Le jeudi 29 novembre les représentants élus CGT des personnels, venus pour siéger au Comité Technique de l’Établissement Public du Château de Fontainebleau programmé ce jour, se sont vu signifier subitement par la Direction que ce dernier était en définitive annulé. Était prévu à l’ordre du jour du CT, l’examen « en seconde lecture » du marché d’externalisation de la surveillance à renouveler, suite au vote contre de la CGT sur le même point une semaine plus tôt, entraînant la re-convocation de l’instance (CT du 20 novembre 2018). En lieu et place l’administration nous conviait alors à une réunion d’information en présence du service juridique de l’établissement.

Pourquoi cette annulation brutale, alors que l’administration était pressée de recueillir le « second » avis … contre – cela va de soi – de la CGT pour ensuite publier dans la foulée le marché d’appel d’offre ?

Le 22 novembre la DIRECCTE d’Ile de France (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) conduisait au château de Fontainebleau, avec l’assistance de la Police nationale, une enquête approfondie de contrôle des activités de l’entreprise ASGC, actuel prestataire de surveillance dont le marché arrive bientôt à son terme. Les faits mis en évidence sont graves, et portent principalement sur deux aspects :

l’irrégularité des situations de certains agents (pièces d’identités et cartes professionnelles ne correspondants pas à certains des agents employés) ;

le recours à de la sous traitance non autorisée.

Les faits, reconnus par le prestataire, ont eu pour conséquence première de compromettre l’ouverture au public du château le lendemain vendredi 23 novembre, le prestataire n’étant pas en capacité de mettre à disposition un nombre suffisant d’agents « en règle » et nécessaires à la surveillance des divers espaces, créant par là même une situation de désordre. Les jours suivants le prestataire n’a eu d’autres recours que d’établir dans une extrême urgence des contrats de courte durée (maxi 12 heures) à certains des salariés pour répondre aux besoins du château.

Devant la gravité des faits, le château de Fontainebleau décidait :

– de procéder à un dépôt de plainte au commissariat de Fontainebleau à l’encontre du prestataire ASGC ;

– la mise en demeure de l’entreprise de se mettre en conformité sous deux mois, en vue d’une résiliation du marché ;

– la suppression de l’avenant qui devait couvrir la période de février à mars ;

– de suspendre les démarches en cours destinées à publier un nouveau marché qui aurait dû prendre effet le 01 avril 2019 ;

– de faire appel en urgence à une société de « substitution » jusqu’au mois de juin 2019 (la Direction s’engage à favoriser la reprise des personnels du prestataire actuel en règle, par l’entreprise à désigner) ;

– de solliciter le ministère pour l’octroi de contrats saisonniers CDD en renfort des personnels agents publics.

A la lumière de cet épisode fâcheux, qui jette incontestablement une ombre sur le sérieux des sociétés privées de ce secteur d’activités, et à huit jours de distance, le discours plein de certitudes de l’administration sur le marché rédigé qu’elle nous présentait alors au CT, a perdu de façon spectaculaire de sa superbe. L’arrêt du processus en cours pour se donner les moyens de « revoir la copie » et avoir une analyse juridique plus approfondie pour se prémunir contre pareille dérive sonne presque comme un aveu. L’EPCF est prisonnier d’un modèle qu’il ne peut totalement maîtriser ; s’agissant d’un domaine aussi sensible que celui de la sécurité et de la protection des biens et des personnes cela ne peut que nous questionner gravement.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cet épisode :

– les voies de l’externalisation, empruntées depuis 2011 au château de Fontainebleau, sont bien loin du modèle idéal paré de toutes les vertus (souplesse, facilité de gestion, référence des entreprises…) que le ministère souhaite développer pour ses établissements, et font au contraire peser un risque permanent de perte de maîtrise et de contrôle des activités exercées ;

– l’entreprise a abusé le donneur d’ordre (le château) qui peut légitimement s’estimer victime en la circonstance, et qui subit là un préjudice moral et d’image, voire financier. Cependant les conditions même de grande flexibilité, qui sont la marque de ce type de marché, exigées par l’établissement public pour répondre et s’adapter en permanence aux besoins de celui-ci, peuvent facilement amener des employeurs peu scrupuleux à enfreindre les règles ;

– les salariés des entreprises de sécurité sont généralement les premières victimes des agissements de leurs employeurs, où la précarité des contrats, les conditions de travail peu respectueuses des droits des salariés ainsi que des conditions salariales difficiles sont bien souvent de mise.

La CGT-Culture et vos représentants des personnels ne peuvent qu’être confortés dans leur opposition constante à l’externalisation des missions d’accueil et de surveillance, alors qu’existe un corps de fonctionnaires pour les exercer. Et les pistes de réformes envisagées pour la filière accueil et surveillance contenues dans le document intitulé  « contribution ministérielle aux travaux du CAP 2022 », qui s’inscrit dans le vaste programme de réforme gouvernementale Action Publique 2022 ne peuvent que nous alarmer. La recherche effrénée de réduction des coûts et de suppression des emplois comme seul viatique et comme seule obsession confine à l’absurde, tant les externalisations se révèlent souvent ruineuses, et de surcroît abîment en profondeur les missions de service public et le service rendu aux populations.

  Paris, le 05 décembre 2018

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