« Décentralisation » des Monuments Historiques : La proposition de loi Férat aux oubliettes ?

Le 13 février dernier, une nouvelle proposition de loi relative au patrimoine monumental a été déposée au Sénat par Françoise Férat et Jacques Legendre ; ceux-là même qui, il y a un peu plus d’un an, avaient travaillé à cette même proposition de loi visant à transférer les monuments au collectivités locales (communes, départements, régions).

La CGT reçue au Ministère de la Culture

Après avoir rencontrer Philippe Bélaval – Président du CMN – qui semblait peu favorable à de nouveaux transferts de monuments, nous avons été reçus lundi 15 avril par les représentants de la Ministre. En premier lieu nous leur avons demandé quelle sera la position du Gouvernement sur ce texte présenté par l’opposition parlementaire. D’autant qu’en marge des questions de transfert, plusieurs dispositions en faveur de la sauvegarde des monuments historiques ou de leurs collections, avaient été introduites, notamment sous forme d’amendements. Enfin, si cette proposition de loi venait à être abandonnée, il reste malgré tout de fortes interrogations sur les transferts de monuments dont la possibilité de transfert ne semble malheureusement remise en cause.

Quelle sera la position du Gouvernement et du Ministère ?

Elle sera déterminée par Matignon, néanmoins nous avons bien senti que la proposition de loi Férat « nouvelle version » ne verrait pas forcement le jour. Le Gouvernement préférant garder la main sur les dispositions touchant de près ou de loin au patrimoine. Ainsi, au lieu de multiplier les lois et règlements, le Ministère préférera élaborer son propre texte regroupant une série de dispositions relatives au patrimoine afin, nous dit-on, d’avoir une vision cohérente et globale de la politique de l’État . Pour le Ministère, il est donc préférable de tout miser sur la future « loi Patrimoine » dont les contours demeurent à ce jour incertains. Le Conseiller Social de la Ministre s’est cependant engagé à nous présenter le projet de texte dès lors qu’il sera finalisé et avant de le déposer au Parlement.

Des dispositions favorables reprises dans la future loi Patrimoine

Article 1 : Cet article introduit dans le code du patrimoine la notion de patrimoine mondial. Ainsi, les prescriptions de l’UNESCO en matière de conservation des sites et de protection des abords des monuments historiques devront être pris en compte dans les documents d’urbanisme. Cet article est une véritable avancée, car jusqu’à présent, la notion de Patrimoine mondial n’existait pas dans le droit français.

Article 4 : Cet article renforce la protection dont bénéficient les objets mobiliers ainsi que les collections présentes dans les monuments. Il impose un certain nombre d’obligations sur la conservation des objets et l’intégrité des collections afin d’éviter leur démantèlement.

Article 5 : Il s’agit d’une nouveauté introduite dans la nouvelle version de la proposition de loi Férat. Cet article propose d’incorporer au domaine national les parcelles ayant anciennement appartenu à la Couronne, dès la fin de leur affectation. Cet article vise à renforcer la protection des abords des domaines nationaux appartenant à l’État afin d’éviter les tentatives de démembrement comme cela a pu être le cas par exemple à Saint-Cloud ou encore à Versailles.

Article 6 : Cet article inscrit dans le code du Patrimoine la notion de péréquation des moyens du CMN. Cela se traduit dans le texte par : « le Centre des Monuments Nationaux assure une juste répartition de ses moyens de fonctionnement ». Si cet article est une avancée certaine, il reste malgré tout insuffisant à assurer l’avenir de notre établissement. En effet, la péréquation ne garantit en rien le maintien du périmètre actuel et n’empêchera pas les transferts de monuments du moment ou l’équilibre financier du CMN n’est pas remis en cause. En outre, s’il est bien prévu de fixer la liste des monuments sous la responsabilité du CMN par un décret en Conseil d’État, rien ne garantit que le périmètre actuel soit préservé. En outre, contrairement à une loi, un décret peut être modifié à tout moment.

Ces quatre articles présents dans la proposition de loi Férat, bien qu’insuffisants sur plusieurs aspects, constituent tout de même des avancées non négligeables en faveur de la protection des monuments historiques. Le Ministère de la Culture s’est montré favorable à les introduire dans la future loi Patrimoine.

La question des transferts des monuments toujours pas réglée

Lorsque nous avons interrogé les représentants du Ministère sur la question des transferts, les réponses ont été pour le moins floue et imprécises. Si les transferts de monuments aux collectivités ne semble plus vraiment d’actualités dans les faits, rien n’est exclu. Le Conseiller Patrimoine a cependant évoqué la possibilité d’élaboration d’une liste des monuments devant rester dans le giron de l’État et donc non-transférables. Nous retombons ici dans l’idée de « listes » posant le problème essentiel de leur élaboration et des critères retenus. Il semblerait que le Ministère reprenne en partie les travaux de la commission Rémont (précédente décentralisation de 2004) mais sans développer d’avantage. Enfin, sachant que seul 1% des bâtiments classés ou inscrits appartiennent à l’État dont un peu plus de 1.700 affectés au Ministère de la Culture et moins d’une centaine gérés par le CMN, pourquoi vouloir à tout prix transférer les monuments si ce n’est dans une optique de désengagement de l’État ? Le danger d’un démantèlement du patrimoine monumental et du CMN reste donc bien d’actualité.

Le SNMH-CGT revendique

A l’heure actuelle, il n’existe aucun régime particulier pour les monuments historiques qui sont régis comme n’importe quel bien immobilier appartenant à l’État. A ce titre ils peuvent donc à tout moment être déclassés du domaine public et vendus, d’autant que, contrairement aux « Trésors Nationaux » (collections des musées nationaux), les monuments ne sont pas inaliénables. Au-delà de la proposition de loi Férat, il existe donc un risque majeur pour le patrimoine monumental surtout dans le contexte actuel lié à la politique immobilière de l’État qui vise essentiellement à vendre les biens de l’État. Certains sites classés monuments historiques en ont fait les frais (logis Saint-Pierre au Mont-Saint-Michel ou Hôtel de la Marine à Paris). Il est donc primordial que les Monuments Historiques puissent pouvoir prétendre à un « statut particulier » qui les protègerait, non seulement du point de vue architectural mais aussi du point de vue juridique. Enfin, la meilleure garantie pour la sauvegarde du patrimoine monumental est qu’il devienne inaliénable. C’est ce que le Ministère de la Culture doit porter !


Pour l’inaliénabilité des Monuments Historiques,
contre le démembrement du patrimoine monumental
et pour le maintient de l’intégrité du CMN !

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