A notre Camarade Bruno BESSE

Hommage de la CGT-Culture à Bruno BESSE

Très Cher Bruno, le ciel était bas et gris quand en ce début décembre au volant d’une belle anglaise tu as choisi de prendre une sortie dérobée, mal éclairée, non numérotée, inconnue des cartographes et des algorithmes.

Dernier pied de nez au réel, dernière facétie de l’homme révolté, tu nous as pris par surprise à l’orée de l’hiver. Saisis par cette ironie, le froid nous a soudainement envahis au point d’en rester cois.

A 72 ans, tires-tu pour autant ta révérence. Même au détour d’un déjeuner sur l’herbe aux plus beaux jours de l’été, nous n’aurions pas accepté une si mauvaise plaisanterie. Avec toi, nous ne connaissions que le présent. Alors pourquoi changer. Nous nous promenons à tes côtés sur les routes sinueuses de la vie mais dans la confiance et la clarté de ta fidélité.

Et que trouve-t-on à tourner ensemble les pages de ton parcours. Encore et toujours les couleurs tranchantes de la liberté chérie et de l’indépendance d’esprit. Sur la partition les notes en noir de l’impertinence, parfois un entrelacs de colère tonitruante et de timidité aussi belle qu’imperceptible.

Après avoir aiguisé ta passion de l’image et du son dans le monde de la publicité et de la télévision, tu rencontres bientôt au ministère celui de la culture et de l’enseignement artistique. Quelques années seulement après ton arrivée à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs, tu t’engages tout entier dans une autre aventure – à vie, celle du militantisme et de la CGT.

Sitôt arrivé ou presque à l’ENSAD, tu fais de la lutte contre la précarité et pour la conquête de nouveaux droits ton cheval de bataille favori. De ta voix forte, chaude et chaleureuse tu emportes les assemblées générales. Contre les injustices, l’indifférence, et une certaine passivité insidieuse, tu trouves toujours le ton juste, celui qui marque l’imagination et va direct au but – à l’humanité.

Insérée dans la plus belle des amitiés, ton idylle avec la CGT-Culture est faite pour durer. Et ni les mauvais coups ni les jours sans, rien n’y fait. Elle dure et elle dure.

Sans jamais t’éloigner bien longtemps de la section de l’école chère à ton cœur, tu es venu très vite animer et secouer parfois de tes aimables coups de gueule les instances dirigeantes de la CGT-Culture. De 2001 à 2019, tu fus de toutes les commissions exécutives et de tous les congrès, de toutes ces étapes mémorables où la CGT est allée chaque fois de l’avant au ministère, et plus haut dans l’unité et la force.

Très Cher Bruno, tu as pris ce chemin de traverse à quelques heures à peine d’un résultat électoral historique pour la CGT-Culture. Les 41,5% obtenus de haute lutte le 8 décembre par ton organisation syndicale au ministère de la culture te ressemblent tellement. Ce formidable résultat porte le sceau de valeurs et d’un combat universels et d’une fraternité inextinguible. Quant aux 68% enregistrés à l‘ENSAD à raison de 5 sièges sur 7, ce sont les tiens, ils sont d’abord pour toi.

Peut-on seulement imaginer consoler ta fille, ton fils et ta petite-fille. Leur chagrin nous submerge et nous dépasse et nos condoléances paraissent si dérisoires.

Mais Camille, Simon, et Madeleine, que vous pouvez être fiers de votre Papa et Papi. Avoir cheminé avec lui reste une chance et un bonheur sans partage. Bruno n’aurait rien coupé au montage et il ignorait jusqu’à l’existence du mot fin.

Va en paix Bruno

Tes camarades et amis qui t’aiment tellement

La CGT-Culture – Paris, le 12 décembre 2022

Quelques moments avec Bruno

Aujourd’hui je me suis promené…

Robert DESNOS

Recueil : « État de veille »

Aujourd’hui je me suis promené avec mon camarade,
Même s’il est mort,
Je me suis promené avec mon camarade.

Qu’ils étaient beaux les arbres en fleurs,
Les marronniers qui neigeaient le jour de sa mort.
Avec mon camarade je me suis promené.

Jadis mes parents
Allaient seuls aux enterrements
Et je me sentais petit enfant.

Maintenant je connais pas mal de morts,
J’ai vu beaucoup de croque-morts
Mais je n’approche pas de leur bord.

C’est pourquoi tout aujourd’hui
Je me suis promené avec mon ami.
Il m’a trouvé un peu vieilli,

Un peu vieilli, mais il m’a dit :
Toi aussi tu viendras où je suis,
Un Dimanche ou un Samedi,

Moi, je regardais les arbres en fleurs,
La rivière passer sous le pont
Et soudain j’ai vu que j’étais seul.

Alors je suis rentré parmi les hommes.

1936

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