Des « nouveaux » et de la nouveauté ?

Avec la majorité LRM (La République en Marche), c’est un peu le changement dans la continuité. Comme ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron est animé par des objectifs répondant peu ou prou au même dogme : moins d’État, moins de Fonction publique, moins de service public, moins de régulation et de droits pour les plus faibles.

Or le « nouveau » pouvoir, pour faire passer cette pilule particulièrement amère, n’hésite pas à agiter les mêmes peurs qu’avant, encore et toujours. Les éléments de langage sont bien affûtés. On nous rebat les oreilles avec la situation « préoccupante » des finances publiques, le niveau « insupportable » de la dépense publique, le déficit public « abyssal », la « fuite en avant de la dette » etc. Ayant donc été ainsi méticuleusement préparés, c’est-à-dire systématiquement matraqués et quotidiennement culpabilisés, nous serions prêts à consentir « les efforts nécessaires au redressement des comptes publics et au sursaut de la nation ».

Et en même temps, si nous pouvions éviter de regarder du côté de la fiscalité et des inégalités sociales, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles de la modernité et de la révolution macronniennes. Las, Monsieur Macron et ses amis sont déjà rattrapés par la réalité : l’impôt en France est à la fois inefficace et injuste ; les inégalités sociales ne cessent de se creuser et la plupart des indicateurs sociaux virent au rouge. Quant à notre modèle économique, c’est objectivement une machine à exclure, à cliver et à précariser, c’est aussi, et de plus en plus, une machine à spolier les ressources naturelles et à détruire la biosphère (pour l’année 2017, le jour où nous avons consommé toutes les ressources naturelles de la planète – appelé le jour du dépassement – est survenu le 2 août dernier, soit 1 jour plus tôt qu’en 2016).

En vérité, quand on tient tant à démanteler ce qui structure une société pour la rendre plus facile à contrôler, on agit comme ce gouvernement. Une fois détruits les organismes qui peuvent créer de la cohésion sociale, de la cohérence et faciliter l’unité des actions humaines dans la profusion et la richesse de leur diversité, on dirige les projets de recherche des individus et des groupes vers des objectifs qui servent les intérêts particuliers ou les idéologies.

C’est là qu’interviennent avec force une communication bien rodée et ces fameux éléments de langage qui alimentent la pensée unique et sont la négation du débat public et citoyen. La question de la dette publique est un parfait exemple de cet emballement médiatique. Jamais en effet ou presque ceux qui monopolisent les micros ne différencient dans ce grand tout la dépense sèche de l’investissement. Pourtant, nul besoin d’être un économiste averti pour comprendre que toute société a besoin d’investir pour avancer et pour prospérer.

Des progressistes ?

On a vu ce qu’il en était des « nouveaux » et de la nouveauté. Ceux qui nous gouvernent cherchent par ailleurs à nous vendre cette idée étrange que le progrès passe par la perte des acquis. Serions-nous assez naïfs pour croire qu’une société dont les droits et garanties individuels et collectifs sont en recul serait une société plus heureuse et apaisée. A en croire ces nouveaux démiurges, il faudrait s’adapter et, comme d’autres pays l’ont fait avant nous, conduire à notre tour et à marche forcée les réformes qui s’imposent. Sauf qu’à y regarder de plus près, sous couvert de diminution de la dépense publique et du poids de l’impôt, le plus souvent dans ces pays modèles, la santé, l’éducation, les transports ou encore l’énergie sont devenus beaucoup plus onéreux pour les citoyens et usagers. Sauf que dans ces pays exemplaires, l’accès à ces services publics qui ne sont autres pourtant que des biens communs est, sur le papier, ouvert à tous, mais, dans la vraie vie, de plus en plus limité aux plus riches et fermé aux plus pauvres. Quel progrès !!!

La doxa libérale confrontée à l’épreuve des faits

Les certitudes et les sentences libérales du gouvernement, même proférées avec beaucoup de talent et force persuasion, ne suffiront pas à forger une politique qui rassemble notre pays. Ainsi est-il bon de rappeler quelques vérités essentielles et incontournables :

la vérité, c’est que les administrations publiques participent à la création de richesses à hauteur de 20% du PIB et de 17% de l’investissement global ;

la vérité, c’est que lorsqu’on transfère au secteur privé des missions publiques, le plus souvent, le résultat est dispendieux en matière budgétaire, mauvais en qualité du service public rendu. C’est vrai pour la gestion de l’eau, par exemple. Et que dire de la privatisation des autoroutes qui a conduit le prix moyen du kilomètre à augmenter deux fois plus vite que l’inflation !

Les antiennes sur le niveau de la dépense publique – qui handicaperait notre économie – font partie de ces fausses évidences qui arrangent les visées de celles et ceux qui les mettent en avant. Mais jugeons-en plutôt :

en 2012, le Danemark affichait des dépenses publiques à 59,4% de son PIB, davantage donc que la France, le chômage y était de 7%, contre une moyenne de 10,6% dans l’Union européenne (UE), et la croissance y était 4 fois supérieure à celle de l’UE.

la même année, le Portugal avait des dépenses publiques à hauteur de 47,4% du PIB mais le chômage y était de 15,3% et la croissance de -1,4%, c’est-à-dire en récession.

pour lutter contre la crise, les États-Unis ont fait monter leur déficit public à 13% du PIB en 2009, 2010 et 2011 (plus du double de la France sur la même période) et leur taux de chômage a baissé de deux points.

Pour autant, la CGT n’est pas pour l’immobilisme : elle est favorable aux réformes et à l’adaptabilité du service public. La CGT ne se satisfait pas de l’état actuel du service public : souvent mal en point ; souvent dégradé, en retrait ; parfois, et de plus en plus souvent, totalement absent dans des territoires qui en ont pourtant tant besoin. La CGT regarde cette réalité en face mais elle dénonce la baisse drastique des moyens, le défaut d’entretien, les investissements notoirement insuffisants et une forme de déshumanisation. La CGT regarde cette réalité en face pour mieux revendiquer un service public moderne, tourné pleinement vers les usagers, répondant à leurs attentes et en permanence animé par ces exigences fondamentales : réduire les inégalités ; faire du lien social ; rapprocher les populations ; faire démocratie et société.

La CGT n’est pas pour la défense étroite de prés carrés : au contraire, la CGT estime et affirme que la Fonction publique et le Statut général des fonctionnaires n’ont de pertinence que si on les lie indissociablement aux besoins de la population, aux enjeux de citoyenneté.

Mais, ce dont la CGT a la conviction, c’est qu’il n’y a pas de progrès social, de développement économique pérenne et équilibré, sans une Fonction publique forte et développée.

La Culture est une priorité pour Emmanuel Macron

Dans le domaine de la culture comme hélas dans beaucoup d’autres, la communication soignée – pour ne pas dire l’enfumage – est à l’honneur mais également, déjà, à la peine. Étrange façon en effet de considérer la notion de priorité : à peine arrivé aux affaires, le nouveau gouvernement, par la voix de son inénarrable ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé une réduction du budget du ministère de la culture de 50 millions d’euros pour 2017.

Désireux de rassurer le monde la culture, Gérald Darmanin nous a gratifiés par voie de presse d’une brillante démonstration : ces 50 millions n’étaient autres que des budgets gelés ; comprenez, des budgets qui ne servaient à rien. S’il est toujours difficile de s’y retrouver dans un tel brouillard artificiel, ce dont nous pouvons être certains en revanche, c’est qu’une fois surgelés, nous ne sommes pas prêts de revoir la couleur de ces 50 millions… une paille pour Monsieur Darmanin.

Et en même temps, parce que nous ne le valons bien, peut-être, mais d’abord et surtout parce que nous ne sommes plus à une absurdité ni à une contradiction près, nous allons continuer à dépenser de l’argent dans des projets très coûteux. Il en va ainsi notamment de la réorganisation immobilière de l’administration centrale du ministère et du fameux projet CAMUS. On aura au passage une pensée émue pour l’admirable auteur de « L’étranger » et de « L’homme révolté » qui n’a certainement pas mérité d’être mêlé à cette mauvaise farce.

Il faut rappeler tout d’abord que Madame Nyssen hérite de ce projet dont nous n’avons eu de cesse de demander le retrait. Il faut ensuite rappeler, une fois encore, que nous sommes partis d’un problème bien réel mais certainement pas insurmontable – celui de l’implantation de la DGCA rue Beaubourg – pour arriver à une usine à gaz qui conduirait à : vendre des immeubles, dont celui de la rue des Pyramides ; déplacer, regrouper des centaines d’agents ; s’engager dans des travaux très lourds et très coûteux sur le site parisien des Archives nationales tout en fragilisant les Archives nationales dans leur ensemble.

Alors que nous commencions tout juste à respirer après avoir souffert des déménagements résultant de la RGPP, il faut tout faire pour empêcher que cela ne recommence. Le ministère et ses agents n’ont pas besoin de cela. Nous avons déjà demandé à Madame la Ministre de retirer ce projet (Cf. Comité technique ministériel du 6 juillet 2017) et nous allons y insister. Ce ministère ne doit pas faire compliqué quand il peut faire simple et avoir en toutes circonstances la préoccupation de préserver les conditions de travail de ses agents.

Politique culturelle, ça fait court

– L’EAC ou les limites de l’Éducation Artistique et Culturelle

A peine avait-elle pris ses fonctions que Françoise Nyssen indiquait qu’elle entendait faire une priorité de l’EAC. Mais le ministère de la culture n’a pas attendu Françoise Nyssen pour travailler sur l’EAC. C’était même en son temps, déjà, l’axe central de la politique d’Aurélie Filippetti à son arrivée rue de Valois en 2012.

En premier lieu, il convient de ne pas oublier que l’EAC repose nécessairement sur les autres politiques du ministère (celles du patrimoine, de la création, du livre et de la lecture etc.) et que celles-ci manquent cruellement de moyens après qu’elles ont été la cible de plusieurs cures d’austérité.

Mais l’essentiel est probablement ailleurs. Si l’on peut souhaiter que les politiques culturelles et les politiques sociales soient enfin décloisonnées, nous savons aussi que les politiques culturelles ne sont fortes et légitimes qu’à la condition qu’elles infusent toutes les autres politiques publiques (éducation bien sûr, mais aussi notamment travail, justice, santé, action sociale, tourisme).

Or pour ce faire, non seulement le ministère de la culture ne doit pas s’effacer derrière les autres ministères mais il doit de surcroît affirmer toute sa singularité et reprendre confiance dans ses savoir-faire et ses immenses capacités pour s’ouvrir en grand et participer sans réserve à des projets novateurs.

– Le pass culture ou les bons culture, une vraie-fausse bonne idée

Comme nous ne sommes pas seuls au monde, il n’est pas surprenant que d’autres, ailleurs, aient eu l’idée avant Emmanuel Macron d’un « pass culture ». Tout près de nous, c’est le cas de l’Italie. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats de cette politique ne sont pas très concluants. Au-delà des difficultés techniques auxquelles nos voisins transalpins se sont heurtés, on retiendra que cette mesure a contribué à favoriser le mouvement d’uniformisation de la culture, à renforcer le monopole des GAFA et plus largement la position dominante des industries du divertissement.

Nous sommes tout de même en droit d’espérer qu’en 2017, en matière de culture comme dans bien d’autres domaines, notre pays soit capable de concevoir des projets permettant de cultiver l’art du partage, de la rencontre, la multiplication des échanges et des collaborations dans le respect de la diversité, le bonheur du débat et l’effervescence de la création. Nous sommes aussi en droit d’espérer que le ministère de la culture ne soit pas réduit à soutenir une vision consumériste de la culture et qu’au contraire il ait toute latitude pour ouvrir tous les horizons et renouveler nos imaginaires.

– L’accès à la culture

La CGT-Culture demande depuis longtemps, et cela prend de plus en plus une forme d’urgence, la mise en place d’une politique offensive pour l’accès de tous à la culture, pour l’essor d’une démocratie culturelle et la reconnaissance des droits culturels.

Madame Nyssen vient d’arriver rue de Valois et nous ne voulons pas insulter l’avenir. Mais nous sommes bien obligés de constater que les premières annonces budgétaires pour cette année et pour l’an prochain ne sont pas bonnes. Ces mauvaises nouvelles jettent un doute sur la volonté du gouvernement de mettre en place cette politique si importante et tant attendue. Au lendemain des attentats, l’urgence de ces enjeux semblait partagée par tous. Beaucoup semblaient avoir pris conscience que la culture était une priorité pour notre société. Malheureusement on peut craindre que les responsables politiques aient la mémoire courte.

Or il y a des choses que nous pourrions faire tout suite, par exemple :

  • soutenir et renforcer les DRAC pour qu’elles deviennent vraiment les têtes de réseaux des établissements du ministère en régions et qu’elles puissent travailler pleinement et sereinement avec les collectivités territoriales pour garantir un égal accès des populations à la culture sur l’ensemble du territoire ;
  • valoriser les sites du Centre des Monuments Nationaux dans les territoires (et l’on peut déplorer que certains monuments soient malheureusement fermés) en tant qu’ils sont idéalement placés pour être des laboratoires efficaces des politiques d’accès à la culture, des lieux d’échange entre les cultures, des lieux d’entrée de nouveaux publics, des passerelles entre les différents publics, des espaces ouverts à la démocratie culturelle donnant la parole aux populations et acceptant l’augure qu’elles participent à l’élaboration des programmes et, pourquoi pas, à la construction des politiques culturelles elles-mêmes.

Pour tout cela, pour ne pas se laisser mener en bateau, à la rentrée il faudra se mobiliser, et cela commence dès le 12 septembre avec la journée d’action et de grève proposée par la CGT.

De la rentrée, la CGT-Culture organisera des assemblées générales pour débattre, échanger, s’enrichir de vos idées et de vos propositions.

La CGT-Culture œuvrera pour que la mobilisation s’inscrive dans l’unité syndicale la plus large possible.

Mais pour réussir votre mobilisation sera nécessaire.

Chacune et chacun d’entre nous est concerné par cette urgence sociale et culturelle.

Dès la rentrée soyons tous prêts !!!

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