Déclaration des représentants du personnel suite au boycott du Comité technique extraordinaire EP-M’OO du jeudi 11 octobre 2018 sur la délégation de pouvoir de gestion des personnels

CGT-FIP-CFTC

Madame la présidente de l’EP-musées d’Orsay-Orangerie,

Nous ne sommes pas adeptes des déclarations en instances, vos administrateurs
présidents de séance par délégation peuvent en témoigner. Nous préférons entrer
d’emblée dans le vif d’un débat nourri, dans l’argumentation opérationnelle, dans la
confrontation des idées, des propositions et des alternatives. Mais aujourd’hui, nous
constatons une fois de plus qu’il n’y a en vérité aucun espace pour des échanges
équilibrés et respectueux de toutes les parties.

Vous communiquez sur « l’intensité du dialogue social au M’OO ; il n’y a jamais eu autant
de réunions ». Nous vous disons : la quantité ne fait rien à l’affaire. Vous pouvez multiplier
les réunions, mais si c’est pour avoir un dialogue de sourds, ça ne sert à rien.
Pour nous, représentants du personnel, être entendus et pris en compte par vous, faire
bouger les lignes, est à peu près impossible. Vos décisions restent inflexibles. Au fond,
une seule voix compte : la vôtre. Même donner un avis est vu comme une fronde s’il n’est
pas conforme. De simples questionnements sont perçus comme des dissonances. Une
critique ? Nous voici d’emblée rejetés dans le camp des opposants.

Vous avez convoqué cette année, en plus des trois comités techniques ordinaires, quatre
comités techniques extraordinaires sur vos réformes : l’organigramme, les
vestiaires/consignes automatiques, les plannings et horaires de travail à l’Orangerie, et à
présent la délégation de pouvoir de gestion sur tous les personnels.
Vous exploitez le caractère purement consultatif (non contraignant) des instances dans la
fonction publique pour mettre en œuvre toutes vos décisions et réformes de fond,
présentées à une cadence soutenue et accélérée, avec des documents souvent sommaires
et peu circonstanciés. Que l’on vote pour, contre ou abstention, peu vous importe. La case
« dialogue social » est cochée dans les délais prescrits, donc : « On y va ».

Quelle place nous est accordée dans ce soi-disant dialogue quand nous est énoncée
toujours la même sempiternelle phrase ultra-verticale : « J’ai décidé » (point barre) :
1 – par un président-Jupiter
2 – puis par une ministre de la culture en CTM (comité technique ministériel)
3 – et par une présidente d’établissement, vous, Madame des Cars.

C’est le ruissellement… de la décision ! La place que vous nous accordez est celle de faire-
valoir et passe-plat pour ceux qui ont déjà tout « décidé ». Merci bien !

Nous pouvons discuter la journée entière, mais en conclusion, les mesures décidées par
vous seront mises en œuvre dans les semaines qui suivent (quand vous ne les avez pas
déjà annoncées aux personnels au préalable). Le tout sans en avoir modifié la moindre
virgule bien entendu, car « ce n’est pas envisageable » nous disent vos administrateurs.
Même lorsque les votes des représentants sont unanimement défavorables.

Sur le point à l’ordre du jour, la délégation de pouvoir de gestion des personnels, la
consultation de ce Comité technique EP-M’OO est purement formelle, et le résultat de nos
avis indifférent à vos yeux, puisque le calendrier d’examen en Conseil d’État et de
publication au Journal officiel est déjà fixé.
Nous sommes conviés prochainement à deux réunions intersyndicales de deux heures au
ministère de la culture pour discuter des « modalités d’accompagnement, sur lesquelles il
est important que l’on continue à vous apporter des éléments »… de compréhension ?
C’est-à-dire à nous entraîner dans une simple co-gestion des conséquences de décisions
unilatérales, pour valider des bricolages et des ajustements bancals corrigeant tant bien
que mal les effets trop pénalisants pour les personnels d’un transfert sans droit d’option.

Nous réaffirmons ici notre ferme opposition à cette délégation de pouvoir de gestion par
transfert, qui est la mesure-phare d’Action publique 2022 Culture et du rapport du Comité
action publique 22 pour la Culture. Nous savons pourquoi et dans quel but c’est là
l’étendard de la réforme de l’État pour le secteur du patrimoine et des musées ; il suffit
d’y lire ce qui est écrit en toutes lettres, de façon très explicite.
De notre point de vue, ce n’est pas bon signe pour les personnels, car s’il y aura quelques
gagnants, cela implique qu’il y aura aussi beaucoup de perdants.

Nous donnerons ici un seul exemple des nombreux motifs de notre avis défavorable ; il
illustre ce qui vient d’être dit :
renforcer encore les pouvoirs et marges de manœuvre – déjà assez étendus – des
présidents d’établissements publics sur la gestion de tous les personnels, c’est renforcer
leurs marges de manœuvre sur le management. « Lever les obstacles et les rigidités »,
obtenir davantage de « souplesse et flexibilité », c’est permettre aux directions des
musées établissements publics de déroger un peu plus encore aux règles communes de la
Fonction publique, restreindre les droits et les garanties attachés aux agents publics selon
des procédures normées et transparentes fondées sur les principes de l’équité de
traitement et de l’égalité de gestion, du droit à la mobilité professionnelle choisie (loi
2009), etc. C’est octroyer un panel élargi de prérogatives sans garde-fou efficient.

Prendre la main sur la gestion complète de la rémunération et de la carrière des titulaires
et des contractuels, du régime indemnitaire, des recrutements « choisis », des sanctions
disciplinaires et nombreux autres actes courants individuels, c’est une « prise de guerre »
par une caste : la concentration des pouvoirs est très souvent le prélude à la privatisation
du pouvoir, à l’autocratie, avec toutes ses possibles dérives, dont les exemples abondent.

Concentrer des pouvoirs encore plus étendus dans les mains des président.e.s
d’établissements comporte des risques : l’établissement entier lie son sort à celui de son
président, sans véritable régulation de sa gouvernance. Or, il n’est jamais bon pour le
fonctionnement harmonieux d’une collectivité de travail que les contre-pouvoirs et
contrepoids soient déconsidérés et marginalisés de fait par ceux qui détiennent l’autorité.

Paris, 11 octobre 2018