement les conditions de recrutement imposées par le Ministère de la Culture !

Les plus touchés par cet empêchement lié au quotité de travail, sont majoritairement des femmes, agents de catégories C, pour beaucoup de l’accueil et surveillance (AASM :78 % des contrats sont inférieurs à 50 % d’un temps complet pour des indices de rémunération proches du SMIC) et des enseignant(e)s des écoles supérieures du ministère (Enseignants contractuels : 69 % des contrats sont inférieurs à 40 % d’un temps complet pour des indices de rémunération proches du SMIC bien que recruté en catégorie A). A eux seuls ces agents (en tout plus

de 2 200 personnes physiques) représentent 37 % des effectifs des agents contractuels du ministère (hors EPA dérogatoires) !

­Plus de 10 000 agents resteront non titularisés selon les critères de la loi dite « Sauvadet ». C’est pourquoi la CGT demande au niveau ministériel comme au niveau de la Fonction Publique un vrai plan d’intégration/titularisation des agents contractuels.

STABILISATION DES EMPLOIS ET TITULARISATION, UN COMBAT TOUJOURS D’ACTUALITÉ !

Les annonces faites par le gouvernement dans le cadre de « l’Action Publique 2022 » ne sont pas là pour nous « rassurer», bien au contraire ! La volonté politique affichée du gouvernement de faire appel sans limite aux recrutements contractuels en lieu et place de postes de titulaires, accompagnée par une externalisation croissante des fonctions en particulier dans la filière « Accueil et surveillance » (privatisation des missions de services publics), éloigne les perspectives de régularisation des situations des agents contractuels vers la titularisation. L’annonce faite aussi de « sabrer » dans les droits du « Statut général de la Fonction publique », dans les compétences et fonctionnements des instances représentatives en particulier les CHSCT et CAP, c’est évidement s’attaquer aux droits des agents contractuels qui sont adossés à ceux des titulaires.

Le maintien et la reconduction des contrats

Le Ministère compte près de 4 000 agents sous CDD sur les 12 000 agents contractuels, soit 35 % des effectifs, y compris les agents sous contrat dérogatoires. Dans ces conditions, le combat pour la pérennisation des liens contractuels avec ce Ministère est donc toujours aussi légitime ! Cela ne va pas être simple mais nous avons des points d’appui.

► Circulaire ministérielle du 27 juillet 2015 dite « retour à la règle »

 Négocié et signé par la CGT-Culture, le protocole d’accord du 8 juillet 2015 a donc prévu la pérennisation des liens contractuels des agents dit du « Stock ». Le « Stock » est constitué d’une liste nominative des agents contractuels sous CDI et sous CDD ayant à la date du 15 juillet 2015, plus de 24 mois de contrats consécutifs ou bénéficiés d’un renouvellement de contrat. Il est prévu pour les 3 461 agents dit du « Stock » dont 917 sous CDD, le renouvellement des CDD jusqu’à CDIsation et la non remise en vacance des postes. Cette liste nominative est mise à la disposition des signataires du protocole.

Ce protocole a fait l’objet d’une instruction ministérielle signée par Fleur PELLERIN le 27 juillet 2015, adressée à tous les services et directions du Ministère et à tous les établissements du champ ministériel. Cette instruction est un engagement politique de la Ministre de la Culture de l’époque à favoriser l’accès à la titularisation des agents tout en protégeant leur parcours professionnel, au titre de la « prise en compte de la responsabilité sociale pesant sur le ministère à l’égard des agents contractuels » irrégulièrement recrutés.

Ce protocole définit des mesures spécifiques de pérennisation des parcours professionnels, pour tous les agents dit du « stock » :

aucun poste des agents sous CDD (article 4-1, 4-2, 6, et faux 6 sexies) dit du « stock » ne sera remis à la vacance de poste : les contrats seront normalement renouvelés jusqu’à CDIsation ;

les postes de CDI ne sont pas remis à la vacance.

Les élus des CCP concernées doivent être destinataire de la liste nominative des agents éligibles à cette pérennisation .

Ainsi tout agent inscrit sur la liste nominative du « Stock » doit se voir proposer le renouvellement de son CDD, Deux exceptions à cet engagement ministériel sont prévues : si la mission a été réglementairement supprimée (après avis du CT et CHSCT régulièrement convoqués) ou si l’agent à fait l’objet d’une sanction disciplinaire autre que le blâme ou l’avertissement.

Bien sûr, depuis la signature de ce protocole les employeurs publics (ministériel ou d’établissements publics) sont tentés d’ « oublier » cette liste nominative ou de contourner le principe de fond de cette instruction (le maintien de la relation contractuelle en raison de la responsabilité sociale de la Ministre) en ne renouvelant pas les CDD qui arriveraient à échéance avant leur CDIsation. On ne balaie pas 50 ans de vielles pratiques frauduleuses en une circulaire !

Mais la CGT-Culture veille au grain, si les agents la préviennent. Contactez la !

Rappelons que selon cette même circulaire du 27 juillet 2015, la Ministre de la Culture « encourage les établissements publics et services relevant du ministère à recruter les agents contractuels à temps incomplet en CDI et à tendre vers une quotité horaire de 70 % dès lors que l’agent le souhaite ». Aujourd’hui un agent sous CDD en temps incomplet (sous Art.6) à moins de 70 % d’un temps complet qui demande à son employeur public de passer en CDI et à 70 % a donc un avis favorable à sa demande de la part de la Ministre de la Culture. Les femmes étant les plus touchées par cette forme de précarité, la CGT-Culture a exigé que cette mesure soit rappelée dans le cadre du protocole « Egalité Hommes/Femmes » en cours de négociation.

Une liste limitative de métiers autorisant le recours à l’article 4-1 sous CDI

Le protocole d’accord « Sauvadet » de 2011, et le protocole d’accord ministériel culture de juillet 2015 qui en reprenait les termes, prévoit la négociation d’une liste d’emplois particuliers sur besoin permanent à temps complet, pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaires (sous article 4-1), pour lesquels « la loi autorise le recrutement direct en CDI » selon la circulaire du 27 juillet 2015 en application de l’article 6 bis de la loi 84-16 du 11 janvier 1984.

La constitution de ces listes, prévue pour chaque ministère par la circulaire de la DGAFP du 22 juillet 2013 sous l’intitulé « doctrine ministérielle », a fait l’objet d’une négociation âpre pendant plus de deux ans avec les organisations syndicales et le Secrétariat général du Ministère de la Culture pour aboutir à une liste de 55 emplois types. La CGT-Culture a donné un avis négatif à cette liste présentée en CTM en décembre 2017 en raison du trop grand nombre d’emplois équivalents aux fonctions de titulaires. La liste a été publiée sous forme d’une note du Secrétaire général du ministère le 4 juin 2018 et s’applique à l’ensemble du périmètre de la Culture (administration centrale, déconcentrée et établissements public).

La possibilité, légalement ouverte, du recrutement direct sous CDI de contractuels impliquerait que tout recrutement sur besoin permanent de ce type (article 4-1) devrait se faire a priori sous CDI, le CDD ne pouvant, quel que soit son motif, pourvoir de façon pérenne un emploi lié à une activité normale et permanentes des services. C’est d’ailleurs le sens de la mise en place des « doctrines ministérielles » prévues par la circulaire de la Ministre de la Fonction publique du 22 juillet 2013. Cette dernière prévoit la constitution de listes « de métiers très particuliers, pour lesquels le recrutement direct en CDI est justifié » sur le fondement de l’article 4-1.

Cette même circulaire prévoie logiquement, la transformation des CDD, figurant sur cette liste d’emplois, en CDI à l’occasion de l’avenant de reconduction, à la date de mise en place de cette « doctrine ministérielle », soit pour le ministère de la Culture le 4 juin 2018.

Première conséquence au sein du Ministère de la Culture, les agents sous CDD, précédemment recrutés en article 4-1 correspondant à l’un des 55 emplois listés, devraient se voir proposer automatiquement un CDI. Cela représente potentiellement plus de 250 agents sous CDD article 4-1 sur l’ensemble du Ministère.

Seconde conséquence, toute nouvelle embauche sous contrat sur l’un de ces 55 emplois listés en article 4-1 devrait se faire sous CDI, et non sous CDD. C’est bien ainsi qu’est rédigée la circulaire DGAFP du 22 juillet 2013. Évidemment, à peine l’encre de la note du Secrétaire général du ministère était sèche que la direction du SRH du MCC tentait de recruter sous CDD, sur ces emplois types, sans la moindre justification autre que d’autorité. Les Tribunaux Administratifs sauront apprécier à leur juste valeur ce type de justification.

► La CDIsation des emplois dérogatoires

Suite aux modifications législatives cadrant le recrutement d’agents sous contrat dans des emplois dérogatoires à la loi (article 3-2 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984), la loi fixe le principe du recrutement direct obligatoire sous CDI pour les emplois permanents des établissements publics dérogatoires. La circulaire DGAFP du 5 avril 2017 en application de l’article 43 de la loi 2016-483 dite « Déontologie » transforme obligatoirement tous les CDD en CDI des agents recrutés sur des emplois permanents dont la dérogation a été maintenue.

Les CDD des agents recrutés sur des emplois permanent dont la dérogation n’a pas été maintenue (ancien article 3-2) se voit bénéficier d’une CDIsation possible selon l’article 6 bis de la loi 84-16 du 11 janvier, particulièrement ceux correspondant à un des 55 emplois types de la « doctrine ministérielle de la Culture.

► Le renouvellement du contrat dans « l’intérêt du service » : le droit et son application rappelé par le Tribunal Administratif

Quel que soit le motif de recrutement d’un agent afin de pourvoir un besoin permanent, quel que soit le fondement de ce recrutement, (sous article 4-1 comme article 4-2 à temps complet ou à temps incomplet article 6), le non-renouvellement de son CDD ne peut être motivé, ni pour faire obstacle à sa CDIsation ni pour l’empêcher d’être sous contrat (maintien du lien contractuel avec l’employeur pour un besoin permanent et une activité normale du service), sous prétexte d’une modification de son poste de travail si cette modification du poste est « très limitée et de pure forme ». En fait, si la décision de non-renouvellement du contrat est faite pour nuire aux droits de l’agent, elle n’a pas été prise dans « l’intérêt du service ». Alors la décision de non-renouvellement est illégale. Et si l’administration a recruté un autre agent sur le poste, même modifié de façon « très limitée et de pure forme », l’agent doit être réintégré dans ses droits contractuels.

Comme vous pouvez le constater, on reconnaît là les pratiques courantes du Ministère de la Culture pour se débarrasser après 3 ou 6 ans de travail d’agents contractuels devenant trop pérennes, et donc « encombrant » (pesant sur la masse salariale). La jurisprudence qui tombe maintenant régulièrement contre le Ministère de la Culture donne les moyens aux agents de se défendre contre ces pratiques !

POUR LE SERVICE PUBLIC ET CONTRE LA PRECARISATION DU TRAVAIL : L’EMPLOI TITULAIRE !

Pour la CGT, la Fonction Publique de l’État doit mettre en œuvre un vrai service public avec des missions garanties par le statut des fonctionnaires, des moyens humains et budgétaires, indépendant des pouvoirs politiques et financiers. Un service public se fait avec des emplois statutaires !

Il faut arrêter le recours au recrutement sur contrat source de précarité statutaire et sociale et faire ouvrir très rapidement le plus de concours possibles avec le plus grand nombre de postes nécessaires pour résorber la précarité et l’emploi contractuel .

­► Ensemble, contractuels et titulaires, nous devons imposer à la Ministre de la Culture :

la priorité des recrutements sous statut de titulaire pour répondre aux besoins permanents du ministère,

un plan de titularisation massif pour les milliers de contractuels du Ministère.

Si vous vous êtes reconnus dans une des situations évoquées,

contactez les représentants syndicaux de la CGT-Culture

dans vos services et établissements !

Paris, le 22 août 2018