Comité technique ministériel du 12 novembre 2020 – Déclaration CGT-Culture

Le contexte : épidémie de Coronavirus, une deuxième vague plus grave encore que la première

Cette séance du CTM consacrée au projet d’Organisation de l’Administration Centrale (OAC) se tient dans un contexte et dans des conditions terriblement difficiles. La deuxième vague de l’épidémie de Coronavirus qui frappe notre pays et tout particulièrement le monde et les acteurs de la culture est sans doute encore plus grave que la précédente.

Notre toute première priorité reste la priorité sanitaire et la santé des personnels

Vous le savez Madame la Ministre, nous ne souhaitions pas que cette séance se tienne maintenant, en pleine crise sanitaire. Non pas pour ajourner cette réforme qui occupe le ministère depuis trop longtemps et qui entretient un climat d’incertitude extrêmement anxiogène pour les personnels. Mais, tout simplement, parce que nous estimons que d’importantes questions sanitaires revêtant des enjeux de santé et de prévention fondamentaux restent encore en suspens dans notre département ministériel.

Ainsi, alors que l’épidémie progresse chaque jour et en absence d’une consigne écrite claire du ministère, tout est laissé au bon vouloir des dirigeants d’établissements et des chefs de service, et cela n’est pas acceptable.

Que dire aussi de la cacophonie interministérielle, lorsque la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, déclare s’agissant des agents du ministère de la Culture : « Ils sont effectivement, pour beaucoup d’entre eux, dans une situation très particulière, puisque leurs établissements sont fermés. Nous avons eu des discussions sur leur situation, plus largement cela peut aussi concerner des agents de la territoriale, et nous réfléchissons pour ces personnels à la possibilité de contribuer à des missions de service public, d’intérêt général. Ceci se ferait sur la base du volontariat, pour aider dans d’autres types d’actions ou leur engagement et leurs compétences seraient utiles. Mais tout est encore à la réflexion. »

A rebours de ces déclarations lapidaires témoignant d’une parfaite méconnaissance des affaires culturelles et du travail de nos collègues, les questions suivantes plaident en faveur de nouvelles discussions et de nouveaux arbitrages de votre part, arbitrages qui doivent concilier l’égalité de traitement et la prévention du risque épidémique :

  • Nous vous demandons tout simplement de donner la consigne de procéder à la déplanification de tous les agents dont la présence n’est pas impérative afin qu’ils ne prennent pas de risques inutiles et ne participent pas non plus à la densification dans les transports en commun et donc à la propagation de l’épidémie. En l’espèce, le placement en ASA Covid semble plus approprié que la réflexion interministérielle !

  • Pour les mêmes raisons nos bibliothèques et services d’archives doivent rester fermés, il n’est plus temps de tergiverser, le pic de l’épidémie est hélas encore à venir ;

  • Le placement en ASA Covid des agents dits vulnérables est encore trop flou dans les services et établissements et nous vous demandons là encore de prendre les instructions nécessaires permettant d’éviter d’exposer inutilement ces personnes au virus ; merci aussi d’avoir une attitude bienveillante envers les agents vivant avec des personnes vulnérables ;

  • La règle du placement en télétravail cinq jours sur cinq n’est pas optionnelle et doit être appliquée pour les agents dont les missions sont télétravaillables ou pour partie. Vous devez le rappelez aux services et établissements ;

  • Enfin, nous vous demandons de veiller à ce qu’aucun agent de ce ministère, qu’il soit de droit public ou privé, n’ait à subir de perte de salaire car ils ne sont aucunement responsables de cette crise sanitaire.

Une séance en mode dégradé

Par ailleurs, et même si ce n’est certainement pas la première des préoccupations des agents, nous déplorons qu’une séance d’une telle importance se déroule à distance. Cette forme de dématérialisation du dialogue social et des instances représentatives auxquelles nous sommes profondément attachés n’est pas une question anecdotique. Elle interroge expressément le sens même et le devenir de la démocratie sociale déjà terriblement abîmée ces dernières années et tout singulièrement depuis le début de ce quinquennat.

C’est bien parce que nous sommes fidèles au mandat que nous ont confié les personnels et aux conditions loyales de son exercice que nous vous avons demandé, en vain, de reporter cette séance à l’issue du confinement.

Cette réforme n’est pas une réformette

Contrairement à que vous avez pu affirmer dès votre arrivée aux responsabilités, le texte qui nous est présenté aujourd’hui n’a rien d’un ajustement cosmétique. Tout démontre que les lignes bougent de façon très substantielle au plan du secrétariat général évidemment, mais aussi des directions métiers.

Nonobstant le principe de la fusion et du regroupement des fonctions dites « support » au sein d’un secrétariat général hypertrophié dont nous dénonçons les dangers, la création d’une « délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle » – comme nous proposons de la nommer – est sans nul doute le fait marquant de cette réforme.

Nous avons milité de longues années pour que le ministère se dote des outils conceptuels et d’une organisation lui permettant d’inscrire son action dans les réalités contemporaines et de prendre la mesure des mutations accélérées de notre société.

Si rien n’est parfait et que beaucoup reste encore à accomplir, la création de cette délégation générale de portée transversale laisse enfin entrevoir le changement de paradigme que nous appelions de nos vœux.

Nous ne perdons pas de vue néanmoins que notre capacité collective à construire et finaliser ce projet en pleine participation des agents sera l’une des clés déterminantes de son succès.

Bien que la situation et le statut des services à compétence nationale (SCN) et le devenir des services généraux des services déconcentrés n’apparaissent pas objectivement dans la réorganisation de l’administration centrale, nous nous devions de revenir sur ces deux points préoccupants et qui continuent à avancer à bas bruit.

Nos SCN, musées nationaux et mobilier national, sont des établissements qui portent des politiques culturelles nationales :

  • Les musées nationaux participent activement au développement culturel en pratiquant des tarifs et des politiques très attractifs à destination des publics, et notamment des scolaires.

  • Le mobilier national a lui pour mission de concilier ameublement des résidences présidentielles, conservation des métiers d’art et création. Le monde entier nous envie cette institution unique en son genre et qui incarne merveilleusement l’excellence française.

Ces établissements nationaux confèrent beaucoup de visibilité au ministère. Leur transformation en établissements publics conduirait à leur effacement et pour finir à leur délitement.

De grâce Madame la Ministre, donnez les moyens aux SCN de poursuivre leur projet culturel au service de tous et rendez enfin un arbitrage qui stoppe toute velléité de transformation statutaire. Cela fait maintenant deux ans et demi que cela dure ; il faut que cela cesse !

Quant aux services déconcentrés du ministère en Outre-mer et en Île-de-France, entendez bien que la disparition de leurs services généraux au profit des préfectures, qu’on leur impose actuellement sans autre forme de procès, met à mal l’organisation des services et l’efficacité du travail des personnels de la Culture. Nous vous demandons d’intervenir sans délai pour interrompre la casse des services.

L’accompagnement social, là où le bât blesse

Si les discussions autour des enjeux politiques et stratégiques de cette réforme ont souvent été très compliquées depuis bientôt deux ans et demi, le moins que l’on puisse dire c’est qu’en matière d’accompagnement social, de garanties et de droits ouverts aux personnels touchés de près ou de loin par un transfert, nous sommes très loin du compte.

Notre organisation syndicale mais les autres aussi ont pourtant multiplié les propositions afin d’instruire ce dossier autrement et d’élaborer au fond un cadre partagé de protection sociale du meilleur niveau.

Rien n’y a fait. Dans ce domaine, vous avez rejeté nos demandes en bloc :

  • Il n’est donc pour l’instant pas possible d’ouvrir une négociation ou à tout le moins une discussion approfondie susceptible d’aboutir à un protocole d’accord couvrant l’ensemble des situations identifiées et y compris les plus délicates ;

  • Il n’est pas non plus possible, par voie de conséquence, d’instaurer un comité de suivi paritaire et restreint chargé de veiller au grain et à chaque situation individuelle, dans le cadre collectif précité, jusqu’au terme de cette réforme ;

  • Il est de surcroît inenvisageable jusqu’alors d’évoquer seulement le principe et donc les termes d’un arrêté de restructuration.

Cet entêtement incompréhensible de votre part dénote un retard d’avenir dans la construction d’un dialogue social un peu en phase avec notre époque.

Le gouvernement auquel vous appartenez ne manque jamais une occasion de caricaturer le rôle et l’action des corps intermédiaires pourtant essentiels à la vitalité de notre démocratie.

A vrai dire, pour le moment, c’est vous qui faites preuve d’une conception datée et dépassée de la concertation et du dialogue social.

Reste que nous sommes prêts à participer activement à la négociation et aux discussions que vous voudriez bien ouvrir enfin. Il n’est jamais trop tard pour agir au mieux des intérêts individuels et collectifs des personnels et de leurs conditions de travail. Oui, de notre côté, nous y sommes prêts.

Le dialogue social n’est pas un accessoire superflu

N’en déplaise à celles et ceux qui parmi vos plus proches collaborateurs considèrent peut-être que le dialogue social est chronophage, accessoire voire inutile, nous persistons à nous inscrire pour notre part dans une approche constructive, celle que les agents attendent et qu’ils valident régulièrement dans les urnes.

Le dialogue social et la concertation ne sont pas, nous en convenons, chose aisée surtout quand les circonstances sont défavorables et que la cohésion sociale vacille.

C’est un exercice sensible, complexe, sans cesse en mouvement dont il faut prendre soin et qu’il faut penser et repenser à force de fabriquer du lien pour être efficaces, efficients, imprimer et enregistrer des progrès sociaux.

Cette réflexion-là manque certainement cruellement à un ministère qui a connu une gouvernance erratique ces dernières années.

Mais ce n’est pas une raison, bien au contraire, pour se laisser aller à une forme de mépris et à des accès d’autoritarisme assurément contre-productifs et qui nous sont dommageables à toutes et tous.

Voilà pourquoi nous avons fait un travail de fond, vigilant et exigeant sur le projet de texte présenté ce jour pour avis au Comité Technique Ministériel.

Voilà pourquoi nous vous proposons une série d’amendements dûment débattus, mûrement réfléchis et pesés.

Voilà pourquoi, dans un autre registre mais certainement plus urgent encore, nous vous proposons de rouvrir les discussions sur la protection sanitaire des agents à Paris comme en régions, en administration centrale, dans les SCN et les services déconcentrés comme dans les opérateurs.

Rien n’est définitif ni inéluctable. Il vous appartient de donner toutes ses chances au dialogue. C’est ainsi que vous réaliserez la promesse faite aux agents de prendre soin d’eux et de les reconnaître dans leur travail.

Paris, le 12 novembre 2020

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