Déclaration liminaire de la CAP des adjoints administratifs du 22 septembre 2020.

Monsieur le président de la CAP des adjoints administratifs,

Nous ne pouvons pas ouvrir cette séance sans penser avant tout aux agents qui, en cette période d’épidémie, connaissent une situation difficile. Nous pensons évidemment en tout premier lieu à celles et ceux qui ont été éprouvés dans leur chair et qui ont été personnellement touchés ou dans leur entourage familial par la maladie.

Bien qu’il soit encore compliqué d’obtenir un bilan exhaustif des effets et des conséquences négatives de cette crise, nous savons que nombre de nos collègues rencontrent des difficultés médicales, familiales, sociales. Nous savons aussi que ces difficultés s’ajoutent très souvent à une forme de dégradation importante des conditions de travail et du travail lui-même.

Une mutation profonde des organisations et des procès de travail semble s’être irrémédiablement   enclenchée. Celle-ci devrait en toute hypothèse peser dans la construction du « monde d’après » et dans les évolutions sociétales qu’il appelle.  Mais on se souviendra d’abord que le recours quasi-généralisé et en un temps record au télétravail et/ou au travail à distance et les capacités d’adaptation remarquable des personnels auront permis à ce ministère d’assurer ses missions essentielles. 

Nous voulons également saluer les efforts consentis par les agents dont les missions exigeaient un travail en présentiel. Ils ont incontestablement pris des risques importants pour contribuer eux aussi à la continuité du service public.

La filière administrative pour qui la mise en œuvre du télétravail était a priori, sur le papier, plus simple que pour d’autres corps, a pourtant, elle aussi, été exposée à des contraintes majeures. Encore une fois et malgré ces circonstances inédites, les agents des catégories C et B ont été les derniers servis en matériel informatique. On a ainsi constaté des inégalités flagrantes dans l’attribution des ordinateurs mais aussi des clés VPN indispensables aux agents pour fournir un travail de qualité dans les conditions de sécurité requises par les normes interministérielles en vigueur.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes agents que l’on somma trop souvent de réintégrer leur bureau dès la fin du confinement sans tenir compte de leur situation familiale, notamment de la fermeture des écoles, pire de leur vulnérabilité médicale. Que dire en outre de l’attitude managériale suspicieuse d’une certaine hiérarchie à leur encontre et d’un manque de bienveillance manifeste.

Heureusement, d’autres ont été capables d’imaginer une reprise minimisant les risques au maximum, incluant une part substantielle de télétravail, en visant une égalité de traitement pour toutes et tous.

Souvenons-nous aujourd’hui que dans le « monde d’avant », dans cette instance, nous avons su malgré nos divergences et parfois nos désaccords discuter des demandes de mobilité et des promotions avec le souci constant de réduire les inégalités et les injustices. Souvenons-nous que nombre de situations, et parfois des plus délicates, ont pu trouver une issue heureuse dans le dialogue et le débat sans jamais se départir de l’intérêt général.

Mais « monde d’après » ou pas, Coronavirus ou pas, la loi de transformation de la Fonction publique est toujours là et bien là qui s’en prend frontalement aux instances paritaires et représentatives des personnels, et, par là même, à la démocratie sociale.

Cette instance, notre CAP, comme toutes les autres nous la défendons farouchement bien que son fonctionnement soit perfectible et que votre bilan dans la recherche du dialogue social soit plus que contrasté.

L’exemple des mobilités est à lui seul révélateur de dysfonctionnements récurrents. Car des décisions de mobilité, il y en a eu depuis le 1er janvier 2020. Mais en revanche, nous n’avons pas eu l’ombre d’une information à ce sujet. Faut-il vous rappeler pour la énième fois que nous avons été élus par les personnels. Ce refus répété de nous communiquer les informations qui nous sont dues finit par devenir insupportable. Au demeurant, cette attitude est en total contradiction avec l’engagement pris par la ministre le 27 août dernier devant les organisations syndicales de leur communiquer, sans aucune rétention, tous les éléments et documents nécessaires à un dialogue social de qualité.

Pardon d’y insister : nous exigeons que soit mis à la disposition des représentants du personnel le tableau des mobilités depuis le 1er janvier !

Mais s’agissant encore de cette question essentielle des mobilités dans le parcours professionnel et la vie des agents, donnons-leur un peu la parole. Celles et ceux qui postulent nous expliquent que leur candidature n’appelle la plupart du temps aucun retour de votre part. Croyez-vous qu’il soit acceptable de les laisser dans l’ignorance. Ce ne sont pas des ressources humaines, ce sont des travailleuses et travailleurs qui ont le droit de savoir dans des délais raisonnables s’ils sont retenus sur le poste et pourquoi ne le sont-ils pas le cas échéant.

On nous taxera probablement d’une forme d’intransigeance, mais quelle est la réalité, en vrai, dans le monde de tout de suite, hélas, comme dans celui d’avant. Permettez que l’on s’y attarde un instant.

Oui, au vrai, vous faites preuve avec constance d’une redoutable opacité en matière de recrutement ; vos critères manquent cruellement d’objectivité ; vous traitez par le mépris les candidatures relatives à des rapprochements de conjoints, celles des agents en situation de handicap (RQTH), celles des agents en grande précarité ou en situation de vulnérabilité. Cela fait beaucoup !

Si on ajoute à cela que pour les adjointes et les adjoints administratifs les postes publiés à la BIEP se font extrêmement rares, in fine le constat est terrible : les adjointes et les adjoints administratifs n’ont quasiment aucune perspective d’évolution professionnelle.

Sur les promotions maintenant, votre politique ne varie pas. Aucune information ne nous est parvenue non plus, pas un début d’explication sur la façon dont vont être attribués les maigres changements de grade et changements de corps. Nous savons par expérience que l’administration va sans nul doute, une fois encore, passer outre les critères de l’ancienneté, de l’âge et, pire encore, « oublier » les agents malades ou ayant eu des difficultés.

Dans le « monde d’avant » nous rêvions de taux de promotion favorables, d’un repyramidage de la filière administrative, d’un dégel du point d’indice, et d’une retraite qui ne soit pas le minimum vieillesse. Hélas, le réveil dans le « monde d’après » est douloureux.

Les difficultés sociales des personnels, les inégalités et n’ayons pas peur des mots, une forme de paupérisation persistent et progressent encore alors qu’elles sont pourtant clairement identifiées et que plus personne n’ose plus en contester la réalité.

Il nous appartient à partir de notre mandat d’élu de tirer le signal d’alarme : toutes les conditions sont objectivement réunies pour que la situation s’aggrave encore.

L’indigence des salaires et la pauvreté des débouchés et des déroulements de carrière ne sont plus à démontrer. Ils font des dégâts considérables qui pèsent sur la vie et la santé des agents. Mais ce tableau plutôt sombre serait incomplet si nous n’évoquions pas la perte du sens du travail éprouvée par beaucoup à l’heure du COVID-19 et du confinement avec une plus grande acuité.

Ainsi, dans ces circonstances tragiques, les agents ont reçu comme une gifle la confirmation d’une déconsidération de leur travail et le sentiment d’être tenus pour quantité négligeable. Ce qui est en jeu désormais et plus que jamais, c’est le sort de toute une filière, de ses missions, le devenir de métiers que vous avez par trop négligé. Vous devez ouvrir le dialogue avec les personnels sur ces questions d’avenir et leur offrir des perspectives professionnelles. C’est un enjeu de justice sociale, c’est aussi un enjeu de santé.

Or ce n’est pas en ayant recours au contrat de projet que nous condamnons ici de nouveau avec la plus grande fermeté et en fermant la vanne des concours que vous pourrez envisager de vous attaquer à cette tâche immense.

L’arrivée de Madame Bachelot-Narquin rue de Valois, le renouvellement du cabinet ministériel et les premiers changements opérés au sein de l’administration peuvent permettre, espérons-le tout de même, de restaurer le dialogue social et de rouvrir des chantiers laissés en jachère.

Le devenir de la filière administrative et tout particulièrement la situation des plus urgentes et préoccupantes des agents de catégorie C font partie de nos priorités revendicatives absolument incontournables. C’est ce que nous avons fait savoir sans attendre à la ministre et à sa directrice de cabinet ainsi qu’à sa conseillère sociale, et c’est ce que nous avons confirmé immédiatement aussi au secrétaire général fraîchement nommé.

Alors, Monsieur le président, au lieu d’entériner et d’accompagner sans ménagement au nom du SRH le délitement programmé d’une CAP dûment élue, loyale aux agents, fidèle à leurs droits et prête à travailler d’arrache-pied aux changements qu’ils attendent légitimement, allez-vous vous saisir de ce contexte nouveau pour infirmer votre politique et proposer une autre conception des ressources humaines et du dialogue social.

C’est toute la question qui vous est posée aujourd’hui par les élus CGT mais probablement aussi par l’ensemble de la parité syndicale ici présente.

                                               Vive la Culture et vive le ministère de la Culture

Paris, le 22 septembre 2020