Gouvernance de l’Inrap : Fleur Pellerin accepte enfin d’ouvrir les négociations au niveau ministériel

Au Comité technique ministériel du 15 janvier 2015, la ministre de la Culture a annoncé que le calendrier d’examen du décret portant modification de la gouvernance à l’Inrap allait être détendu. Cela va permettre aux organisations syndicales représentatives du personnel qui le désirent de proposer un certain nombre d’amendements au projet de décret et à l’administration du ministère de les étudier. A 48h du Comité technique central extraordinaire re-convoqué le 17 décembre (3 des 4 OS représentatives à l’Inrap ne s’étaient pas présentées le 9 décembre), cette déclaration stoppe momentanément les velléités du « tout et tout de suite » et replace le dialogue là où il aurait dû commencer, c’est-à-dire avec la tutelle principale de l’Institut.


Pourquoi changer de gouvernance, pour quel projet et pour quelle tutelle ?

A cette question nous n’arrivons toujours pas à avoir de réponses claires… Sous couvert de mettre un scientifique à la tête de l’Institut, ne chercherait-on pas à cacher la misère ?
Au quotidien, l’exercice des missions des personnels se dégradent et c’est un leurre de faire croire qu’en mettant en place un président exécutif scientifique cela va changer… Car tout cela a un coût et dans le contexte d’une concurrence exacerbée, augmenter les coûts signifie se mettre en danger ! Ce n’est qu’en réformant par la loi le dispositif issu de la loi de 2003 pour sortir l’archéologie du secteur marchand que des solutions pérennes seront possibles et auront un effet sur l’ensemble des fouilles et des missions de l’Institut.

Un modèle imposé par Bercy !

Le modèle qu’on veut mettre en place à l’Inrap est celui qui a été pensé par Bercy. Il consiste à imposer coûte que coûte un président exécutif à tous les établissements publics. Ne vouloir qu’une seule tête pour diriger les établissements est fort discutable. Cela n’exprime que des logiques comptables et de performances auxquelles Bercy associe la rémunération au mérite. La dualité des équipes de direction n’est pas à rejeter en bloc, elle a notamment permis à l’Institut de fonctionner depuis 2002 dans un contexte parfois très hostile.

Le ministère croule sous les rapports de l’Inspection générale des Affaires Culturelles (IGAC) qui démontrent les dérives récurrentes d’un tel modèle de gouvernance…


Petit florilège :

Dérives sur le recrutement des personnels :

On remarque régulièrement sous les présidences exécutives une explosion des recrutements de contractuels hors catégorie en « chargé de mission » sans qu’aucun contrôle ne soit possible. Ce type de dérive peut aussi se généraliser quand le pouvoir de recrutement est confié à une personne issue du milieu professionnel et donc dans le cas de l’Inrap à un archéologue. Le risque de népotisme et de clientélisme serait bien réel, à l’instar de ce qui se passe dans certaines écoles d’architecture.

– Dérapage sur la masse salariale :

La rémunération d’un président exécutif est bien plus élevée que celle d’un président. Par ailleurs, l’instauration d’une présidence exécutive est souvent associée à la mise en place d’une « cour » (cf. paragraphe précédent) payée rubis sur ongle…

Sur la qualité de l’administration de l’établissement :

L’Inrap est un service public implanté sur l’ensemble du territoire et ses relations avec les usagers privés comme publics sont essentielles au bon fonctionnement du dispositif d’archéologie préventive. Une des priorités actuelles est l’organisation de l’administration de l’Inrap au niveau local et le développement des coopérations avec les collectivités territoriales et les services publics. Connaître les territoires et les populations, les usagers, les nouvelles lois de décentralisation, la réforme territoriale, le fonctionnement d’une collectivité territoriale, le rôle d’un préfet et des autres services de l’Etat est fondamental. Pour cela, une excellente direction administrative est impérative, alors qu’un président exécutif affaiblit le rôle du directeur administratif et donc l’attractivité du poste. La nécessité d’avoir pour l’Inrap un très bon scientifique et un très bon administratif s’impose et exige une réelle dualité des fonctions.

– La durée de la gouvernance :

Passer de 6 ans maximum à 9 ans de gouvernance, l’expérience à l’Inrap montre que 6 ans est plus en adéquation avec la lourdeur de la charge de travail. Il ne faut pas confondre stabilité et fossilisation des gouvernances.

Les missions de service public de l’Institut :

La dualité de la gouvernance permet, chacun dans son registre (scientifique pour le président, administratif pour le directeur), de garantir au mieux l’ensemble des missions de service public, de la détection des sites à la publication et la valorisation des opérations de fouilles, sans créer de déséquilibre. La recherche est fondamentale à l’Inrap, mais elle ne doit pas être réalisée au détriment des missions patrimoniales et culturelles de l’Institut. Aujourd’hui, en étant président du Conseil d’administration, du Conseil scientifique et des instances centrales de l’établissement (CT et CHSCT), le président a un réel pouvoir pour contrebalancer et se faire entendre sur les décisions prises par le n°1, soit le directeur général. Avec le modèle de Bercy, le président exécutif a tous les pouvoirs et, étant donné que c’est lui qui défini les prérogatives qu’il veut bien déléguer au directeur général, ce dernier se retrouve forcément sous sa forte emprise…

– Affaiblissement des gouvernances démocratiques :

Toutes les gouvernances exécutives au ministère ont toujours été associées à un processus d’affaiblissement des gouvernances démocratiques. A titre d’exemple, la façon dont ont été menées les dernières élections au Conseil scientifique de l’Inrap, marque encore une fois la volonté d’affaiblir la légitimité et les prérogatives de ce Conseil, pourtant essentiel à la vie démocratique, scientifique et sociale de l’Institut. En effet, en plaçant le calendrier d’inscription pour les collèges externes du 15 août au 15 septembre, soit un mois plus tôt que pour les élections de 2011, l’administration a fait chuter la participation. En effet, nos collègues de l’Etat, du CNRS, de l’Université pendant cette période estivale sont occupés sur leurs fouilles programmées, en mission ou même en vacances, et il est difficile pour eux d’obtenir de leur administration les justificatifs nécessaires à leur inscription sur les listes électorales. Contrairement à ce que dit le président de l’Institut afin de justifier qu’il est nécessaire d’avoir un n°1 scientifique (il explique cette forte baisse de participation par un désintéressement supposé de nos collègues aux travaux de l’Institut), nos collègues des collèges concernés nous disent que si on avait voulu entraver le bon déroulement de ces élections, on n’aurait pas pu mieux s’y prendre… Pour le collège des collectivités territoriales, la baisse a été un peu moins importante car les électeurs avaient déjà été mobilisés juste avant l’été par un vote partiel. Toutefois, certains nous ont fait savoir qu’ils n’avaient pas pu s’inscrire faute de justificatifs nécessaires.

C’est pour toutes ces raisons qui ne seront pas sans incidences sur le quotidien des personnels et sur la vie de l’Institut que le SGPA CGT-Culture et le SNAC-FSU refusent, contrairement à d’autres, de valider le modèle imposé par Bercy et qu’ils vont porter des amendements au projet de décret portant modification de la gouvernance à l’Inrap afin :

► d’obtenir plus de transparence (appels à candidatures pour le poste de président exécutif et de directeur scientifique et technique, avec un avis du Conseil scientifique sur les projets scientifiques des candidats) ;

► de borner dans le décret les délégations faites au directeur général pour éviter les pleins pouvoirs du président ;

► de garantir et renforcer la gouvernance démocratique de l’Institut et notamment les prérogatives du Conseil d’administration sur les recrutements des « hors filières » et « hors catégories » ;

► de limiter à 6 ans les mandats du président exécutif, du directeur général et du directeur scientifique et technique.

Paris, le 18 décembre 2015.

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