Déclaration liminaire prononcée au Conseil d’Administration du Centre des Monuments Nationaux du 25 novembre 2009

Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs les administrateurs,

Le Gouvernement a introduit dans le projet de loi de finances (PLF) 2010 un article 52 qui annonce une évolution radicale des règles et possibilités de transfert d’éléments du patrimoine monumental de l’État et par conséquent de monuments historiques gérés par le CMN, aux collectivités territoriales.

Alors que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait limité la possibilité de transfert aux éléments du patrimoine classé ou inscrit de l’État ou du Centre des monuments nationaux figurant sur une liste fixée par décret, et pour lesquels la demande devait être formulée au plus tard 12 mois après la publication dudit décret, l’article 52 du PLF 2010 instaure le principe d’un appel généralisé et sans limite dans le temps au volontariat des collectivités territoriales. Le patrimoine transférable ne se limitant plus à celui de l’État et du Centre des monuments nationaux, mais s’étendant dorénavant à celui de tous les établissements publics de l’État.

L’objectif de cette disposition n’a proprement rien à voir avec toute idée de développement, ou de renforcement, des politiques publiques de la Culture, comme le prouve l’exposé de ses motifs : le gouvernement n’y considère le patrimoine qu’au travers du prisme de ses retombées économiques et de « la compétitivité du territoire liée à l’attractivité qu’il exerce ».

Le Gouvernement justifie les futurs transferts en arguant du fait que les monuments « se trouvent souvent mieux entretenus et valorisés par les collectivités que par l’État ». Ce débat, transcende le seul CMN, mais il est malheureusement pollué par de basses manœuvres électoralistes en vue du scrutin régional.

Pour le Centre des Monuments Nationaux cet article 52 signifie ni plus ni moins qu’un démembrement, qu’on peut assimiler à une véritable « vente à la découpe » qui aboutira à la mort certaine de notre établissement. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que la survie de l’établissement repose sur la péréquation et la mutualisation des moyens. Aujourd’hui, ce sont les 6 monuments bénéficiaires qui permettent de compenser les pertes et d’ouvrir à la visite les 90 autres, conformément aux missions de l’établissement. Que se passera t-il si demain, des monuments tels que l’Arc de Triomphe, le Mont-Saint-Michel, le Panthéon, le château de Vincennes, le château d’Azay-le-Rideau, le château d’Angers ou encore le domaine National de Saint-Cloud… quittaient le giron du CMN ?

Il est d’ailleurs prévisible que les collectivités territoriales veuillent avant tout récupérer les monuments les plus « rentables », comme le souligne fort justement le rapport de la Cour des Compte d’octobre 2009, ainsi que le rapport d’information parlementaire de M. Gilles d’Ettore, «  le CMN obtient un équilibre comptable grâce à une gestion en réseau de ses monuments : 6 monuments bénéficiaires permettent de compenser les déficits des 90 autres. L’expérience montre a contrario les risques qu’encourerait une décentralisation généralisée du patrimoine national. Il faut veiller à ne pas déséquilibrer l’ensemble. Les collectivités territoriales ont tendance à vouloir récupérer des sites patrimoniaux et des monuments bénéficiaires. Or il est important de conserver un réseau national et de développer des organismes comme le CMN. ».

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