Déménagement : mais où est donc passé « l’esprit Bpi » ?

Alors que le déménagement de la Bpi au Bâtiment Lumière, prévu courant 2025 durant la fermeture du Centre Pompidou, va impacter pendant a minima cinq ans et impacte déjà fortement le collectif de travail, de nombreuses questions sont laissées sans réponse en raison du manque de volonté de la direction d’impliquer les personnels et en l’absence d’une méthodologie de travail, laissant craindre une explosion des risques psychosociaux.

Comment continuer de garantir les services publics de la Bpi, à savoir constituer des collections, proposer des offres culturelles et de médiation riches, garantir un accueil au plus grand nombre, dans le cadre d’un bâtiment plus restreint, d’un travail en multi-site et dans un contexte de dé-sélection massive ?

Quid du maintien des effectifs (en particulier des « vacataires ») voire de son augmentation ? Quid du circuit du document, de la logistique et de l’informatique, du travail isolé, de la cohérence du collectif ?

Dans le cadre la réunion du 22 décembre entre les représentant.es des titulaires et contractuel.les de la Bpi et la directrice, faisant suite au préavis de grève CGT-FSU du 8 décembre, cette dernière n’a souhaité répondre à aucune question. À notre demande d’une réflexion collective sur le fonctionnement, le service rendu au public, l’organisation du travail de la bibliothèque et les conditions de travail des personnels (en particulier des plus précaires) pendant la période des travaux, la directrice a opposé le même silence. Alors que l’esprit Bpi a toujours été fondé sur la concertation et l’entraide, l’interdiction récente faite aux collègues de se réunir sans l’accord des chef.fes de services en est une dérive évidente.

La directrice persiste à maintenir sa dé-sélection massive (1300 documents par semaine !) sous prétexte du manque de place au bâtiment Lumière alors qu’il serait possible de louer des espaces de stockage supplémentaires – notamment dans le bâtiment Lumière lui-même – ce qui permettrait aux agent.es de prendre le temps nécessaire pour un désherbage raisonné classique, comme ce fut le cas lors de la précédente fermeture. Mais plutôt que d’écouter les inquiétudes légitimes de ses personnels, la directrice refuse toujours d’entendre directement les agent.es concernés et décide de mettre en place des « binômes » et « trinômes » pour les « accompagner » à désélectionner, laissant croire que le problème serait « la fragilité » des agent.es !

À toutes fins utiles, nous lui avons remis le guide ministériel d’aide à l’évaluation des impacts dont la nouvelle version a été validée par la formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail ministérielle (FSSSCT-M) du 12 décembre dernier. Ces études d’impact ont vocation à aider :

  • à identifier d’éventuels changements à opérer dans le projet en lui-même ;
  • à identifier les risques associés ;
  • à définir des mesures de prévention et d’accompagnement ;
  • à constituer un support d’échanges dans le cadre des consultations obligatoires des instances représentatives du personnel.

Signalons qu’il est rappelé dans le guide que « la réalisation d’une étude d’impact en amont du déploiement de projets modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail répond à l’obligation générale d’évaluation des risques professionnels qui incombe aux employeurs publics, laquelle doit être réalisée a priori. »

Concernant le maintien des effectifs service par service le temps des travaux et jusqu’au retour sur site, nous avons demandé à la directrice d’obtenir un mandat au ministère comme l’a fait le Centre Pompidou. Face à notre insistance, elle a fini par répondre qu’elle solliciterait la tutelle, sans s’avancer outre-mesure…

Concernant la question des collègues « vacataires », la directrice a affirmé que leurs postes ne relevaient pas de missions permanentes, alors que c’est stipulé noir sur blanc dans leurs contrats et que cela correspond à une pratique récurrente de réouverture des postes sur les mêmes missions après chaque fin de contrat. De plus, ces contrats contiennent une clause irrégulière de non renouvellement et une rémunération sur taux horaire illégale au ministère de la Culture ! Dans toutes les structures du ministère (sauf la Bpi), même les postes correspondant à des besoins non permanents sont rémunérés sur une base indiciaire, ce qui permet aux collègues de bénéficier, entre autres, de la prime de résidence. L’argument de privilégier des profils étudiants dans les recrutements, comme le confirme la note du 18 décembre sur les Conditions d’emploi des agents d’accueil, de bulletinage, de rangement et d’encadrement du rangement, s’apparente à une discrimination à l’embauche. Nous avons exigé que ces contrats soient indiciarisés sur la base d’une grille démarrant au-dessus du Smic et que la clause de non renouvellement soit supprimée. Quant aux violences sexistes, sexuelles et physiques auxquelles sont particulièrement confronté.e.s les « vacataires », et plus largement pour toutes les questions liées au service public, nous avons demandé que ces personnels soient pleinement intégrés au collectif de la Bpi.

Nous en appelons donc à la responsabilité de la directrice pour la mise en œuvre d’une véritable étude d’impact qui permettra d’évaluer et éviter les risques professionnels encourus par l’ensemble des personnels dans le cadre de ce projet de déménagement. Il en va de la santé physique et mentale des collègues et de l’aboutissement du projet lui-même. 

Nous demandons que des réponses satisfaisantes soient apportées très rapidement aux questions sur les contrats et les conditions de travail des « vacataires ».

Nous réaffirmons la nécessité de travailler de manière collective et dans la confiance : sans l’esprit Bpi, nos conditions de travail et nos missions auprès des publics n’en seront que dégradées !

Paris, le 22 janvier 2024