Comment une éditrice a décapité le secteur du livre au ministère de la culture

Le ministère de la Culture en solde :

tout doit disparaître !

Ou comment une éditrice a décapité le secteur du livre.

Même pas une histoire de rabais sur cette affaire-là. 50 % ? 75 % de réduction ? Non, ma bonne dame. Non, mon bon monsieur. Allez donc, tout doit disparaître. On va vous faire des prix. Prix d’amis, cela s’entend. C’est la grande braderie, mieux qu’à Lille. Approchez mesdames, messieurs. Venez choisir votre politique à désosser. Il y en aura pour tout le monde et surtout pour les plus calamiteux. Beaucoup, infiniment moins cher qu’aux Puces de Saint-Ouen, on vous le garantit.

Car c’est là le grand projet politique de la ministre macronienne : vendre à la découpe son ministère. Hormis pour faire ça, on se demande d’ailleurs bien pourquoi elle est venue. Mais faut-il être surpris ? Car notre ministre, c’est l’Arlésienne du gouvernement, n’est-ce pas ? Ça ressemblerait presque à une blague belge. Mais, tiens, c’est une blague belge…

Au départ, elle avait pourtant vendu du rêve. Le livre, on allait voir ce qu’on allait voir. Une éditrice aux manettes, ça allait cartonner. Le grand soir du secteur, des moyens pour l’économie du livre, un plan en faveur des bibliothèques, de la sacro-sainte Éducation Artistique et Culturelle à tire-larigot. Mais pas un mot sur le conflit d’intérêt qui crevait les yeux : une éditrice-libraire susceptible de faire bénéficier de subventions du ministère qu’elle dirige désormais des entreprises privées qu’elle « eût eu dirigé » dans un lointain passé. Et l’on n’osera même pas évoquer ici son goût pour les grands travaux ou les acquisitions immobilières.

Aujourd’hui le gouvernement se réveille par le truchement du premier ministre. Un petit arrêté en « loucedé » daté du 9 juillet et paru au Journal officiel du 10 juillet indiquant grosso modo que la tutelle du Centre national du livre (CNL) est retiré à la ministre de la Culture. Sans dire qu’elle se voit interdite de tout échange avec le secteur de l’édition littéraire, a fortiori de toute relation avec Actes Sud. Y aurait-il un souci ?

Le 10 juillet sera à marquer d’une pierre noire à un deuxième titre, car non contente de voir passer le CNL sous la main d’un autre ministère (le premier ministre), la ministre signe joyeusement avec le ministre de l’Éducation nationale – et toujours en catimini – une convention avec l’association Le Labo des Histoires sous les ors de la rue de Valois. Et cette convention, quelle est-elle ? Qu’est-ce que le chaland trouverait dans cet administratif document, si tant est qu’il le trouve ? Rien moins que les « clés du coffre » de la médiation en matière de lecture auprès des jeunes publics (les plus fragiles, donc), des conditions exorbitantes pour l’État au bénéfice d’un acteur privé dont l’action, c’est le moins qu’on puisse dire, ne fait pas l’unanimité ni sous l’angle de la qualité, ni sous celui de la rémunération des auteurs… Mais qu’importe ? Le Labo des Histoires pourra exiger des directions régionales des affaires culturelles qu’elles mettent à la disposition de l’association moyens humains et financiers pour mener des actions sans aucun suivi auprès des publics scolaires. Et être informé et partie prenante de toutes les actions nationales portées par le ministère : Nuit des bibliothèques, Journées européennes du patrimoine…

C’est donc ça, la défense du service public culturel pour Françoise Nyssen ? Après le secteur du cinéma, c’est celui du livre qui est vilainement saqué. Sans tergiverser. Voilà comment le secteur du livre, installé au ministère de la Culture depuis 1975 va à n’en pas douter faire ses valises et prendre la poudre d’escampette par la porte de service. Merci qui ?

Que vive la politique publique du livre et de la lecture

Que vive le ministère de la culture

Paris le 11 juillet 2018