Déclaration CGT-Culture à l’occasion du rassemblement CGT FSU UNSA aux Colonnes de Buren le jeudi 8 juin à 12h

Chers collègues ; chers camarades,

Les organisations syndicales CGT FSU et UNSA du ministère de la culture ont donc voulu rassembler aujourd’hui les personnels, les militants, les luttes, les espoirs mais surtout notre détermination à agir ensemble pour le bien commun, l’intérêt général, la justice sociale, le service public de la culture et donc pour la population dans toute sa diversité.

Pas besoin de rappeler pendant des heures que notre ministère connaît des moments difficiles, quelques minutes suffiront :

1°) ► L’absence de politique ministérielle de reconnaissance du travail et des missions des personnels laisse la part belle aux disparités et aux inégalités entre les femmes et les hommes et entre les différents corps statutaires des titulaires.

Notre ministère n’a pas fait les réformes sociales qu’il devait faire. Même si le concept « On lâche rien » aura permis de faire reculer la précarité de l’emploi pour les contractuels, celle des salaires et des carrières, mais certes insuffisamment. Mais nous restons un ministère pauvre et mal doté à comparer avec d’autres départements ministériels. A titre d’exemple, quid de l’ouverture de la négociation pour les taux de promotion pour 2018-2020 ?

Audrey Azoulay n’a rien ouvert du temps où elle était là ; et que va faire Françoise Nyssen ?

Et maintenant c’est l’action sociale qui est attaquée par la face nord par le biais de l’assujettissement aux cotisations et la fiscalisation. Une fois de plus ce sont une grande majorité de femmes qui boivent la tasse et qui paient cash ce changement de régime. Pour nous, l’action sociale doit rester une aide et non une difficulté et tous les personnels du Ministère doivent en bénéficier de manière équitable.

Mais le gros du problème se situe ailleurs : le sort réservé aux fonctionnaires dans notre pays, cible toute trouvée, salaires et carrières gelés ; c’est une forme de smicardisation de la fonction publique que nous vivons.

Une situation qui nécessite de ne pas se couper des combats menés au plan national, avec l’union fédérale des Syndicats de l’État CGT, par les agents de la Fonction publique, ensemble pour une augmentation générale des traitements dès 2017 et qui doit principalement passer par la revalorisation de la valeur du point d’indice.

Là encore, le maintien des rémunérations au moment de la titularisation pour les Sauvadet est une mesure juste que nous revendiquons. Faudra-t-il encore longtemps rappeler à la ministre que ce sont les femmes qui sont majoritairement touchées par cette mesure inique de l’administration ?

2) ► Près de 2700 suppressions d’emploi depuis dix ans ont détérioré les conditions de travail, augmenté le sous-effectif et pour tout dire précariser un peu plus les personnels. Cela a entraîné une dévalorisation des missions et in fine du travail lui-même. Les nouvelles suppressions d’emploi annoncées dans la Fonction publique de l’État sont un non-sens politique. Il n’y a pas de service public de la Culture sans professionnels justement reconnus dans leurs missions en tout point du territoire ; cela n’existe pas et encore moins à l’heure du numérique !

Ce qui existe en revanche est notre revendication de porter l’amélioration des conditions de travail et hors travail par une réduction du temps de travail à 32 heures hebdomadaires pour mieux répartir l’emploi entre les travailleurs, pour résorber la précarité et mieux concilier la vie professionnelle et privée.

Mieux prévenir et réparer les pénibilités est aussi essentiel pour les personnels du ministère. Être bien dans son travail c’est la garantie de mieux servir le service public et les usagers.

3) ► Les réformes administratives qui ont consisté à réduire le nombre de DRAC sur le territoire à treize éloignent un peu plus les usagers de nos services publics alors que le ministère doit accompagner les collectivités et être présent sur l’ensemble du territoire métropolitain mais aussi des Outre-Mers.

Le ministère doit porter l’exigence de connaître parfaitement la diversité des populations dans la société pour ne pas être hors-sol mais être au service de la satisfaction des droits et besoins fondamentaux et d’une autre logique de développement articulant reconquête des activités industrielles, transition écologique et émancipation des individus dans le respect de leur diversité.

4) ► La baisse puis l’augmentation – le yo-yo – des crédits budgétaires ne doit pas faire oublier non plus la mauvaise santé budgétaire du ministère et de ses établissements, la course folle aux ressources propres et aux dépenses fiscales et in fine à la privatisation des espaces publics des musées, des monuments, des écoles, des conservatoires et des bibliothèques.

Ainsi depuis de nombreuses années, la place et le rôle publics du ministère de la culture ont été réduits.

Et que propose le programme Macron ? Réduire de près de soixante milliards d’euros la dépense publique en cinq ans, pour une fois de plus mieux répondre aux exigences du capital et du Medef.

Les crédits de l’État seraient diminués de vingt-cinq milliards d’euros, celles des collectivités de dix, celles de l’assurance maladie de quinze et celles de l’assurance chômage de dix alors que les dépenses fiscales n’ont jamais été aussi importantes avec près de quatre vingt-dix milliards d’euros par an.

Et parmi ces exonérations fiscales, beaucoup bénéficient aux patrons et actionnaires des entreprises et ceci sans aucune compensation d’intérêt général d’ordre économique ou d’emplois créés. Ces milliards de manque à gagner fiscal – ce sont des exonérations – sont autant d’impôts en moins à payer pour les patrons et les actionnaires. Leurs dividendes ne s’en portent que mieux et l’ensemble au détriment du développement équilibré des entreprises et des territoires. Et aussi au détriment des ressources du service public puisque cela fait moins d’impôt récolté.

Notre ministère est dans la même nasse évidemment et pour survivre, il recourt aux ressources propres et au moins disant social. Il faudra beaucoup de force à notre ministre pour sortir le ministère d’une telle spirale de dumping. Mais si elle en a la volonté, nous la soutiendrons dans son effort et serons force de proposition !

5) ► Un ministère qui a largement fait les frais de la valse des ministres (trois) et des cabinets (quatre). Un ministère qui faute de cap et de vision à moyen et long terme s’enferme dans l’événementiel et les flux de la communication et ne prend donc pas sa place dans la société. Alors que nous savons que la culture peut être l’une des réponses majeures à la crise que connaît notre pays, crise économique certes mais aussi crise culturelle : quel est l’avenir et quel est le sens de ces choix politiques ?

Le défi qui attend le ministère n’est pas mince. Nous l’avons maintes fois écrit : le ministère doit faire sa révolution et prendre à bras-le-corps la question des inégalités culturelles. Si les questions du droit d’accès à la culture, des droits culturels et de l’essor d’une démocratie culturelle ne sont pas reposées maintenant, elles ne le seront jamais !

La reconnaissance de chacun dans ses droits culturels est le fondement de toute démocratie culturelle. Mais nous ne saurions passer sous silence les droits sociaux !

Et faute de projet d’avenir le ministère se fragilise et s’expose au dumping social. Notre modèle qui est un modèle de service public est attaqué.

Il y a bien une économie de la culture : une économie subventionnée, de l’action publique et de l’intérêt général, économie aux équilibres fragiles ; une économie au sein de laquelle le modèle économique des établissements est directement attaqué par le marché qui lui profite de toutes les politiques d’exonérations fiscales et tire vers le bas les garanties collectives. (dumping, uberisation, culture low cost).

Les archéologues en savent quelque chose mais leur proposition de construire un pôle public de l’archéologie est une occasion à saisir pour la ministre.

Idem pour les collègues des musées avec la pratique répandue du sponsoring et quand on sait que le ministère et ses établissements s’embarrassent assez peu des règles déontologiques liées au mécénat et de toutes mesures de prévention de conflits d’intérêts, la ministre a du pain sur la planche pour redonner au service public de la culture sa raison publique.

La fragilisation du ministère et le décrochage de ses politiques publiques ne sont pas étrangers aux difficultés sociales de ses agents. Au contraire elles les provoquent et les accélèrent. A titre d’exemple, le ministère doit être en capacité de relever les défis du développement du tourisme culturel tout en assurant des garanties collectives aux guides conférenciers qui vivent des situations de travail très dégradées au risque de l’uberisation de la profession.

6) ► la spéculation immobilière touche de plein fouet notre ministère et de la manière la plus brutale : déménagement des Drac, projet d’amputation du site des Archives, projet de vente de l’immeuble Pyramides au profit de la spéculation immobilière et à ceux qui l’entretiennent.

Notre proposition est simple et tout le monde la connaît ; il s’agit d’un pôle II du ministère de la culture à Paris qui regrouperait services d’administrations et d’établissements éparpillés dans Paris. Cette proposition doit être expertisée sérieusement.

Parallèlement, une solution de relogement pour la DGCA doit être trouvée,

la garantie des Archives à trente ans assurée

et Pyramides au Ministère, resté !

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Nous ne sommes pas venus dire à la ministre que nous la condamnons a priori, sans savoir encore ce qu’elle veut faire et là où elle va. Nous sommes venus lui dire que, comme le gouvernement, elle ne saurait bénéficier d’aucun état de grâce.

Comme le gouvernement, la ministre n’a pas le droit à l’erreur. Les enjeux sont énormes. Notre pays est en état d’urgence sociale et en état d’urgence culturelle. Les risques de dislocation sont réels si la brutalité des politiques d’austérité perdurent et si les politiques publiques ne rassemblent pas une ambition collective et partagée.

La ministre doit comprendre qu’elle n’aura pas les solutions toute seule. Elle a un passage obligé : celui du dialogue et du débat, du respect des personnels de leurs attentes et revendications. C’est cela que nous sommes venus exprimer devant le ministère ce jeudi. La responsabilité du gouvernement est immense.

La nôtre c’est de nous battre vaillamment et intelligemment et d’être unis, mieux encore que nous le sommes aujourd’hui.

Nous sommes dans un ministère qui a souffert mais qui résiste et qui s’accroche grâce à vous, à ses solidarités et à son engagement collectif. Notre force est là.

La seule chose qui les fera reculer est la confiance que nous nous portons pour continuer à construire ensemble, un service public de la culture au service de tous et de l’intérêt général, au service des droits culturels de la population dans toute sa diversité et au service d’un ministère de la culture qui garantisse à ses personnels une meilleure reconnaissance de leur travail et une plus grande justice sociale.

Paris, le 8 juin 2017