ARP, le Chorus de l’archéologie ? Moins de personnel, plus de boulot !

Au moment même où les deux-tiers des services de l’Etat perdent un, voire deux ou trois postes, le Ministère de la Culture s’apprête à mettre en application un nouveau système informatique « ARP », logiciel de gestion des dossiers d’instruction et des opérations d’archéologie préventive.


ARP, le Chorus de l’archéologie ?

Moins de personnel, plus de boulot !


Au moment même où les deux-tiers des services de l’Etat perdent un, voire deux ou trois postes, le Ministère de la Culture s’apprête à mettre en application un nouveau système informatique « ARP », logiciel de gestion des dossiers d’instruction et des opérations d’archéologie préventive.


Les personnels

Dans les SRA, la dégradation de la situation en matière de personnels est en train de s’accélérer. La Basse-Normandie avait déjà été particulièrement touchée il y a trois ans (dégât collatéral de Chorus) et a perdu encore un poste récemment. Dans l’Est, la Lorraine n’a plus de CRA et il lui manque deux personnes, comme en Champagne. En Alsace, les postes de chargé d’études documentaires ne sont pas pourvus. En Ile de France, la situation est de plus en plus tendue avec des départs en retraite en série, pourtant largement prévisibles. Dans le Centre et en Languedoc, la balance est aussi négative entre les arrivées et les départs. Plusieurs autres départs sont prévus cette année.

L’hypocrisie régnante autour de ces postes qui, pourtant, existent mais qui ne peuvent être pourvus, est insupportable. Dans la plupart des cas, les CRA ont obtenu que les postes soient maintenus, tout en restant dans les plafonds d’emplois. Mais le Ministère, qui visiblement détient un plafond d’emploi secret inférieur à celui notifié aux Drac, fait tout pour que ces postes vacants et dont les avis ont déjà disparu des radars, ne soient pas pourvus.

Ainsi, la liste complémentaire du dernier concours des ingénieurs d’étude, toujours valide et non utilisée malgré des candidats pourtant prêts à prendre leur poste, pourrait pallier en partie à ces problèmes. Mais voilà que le Ministère a trouvé une nouvelle parade ridicule, en prétendant que la liste complémentaire ne peut servir à pourvoir des postes non prévus initialement. Or les textes ne prévoient rien là-dessus. A quoi sert donc la durée de validité de deux ans ? Le fameux non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est donc de 0 sur 2 pour les SRA.

Sans donc aucune possibilité de recruter des candidats de la liste complémentaire, certains services sont allés chercher des personnels à l’Inrap, ce qui ne peut être la solution. D’autres services se sont orientés vers des contractuels, dont le statut, du fait de leur précarité est incompatible avec les pressions quotidiennes provenant d’aménageurs et d’élus, auxquelles sont soumis ces personnels. Par ailleurs, la pratique montre qu’il est presque impossible de trouver des personnes suffisamment expérimentées et prêtes à accepter un tel contrat.

La situation devient tellement grave et inquiétante que les services de l’Etat sont obligés d’abandonner des missions de l’Etat, pourtant fondamentales. Selon les régions, ce sont l’instruction des dossiers d’aménagement, la carte archéologique, la gestion du mobilier et de la documentation et surtout la recherche qui sont sacrifiés.

ARP

Ce nouveau système informatique, dont les objectifs mêmes n’ont jamais fait l’objet d’un véritable débat, a été lancé dans quelques régions et il était prévu de le généraliser au mois de février. Une première série de réactions a incité le Ministère a prendre un peu plus de temps, mais il feint de croire qu’il ne s’agit que d’une série de problèmes techniques, de « bugs » et qu’il n’y a aucun problème de fond. Cela dépasse largement le simple problème d’ergonomie bien que là-aussi il y aurait, semble t’il, beaucoup à dire.

Or, même en restant ouvert à la résolution de certains problèmes, le système passe très clairement à côté de l’essentiel, de ce qui peut être attendu par les premiers utilisateurs à savoir les personnels de l’Etat. Les remarques qui ont été faites lors de la tournée de présentation du projet en 2010/2011 n’ont pas été prises en compte. Le système actuellement développé n’est qu’un outil de contrôle, pour le Ministère, et d’une utilité très limitée pour les SRA pour lesquels le bénéfice est négligeable par rapport au travail supplémentaire inévitable.

Le premier exemple est celui des dossiers d’aménagement, ne donnant pas, les « non-prescriptions », correspondants à plus de 90 % des dossiers, environ 20 000 dossiers à l’échelle nationale, et un petit millier en moyenne à l’échelle régionale. La nécessité d’un enregistrement de ces dossiers, au-delà d’un simple tableau, est déjà une première question, dont la réponse est faussement considérée comme évidente. De quelques minutes par dossier consacrées à cette tâche dans les différents systèmes actuels, on passe à 20 minutes avec ARP, selon la source la plus optimiste. Or le personnel pour faire ce travail supplémentaire n’existe tout simplement pas. Où bien faut-il croire, comme avec Chorus, que l’on pourra ponctionner du personnel dans les autres services, pour éviter la débandade générale ? Le ministère se refuse à évaluer le nombre d’emploi supplémentaire nécessaires pour réaliser l’enregistrement de ces 20 000 dossiers.

Pour les dossiers soumis à prescription, la conception même du système avec l’intégration obligatoire de toute une série d’éléments non indispensables, et par ailleurs souvent non pris en compte dans les pratiques actuelles des services, fait littéralement exploser le temps nécessaire à l’enregistrement de toute cette masse. Pour les diagnostics, on passe de minutes en heures et pour les fouilles d’heures en jours. Et toujours sans personnel supplémentaire ou alors avec les personnels « récupérés » sur le dos des autres services ?

L’idée que les agents gagneraient du temps à la longue, en maîtrisant ARP est aussi une illusion. Actuellement, en Drac, le fonctionnement et le suivi des systèmes informatiques, en l’absence de personnel pour l’entretenir, est tel que les pannes, parfois longues, sont de plus en plus courantes. Comme pour tous les autres systèmes déjà en fonctionnement, la complexité et la volumétrie des données stockées et traitées dans ARP seront en progression exponentielle, ce qui ne pourra qu’en ralentir le fonctionnement et multiplier les pannes.

La conception du système cache mal que le seul et véritable objectif recherché est tout simplement de « fliquer ». On connaît déjà le contrôle sur le taux de prescription et maintenant l’on pourra, ou le ministère le croit, contrôler tous les délais de toute la chaîne opératoire, depuis l’instruction jusqu’à la validation des rapports et produire ainsi toujours plus d’indicateurs de performance délirants, au mépris des missions et des personnels et de leurs conditions de travail.


Des personnels pour nos missions

Au moment–même où une partie des services de l’Etat, devenue squelettique, n’arrive plus à assumer ses missions premières, l’urgence est de combler les vides créés par les départs afin de conserver la nécessaire continuité dans le fonctionnement de tous les services de l’Etat.

L’état d’urgence est tel qu’introduire un tel système, dont l’objectif et l’intérêt ne sont pas avérés et dont le bénéfice ne fait certainement pas le poids face au travail supplémentaire qu’il engendre et pour lequel le personnel n’existe tout simplement pas, est d’une irresponsabilité totale. On voudrait détruire les services et leurs missions, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

Faire le parallèle avec CHORUS est malheureusement un exercice très sérieux. Le but même de ce système, comme pour ARP, n’est pas d’optimiser le travail de ceux qui l’alimentent mais de produire un instrument « de contrôle » permettant de réaliser des bilans globaux. Or aujourd’hui on sait déjà que ce but ne sera pas atteint et que d’ores et déjà c’est un gigantesque gaspillage de temps, d’énergie, de moyens et d’argent.

La CGT demande que les postes vacants soient effectivement pourvus, par des emplois statutaires.

Le Ministre de la Culture doit prendre conscience que la maison est en train de tomber en ruine et s’attacher à résoudre le problème de la continuité du fonctionnement des services de l’Etat – SRA, avant que ce ne soit trop tard, car c’est bien là leur première mission.

La CGT demande un débat de fond sur les objectifs mêmes d’ARP et son contenu.

Le règlement technique des « bugs » ne résoudra en rien la question de la finalité de ce système chronophage et encore moins celle de l’absence de personnels pour le faire fonctionner, ainsi que d’un système informatique déjà surchargé.

La CGT appelle les personnels à se réunir dans chaque région et à prendre une position concernant les problèmes de postes dans les SRA et d’ARP, problèmes de fait liés.

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