Comptes-rendus des entrevues des 02 et 04 Mai 2006

Section CGT-Culture de FONTAINEBLEAU
Aux personnels du S.C.N. de Fontainebleau,

Comptes-rendus des entrevues des 02 et 04 Mai 2006

Les 02 et 04 Mai 2006, la section C.G.T. Culture de Fontainebleau, ainsi qu’elle en avait pris l’engagement le 09 Mars lors de l’assemblée générale des personnels, a rencontré à Paris successivement la Direction de l’Architecture et du Patrimoine puis la Direction des Musées de France.
Une forte délégation de personnels du S.C.N. participait à ces réunions, centrées sur des problématiques qui agitent notre site : d’une part, une grande incertitude liée au devenir du service des jardins, contraint à se résoudre à une externalisation partielle de ses missions, ainsi que le fonctionnement chaotique du service d’accueil et de surveillance du Domaine plombé par un sous-effectif persistant, et d’autre part, un projet d’externalisation des tâches de ménage du service d’accueil et de surveillance du Musée, qui conduirait à réaménager très sensiblement l’organisation de travail.

Entrevue DAPA/CGT Culture du 02 Mai 2006.

( Nicolas Monquaut Secrétaire Général de la CGT Culture conduisait notre délégation )

D’emblée, Monsieur Manuel Bamberger, Secrétaire Général de la DAPA a indiqué souhaiter organiser d’autres réunions pour mieux cerner les problèmes posés.

Service des jardins :

Notre délégation a dressé le très amer et très alarmant constat des très grandes difficultés dans lesquelles se débat le service pour assurer ses missions, tant les effectifs actuels sont en totale inadéquation avec les besoins. Ainsi 14 agents ( 12 M.O. et O.P. et 2 encadrants ) ont en charge la mise en valeur du patrimoine végétal (dont une unité de production de fleurs) réparti sur 130 hectares, là où 18 à 20 personnes ont longtemps constitué le seuil d’équilibre du service, de surcroît renforcé à une époque par des apprentis.

Ainsi, la non prise en compte par l’administration des indispensables créations de postes pour accompagner la mise en place de l’ARTT en 2001(13 jours /agent), combiné aux postes demeurés vacants (décés-mutation-retraite) a contribué à accentuer la déstabilisation du service, remettant en cause la poursuite pleine et entière de l’exécution de ses missions. S’ajoutent une inquiétante élévation de la moyenne d’âge des personnels faute de recrutement, et des problèmes de santé récurrents qui restreignent l’activité de certains agents. Dans ce contexte, le recentrage des activités opéré ces dernières années, prépondérance des jardins sur le parc, un recours plus soutenu à la mécanisation, des travaux d’entretien à la périodicité plus espacée ainsi que les efforts consentis par tous, ne peuvent endiguer l’érosion du service, acculé à parer au plus pressé, tout en ne permettant pas une réflexion approfondie sur la régénération des essences.

Pourtant, une étude sur les services jardiniers menée en 2001 par S. Vandewalle pour le compte de la DAPA, pointait déjà les carences du service, et estimait à 19 le nombre de postes nécessaires pour assurer l’entretien des seuls cours et jardins, à l’exception du Parc, et hors encadrement, activité fleuriste et atelier ! Dès lors, le recours subis à une externalisation de certaines missions (étaient envisagées : tontes et/ou désherbage-traitement et/ou ramassage des feuilles) sans abondement de crédits de la tutelle, obligeant à ponctionner tout ou partie le budget du service, est vécu comme un crève-cœur par les personnels, au savoir-faire éprouvé, légitimement soucieux de leurs prérogatives et scrupuleux quant au maintien de leur champ de compétence, et illustre le désengagement de la DAPA pour les métiers d’art, maintenus dans l’impossibilité de transmettre leur savoir.

Et de constater avec une ironie mordante, la floraison des manifestations autour du thème des jardins historiques, orchestrées à grand renfort de médias par le Ministère, quand dans la coulisse on semble s’évertuer, par inaction, à sceller un sort funeste à ceux qui ont contribué, avec passion et dévouement, à sauvegarder et enrichir les fleurons d’un Patrimoine végétal prestigieux unique.

Pour la C.G.T. Culture tout indique la mise en extinction délibérée d’un corps de métier réputé, héritier des jardiniers du Roy, par une incurie en matière de gestion prévisionnelle des effectifs : non programmations répétées de concours, mise en grand péril des postes vacants (actions conjuguées de la LOLF et des suppressions de postes de fonctionnaires), transferts d’activités rampants….

L’administration admet une baisse des effectifs composant le corps des jardiniers d’art : fort de 369 agents en 1985 il n’est plus constitué en 2005 que par 240 agents ! Où l’on apprend au passage que certains sites sont « sanctuarisés », ce qui traduit en bon français signifie que des sites (ex : les Tuileries, 18 jardiniers pour 26 hectares) font l’objet de la part du Ministère d’une attention toute particulière pour préserver leurs effectifs. Se fondant sur notre état des lieux, sans équivoque sur le degré d’asphyxie du service jardinier de Fontainebleau et le désarroi des personnels, la DAPA entend mener dans les meilleurs délais, en concertation avec les organisations syndicales, un diagnostic précis des difficultés rencontrées dans l’ensemble des Domaines et Palais nationaux. (Où vérifier que le tableau des effectifs de la DAPA coïncide bien avec le nombre de personnels réellement en poste sur un site considéré – Fontainebleau – peut révéler d’inattendues surprises).

Service d’accueil et de surveillance du Domaine :

A nos interlocuteurs nous avons indiqué :

L’effectif de 18 agents (14 au service de jour et 4 au service de nuit) est très notoirement insuffisant pour répondre aux nécessités du service et remplir les missions de services publics qui lui incombe : ouverture intégrale des cours et jardins et présence régulière dans le Parc (80 ha) tous les jours de l’année, ainsi que la tenue d’un poste de contrôle et de sécurité 24h sur 24.Dans ce contexte, le service est acculé à gérer la pénurie de personnels et à organiser une ouverture modulée des espaces, qui pour autant ne garantissent nullement le respect des règles fixant l’effectif minimum requis en présence du public définies dans son règlement intérieur, tout en fragilisant le dispositif de mise en œuvre des consignes de sécurité. Un tel état de fait est pour les agents fortement perturbant et démobilisateur, et génère inéluctablement des tensions et des dysfonctionnements. C’est une situation de quasi cessation d’activité ou de semi paralysie, qui plane sur le service si rien n’est entrepris très rapidement, compte tenu des prochains mouvements de personnels.

De plus l’intégration des personnels de surveillance DAPA au sein de la DMF, souhaitée par la Direction du S.C.N. qui l’a annoncée comme acquise, suscite de légitimes interrogations de la part des agents, inquiets des réorganisations qui s’ensuivraient et de peut-être se voir assigner, contre leur gré, des missions d’une toute autre nature. Nous estimons que le fait d’exercer les missions d’accueil et de surveillance au service du patrimoine végétal et monumental n’est jamais fortuit et correspond très souvent à un choix délibéré et à un goût affirmé pour le travail en extérieur. En outre, les personnels déplorent amèrement de ne jamais rencontrer sur le site de représentants de leur tutelle, insoucieuse de leur sort, ce qui les conforte dans le sentiment que leur « filière » est laissée en déshérence.

L’administration avoue disposer, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, de marges de manœuvres extrêmement réduites pour pallier aux sous-effectifs, et a engagé des mesures de redéploiements et de rééquilibrages au sein de ses services : à savoir diminuer les effectifs présents en administration centrale au profit des services déconcentrés, dont les effets visibles demandent du temps.
Au sujet du rattachement à la DMF, la DAPA dément formellement avoir déjà statué sur la question. L’ensemble des Musées Châteaux de même configuration, ou coexistent deux services de surveillance distincts, fait actuellement l’objet d’une réflexion pour étudier l’intérêt de rapprochements, que l’entrée en vigueur de la LOLF, où les budgets DMF et DAPA sont désormais regroupés sous un même programme (Patrimoine), et la mise en œuvre du système de gestion informatisée des personnels rhapsodie, rendent plus facilement envisageables. La DAPA formulera sa décision à l’automne prochain mais indique qu’en toute hypothèse les personnels ne sauraient être l’objet de changements d’ « affectations » arbitraires.

Entrevue DMF/CGT Culture du 04 Mai 2006.

( Virginie Soyer Secrétaire Nationale de la CGT Culture participait à cette réunion )

Service d’accueil et de surveillance du Musée :

En réponse à une demande de la D.M.F., la direction du S.C.N. a dû évaluer le coût qu’engendrerait une externalisation des tâches de ménage confiées à une société prestataire. Parallèlement, une réflexion s’est amorcée au sein du service d’accueil et de surveillance du Musée pour ébaucher des schémas de réorganisation des rythmes de travail, incluant notamment les volumes d’heures dégagées par les services dès lors non faits par les agents les mardis et en débuts de service. L’émoi suscité par ces possibles changements nous a convaincu de provoquer une réunion, pour fixer les enjeux et faire valoir le point de vue des personnels, avant toute décision unilatérale et précipitée.
Ainsi, sans être des partisans acharnés de l’exécution des tâches de ménage comme source suprême d’épanouissement, nous contestons le bien fondé de ce projet qui peine à démontrer sa pertinence.
Nous avons clairement réaffirmé qu’en l’état, ce projet n’avait pas l’assentiment des personnels, très majoritairement disposés à poursuivre cette mission, et ne reposait pas sur une insatisfaction de la direction du S.C.N. quant à la qualité de la prestation fournie par les personnels. Dès lors, le service rendu par les agents ne saurait être aussi brutalement déconsidéré, alors que l’administration a su régulièrement leur signifier que ces tâches étaient parties intégrantes des missions de leur corps, et subitement sacrifié sur l’autel d’une rationalisation de leur temps de travail décrétée incontournable. Et soyons clairs, l’indemnité pour travaux salissants versée à cet effet est si indigente (31,20 euros par an !!!), qu’elle ne saurait évidemment être un enjeu. Nous considérons que l’accomplissement de l’entretien courant des espaces, le mardi principalement, permet aux personnels de mieux s’approprier leur lieu de travail, complexe et difficile à appréhender dans sa globalité, par la connaissance approfondie des espaces, qu’ils soient muséographiques ou non, favorisant ainsi la mise en œuvre des consignes de sécurité. Au surplus, les personnels peuvent suivre plus facilement, ce jour là, des actions ponctuelles de formation sur le site, sans incidences sur les plannings, avec des rapports de plus grande proximité avec les personnels scientifiques. Alors que déjà s’exprime très ouvertement une insatisfaction profonde pour la surveillance dite postée telle que pratiquée, jugée rébarbative, accroître sensiblement la «charge» quotidienne de travail des agents, par un empilement d’heures non valorisées, exposerait à créer des contraintes difficilement supportables par les personnels. Le mardi offre ainsi, pour une très grande majorité d’agents, un temps de travail différencié apprécié qu’on assimilerait à tort à un relâchement.

De plus, nous considérons que l’augmentation de la fréquentation ne serait pas mécaniquement garantie par l’accroissement du taux d’ouverture du Musée au public, qu’implique l’abandon des tâches de ménage. En effet, par le passé, les personnels ont su consentir des efforts pour s’adapter aux modifications de l’amplitude d’ouverture du Musée voulues par la Direction du S.C.N.(ouverture en continu pendant la pause méridienne toute l’année, allongement de la plage d’ouverture en période estivale), sans réel bénéfice sur la fréquentation. La reconquête des publics ne se décrète pas, mais suppose une réflexion globale fixant avec précision les mesures à engager et à financer ; ainsi quel intérêt de modifier l’amplitude d’ouverture du Musée si on demeure dans l’incapacité, d’une part de mettre en place une politique de communication opérante pour susciter l’envie et drainer des nouveaux publics, dûment identifiés, et d’autre part d’offrir des infrastructures d’accueil adaptées ? Au reste, un transfert d’activité soulèverait de multiples problèmes pratiques : par exemple quid des conditions de mise en place d’une équipe d’agents chargés du contrôle du prestataire, ce qui pondèrerait le gain total du volume d’heures récupérées ? De même quid de la prise en charge de l’entretien des nombreuses zones situées en périphérie des zones fréquentées par les visiteurs, où sont exposées les collections : mobiliers, tapis, tableaux, tapisseries…pour lesquelles l’intervention du prestataire n’est pas souhaitée par le S.C.N. ? En somme, il suffirait de persuader les personnels de la soudaine nécessité de les dessaisir de toute activité dans une fraction des espaces, pour mieux les convaincre de la nécessité de les voir s’acquitter de la fraction complémentaire. A voir ! (Attardons nous quelques instants sur un cas pratique : Imaginez une série d’espaces définis, plus ou moins homogènes ; divisez chacun d’entre eux, selon des modalités de découpage préétablies, en deux parties de tailles et de proportions variables, sans oublier les sous-parties, mais ne compliquons pas notre exercice. Attribuez alors la responsabilité de chaque secteur ainsi délimité à deux entités distinctes:l’un à des personnels de droit privé, l’autre à des personnels de « droit public », ces derniers investis du pouvoir de contrôle sur les premiers cités. Confiez leurs des tâches analogues, et maintenant organisez-vous pour les faire travailler de concert, et gare à ne pas empiéter sur le territoire concurrent, la fusion n’est pas prévue par les règles. Vous obtenez là, la co-activité dans sa version la plus aboutie. Après la rationalisation des effectifs, puis celle du temps de travail voici qu’adviendrait le temps de la rationalisation des surfaces).

Pour l’ensemble de ces raisons, la section C.G.T. Culture de Fontainebleau n’est absolument pas convaincue de l’opportunité d’une telle mesure, dont rien n’indique qu’elle se justifie économiquement ni même fonctionnellement, et qui en outre assurerait la promotion du travail précaire. Car enfin, pour celui qui n’est pas pénétré de la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances, qui prévoit de passer d’une logique de moyens à une logique d’objectifs avec une notion de performance) il est bien difficile de ne pas être déconcerté par l’attitude de l’administration, qui prône avec insistance des mesures d’économies générales et impose des restrictions budgétaires sévères à l’ensemble de ses services, et serait néanmoins prête à financer, pour un coût conséquent, une prestation que les personnels exécutent, au bénéfice de tous, dans le cadre de leurs missions.

La direction du S.C.N. présente à cette réunion, a ajouté pour sa part avoir dans les faits déjà réorganisé certaines de ces missions il y a quelques années, en procédant à une externalisation des tâches de ménage, notamment liées à l’entretien des bureaux, des réfectoires, des vestiaires, de l’accueil, des espaces de repos, des postes de sécurité ainsi que les sanitaires, permettant aux personnels d’accueil et de surveillance de se consacrer exclusivement aux espaces muséographiques, dont les surfaces ont progressivement augmenté. Opérations conséquentes pour lesquelles le S.C.N. a consentis des efforts budgétaires à hauteur de 45 000 euros annuels, et ce sans abondement de crédits. En outre, la direction du S.C.N. estime qu’hors nos murs, on mésestime très largement l’importance des surfaces ouvertes au public d’un site comme Fontainebleau, par ailleurs sous doté en moyens, ainsi que la spécificité des Musées Châteaux : la nature des collections, l’éclatement géographique des zones muséographiques, la complexité de l’architecture intérieure, les contraintes structurelles… ou tout , de l’entrée à la sortie, est classé et requiert une même attention scrupuleuse. Dans ce contexte, les personnels du S.C.N., imprégnés de cet environnement et parfaitement rodés à la pratique de sa préservation, ont toutes les faveurs et la confiance de la Direction de Fontainebleau pour continuer à assumer la conduite de ces missions.

Ainsi, le coût financier communiqué à la DMF pour une éventuelle externalisation de l’entretien intégral des espaces fréquentés par les publics s’élèverait à : 291 400 euros annuels, générant 789 jours de travail récupérés par an (19 jours/agent), soit approximativement entre 3 et 4 E.T.P. (Equivalent Temps Plein).

La DMF, qui dit agir sans idée préconçue et ne pas présager des conclusions à tirer, a indiqué, dans une rhétorique toute administrative, qu’il s’agit d’une étude et non d’un projet, qui vise l’ensemble des S.C.N., mis à contribution pour élaborer des propositions d’organisations de travail améliorées incluant, selon les sites, l’abandon des tâches dites de ménage. La DMF fonde sa démarche sur les réductions conséquentes du nombre de postes de fonctionnaires en cours, et la nécessité impérieuse de mettre en adéquation les moyens disponibles avec les missions de services publics, en clair optimiser et recentrer le temps de travail des agents postés sur le « cœur de métier » : accueil et surveillance, pour concilier la poursuite d’une ouverture au public la plus large possible dans un contexte d’effectifs en décroissance. Les services financiers de la DMF sont chargés d’évaluer la faisabilité des opérations d’externalisation pour 2007, la décision intervenant à la rentrée 2006.

On le voit on ne peut plus clairement, les problématiques posées aux Musée et Domaine du Château de Fontainebleau mais pas seulement, découlent directement d’une situation de l’emploi public particulièrement tendue, dégradée par la poursuite effrénée des suppressions de postes de fonctionnaires, dans le droit fil de la politique gouvernementale de réduction massive de l’emploi public. Cet état de fait a pour conséquence immédiate de fragiliser et de laminer nos aptitudes à assurer pleinement nos missions de service public, gravement mises en péril, et désormais soumises à des externalisations brutales, dont il faudra bien admettre qu’elles représentent aussi un coût important pour la collectivité nationale.
La C.G.T. Culture et sa section locale n’entendent pas se résigner à ce sombre panorama, et continueront à militer et à œuvrer auprès des personnels pour préserver l’unité d’un service public fort.

Fontainebleau le 24 juillet 2006