Déconcentration des actes de gestion : les conséquences

Déconcentration des actes de gestion : les conséquences

Initialement, les actes de gestion des ressources humaines des agents titulaires du ministère de Culture sont gérés en administration centrale, qui est un gage :

·      d’égalité de traitement de tous les agents (principe essentiel du statut de la Fonction publique),

·      d’économies d’échelle en termes de gestion,

·      de plus grande souplesse de gestion, notamment en termes de mobilité,

·      du maintien de l’expertise requise.

Ces actes concernent en particulier la carrière, les congés, les prestations sociales, les sanctions disciplinaires, les primes et indemnités, la reconnaissance d’imputabilité au service d’accidents de travail, la pré-liquidation de la retraite.

Les établissements en gestion directe

Or depuis plus d’une 10aine d’années, le ministère a entamé un mouvement de délégation de ses établissements publics de la gestion des agents titulaires qui s’y trouvent affectés, l’administration centrale se désengageant de cette responsabilité et ouvrant ainsi la porte à autant de pratiques de gestion et de services des personnels que d’établissements concernés.

Le premier établissement à être passé en gestion directe est la BnF en 2007, suivie du Louvre en 2003. Plus récemment en 2019, et sans négociation ni avec les personnels concernés au SRH de l’administration centrale ni avec les organisations syndicales et encore moins avec les 1500 agents titulaires concernés, ce fut au tour du CMN, de l’établissement de Versailles et des musées d’Orsay et de l’Orangerie de passer en gestion directe.

Et maintenant ce sont le Centre national du Livre (CNL), l’institut National du Patrimoine (INP) et le Centre National d’Art Contemporain Georges Pompidou (CNAC-GP) qui sont concernés par cette gestion directe au 1er janvier 2022, le tout en plein marasme culturel, social et économique des établissements.

Quels sont les agents concernés ?

La délégation des actes de gestion RH ne concerne que les titulaires et non les contractuels ayant un contrat du ministère de la Culture. En effet, les titulaires comme les contractuels gardent comme employeur le ministère de la Culture, seuls les actes de gestions sont transférés. Il ne peut en aucun cas être imposé à ces contractuels de changer d’employeur (c’est-à-dire l’établissement dans lequel ils sont affectés) ; dans ce dernier cas, il s’agirait d’une modification substantielle du contrat pouvant déboucher sur un licenciement en cas de refus. La Cgt s’oppose à ce scénario qui fragiliserait un peu plus la situation des contractuels. Du reste en 2019 au dernier épisode de déconcentration, la gestion des contractuels est restée au SRH d’administration centrale.

Quelles sont les conséquences de la délégation des actes de gestion ?

Sous couvert d’autonomie de gestion des établissements publics, cette déresponsabilisation ministérielle s’oppose au principe de l’égalité de traitement et casse durablement l’expertise détenue dans les services d’administration centrale en charge des filières et corps des agents titulaires, et génère par conséquent :

  • une entrave dans la mobilité,
  • la non garantie d’égalité de traitement dans l’organisation des concours et des recrutements directs,
  • un risque dans la pré-liquidation et la mise en paiement des traitements (des agents du CMN et de l’Inrap ont subi des retards de paiement),
  • une attribution discrétionnaire du montant des primes et rémunérations et en fonction des capacités budgétaires des établissements,
  • une gestion discrétionnaire en matière de reconnaissance des accidents de travail ou des maladies professionnelles et une expertise difficile à construire dans les établissements dans le domaine des congés pour raison de santé,
  • un manque d’objectivité dans les sanctions disciplinaires et les décisions de suspension souvent dû à un manque de recul,
  • une attribution d’aides sociales à la hauteur de la capacité budgétaire, et soumises à cotisations et à l’impôt, pour celles qui sont en dehors du programme 148 interministériel relatif aux aides à l’action sociale,
  • des droits aux congés soumis à conditions (exemple : les agents du Louvre ont vu leurs congés bonifiés divisés par 2),
  • un risque dans la pré-liquidation des pensions lors des départs en retraite, même si la cessation définitive des fonctions reste gérée par le bureau des pensions en administration centrale (ce bureau est fréquemment amené à corriger un certain nombre d’erreurs dans les dossiers provenant des établissements en gestion directe).

Quelles garanties des établissements envers leurs personnels ?

Lors d’une réunion avec les responsables des établissements concernés (CNL, INP, CNAC-Pompidou), du SRH et des directions métiers de l’administration centrale, nous avons déploré l’absence de préparation de ces dossiers pourtant sensibles. Aucune analyse sur les déconcentrations existantes n’a été faite, alors qu’en 2019, le secrétaire général du ministère s’était engagé au comité technique ministériel à faire un bilan avant tout nouveau projet de déconcentration. Nous sommes toujours dans l’attente de ce bilan.

Nous les avons notamment interrogés sur les garanties en termes de transferts de postes, d’expertise et de capacités budgétaires sur le long terme. Il nous a été répondu :

  • Qu’aucune demande de poste supplémentaire par les établissements n’a été faite pour gérer ces missions nouvelles, considérant que la charge de travail supplémentaire pouvait être absorbée par les équipes en place !
  • Que l’expertise requise au traitement de ces actes est déjà détenue en interne, et qu’un suivi par les services du SRH du ministère serai garanti…
  • Que les postes vacants seraient transférés aux établissements mais sans masse salariale, charge à eux de la négocier !
  • Que les capacités budgétaires sur le long terme des établissements pour le paiement des primes et indemnités sont suffisantes, malgré nos alertes sur les risques de voir leur plafond d’emplois rapidement saturé dans les prochaines années, et de devoir accroître leurs ressources propres.

Nous avons réitéré notre forte opposition à ce projet qui délite davantage la colonne vertébrale du ministère de la Culture, et rappelé que les personnels revendiquent non pas cette déconcentration de gestion RH, mais l’égalité de traitement, la réduction des inégalités entre filières, le repyramidage de la filière administrative et la revalorisation des grilles de salaire.

La CGT-Culture exige au contraire une politique ministérielle garante des droits et carrières de l’ensemble des personnels.

 

Paris, le 5 octobre 2021