Lettre ouverte au Président Bélaval sur l’application du passe sanitaire au CMN

L’intersyndicale CGT CMN-Sud Culture

A

Monsieur Philippe Bélaval

Président du Centre des monuments nationaux

Paris, le 6 août 2021.

Objet : projet de mise en place d’un passe-sanitaire aux agents du CMN

Monsieur le président,

Depuis l’allocution du président de la République mettant en place un passe sanitaire dans de nombreux ERP notamment culturels, et demain pour de nombreux travailleurs et travailleuses, le pays est divisé et sous tension.

La loi instaurant le passe sanitaire a été votée par le Parlement et l’avis du Conseil constitutionnel a été rendu ce 5 août.

L’intersyndicale CGT CMN et Sud Culture rappelle ici son opposition à ce texte. Elle considère que si la vaccination est un moyen indispensable pour lutter contre la pandémie, celle-ci doit être facilitée, éclairée et consentie et non faire l’objet de menaces de sanctions, suspension de salaires, etc.

Par ailleurs, nous vous interpellons sur le fait qu’avant même que le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire ne soit adopté par le Parlement, des chefs de services ont enjoint à travers des notes et des réunions de service les agents à se faire vacciner au plus vite confondant nécessité de présenter un passe sanitaire et vaccination en menaçant clairement de sanctions les agents en cas de non présentation de ce « passe » Certains ont déjà même établis des listes d’agents vaccinés et d’agents non vaccinés.

Ces menaces et pratiques sont inacceptables concernant une loi qui n’avait même pas été validée. Nous vous avions déjà alerté lors du CHSCT central du 19 juillet, nous apprenons depuis que ces pratiques perdurent et que parfois des rendez-vous pour la vaccination sont même pris par la hiérarchie sans l’accord de l’agent. Tout ceci doit s’arrêter immédiatement. Si nous craignons le pire concernant les collectifs de travail à la rentrée, aujourd’hui tout semble être mis en œuvre pour accentuer ces fractures.

Un dialogue social pas à la hauteur des enjeux

La ministre de la culture Roselyne Bachelot a refusé au mois de juillet la tenue d’un CHSCT ministériel concernant la mise en œuvre du passe sanitaire des visiteurs. Madame Bachelot, à l’occasion de la mise en place de ce premier passe au 21 juillet, aurait dû avoir une prise de parole auprès des agents pour expliquer cette mesure gouvernementale en tant que ministre de la culture et dire qu’elle était aux côtés des agent dans un contexte où ceux-ci ne manquent pas d’être pris à parti dans le cadre de l’application de mesures coercitives. Elle avait cette responsabilité à double titre puisque dans une vie antérieure, elle avait été aussi en charge du ministère de la santé. Bref, une occasion doublement manquée dans ses fonctions actuelles.

Un CHSCT ministériel est donc convoqué pour le 27 août, c’est-à-dire le vendredi pour une application au lundi suivant, c’est dire le peu de cas que le ministère fait du dialogue social.

A sa suite, vous avez décidé de convoquer un CHSCT Central le 31 août concernant l’application du passe sanitaire aux agents du CMN pour des mesures applicables la veille de ce CHSCT… Quelle marge de négociation est laissée aux représentants du personnel dans un tel calendrier ? Prévoyez-vous d’appliquer le passe sanitaire auprès des agents dans un calendrier plus distendu ?

Tout est fait dans la précipitation alors que c’est la vie quotidienne des agents qui se voit bouleversée dans de nombreux domaines jusqu’à leurs moyens de subsistance.

C’est pourquoi, il nous semble urgent de vous saisir d’ores et déjà pour faire part de nos inquiétudes et de nos revendications.

 

Des centaines d’agents inquiets et inquiétés

Dès le mois prochain, une partie des agents et des salariés des entreprises extérieures seront contraints de présenter ce passe afin de continuer à exercer leur travail.

Devant la brutalité de cette mesure, l’intersyndicale CGT CMN-Sud Culture vous saisit et vous alerte, M. Le Président des lourdes conséquences sur les moyens de subsistance de vos agents, et de les voir basculer dans la détresse et la vulnérabilité.

Dans les services du siège et les monuments, nombre d’agents ne souhaitent pas présenter de passe sanitaire pour accéder à leur poste. Non seulement, cette situation va plonger un grand nombre d’agents dans de très grandes difficultés mais en plus le CMN va se retrouver dans une situation qui risque de le mettre en incapacité de fonctionner avec potentiellement 10, 15 voire 20%, d’agents ne pouvant exercer leurs missions créant des situations de sous-effectif et de report de la charge de travail intenable.

 

Une loi qui fait fi des avis des institutions gardiennes des droits et libertés.

Outre la non-consultation du Conseil commun de la Fonction publique comme le souligne le Conseil d’Etat, rappelons ici les inquiétudes exprimées par des représentantes d’institutions de défense des droits et libertés publiques que sont la Défenseure des droits et la CNIL :

Dans l’avis n°21-11du Défenseur des droits, Mme Claire HÉDON, « se pose la question de l’obligation de protéger la santé et la sécurité des salariés, qui incombe à l’employeur, ainsi que le prévoit l’article L. 4121-1 du code du travail. L’obligation de sécurité prévaudra-t-elle sur le principe de non-discrimination ? Est-ce que l’employeur pourra être à la fois celui qui doit protéger l’état de santé de ses salariés et celui qui contrôle et qui, potentiellement, est conduit à discriminer ? Concernant des dispositions inédites en matière de droit du travail et de la fonction publique, la Défenseure des droits ne peut que souligner l’importance des questions qui se posent, et des risques qui pèsent sur des travailleurs parfois en situation de précarité, dans un contexte social et économique qui n’a eu de cesse d’accroître les inégalités. A minima, s’impose la mise en œuvre de garanties dans le cadre d’une procédure claire pour les travailleurs afin que les dispositions prévues n’aient pas un effet disproportionné sur l’exercice des droits des personnes concernées. »

Dans l’audition du 21 juillet 2021 devant la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire Mme Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL, estimait que, «les conditions de traitement des données médicales des salariés par leurs employeurs devraient également faire l’objet de précisions, afin d’éviter la constitution de fichier contenant toutes les attestations vaccinales des employés : l’employeur ne devrait garder trace que du statut vaccinal, et en assurant la sécurité de cette donnée sensible. »

Si une discrimination d’un agent en raison de son état de santé serait pour nous inacceptable, nous risquons demain de nous retrouver dans une situation où seraient exclus des dizaines voire des centaines d’agents en bonne santé. Cette situation est purement ubuesque.

 

C’est pourquoi nous demandons :

  • Qu’aucune procédure disciplinaire ni suspension de rémunération ne soit déclenchée contre des agents ne présentant pas de passe sanitaire
  • Que soit donné un délai pour les agents ayant commencé leur vaccination mais qui ne seraient pas à jour au 30 août sans suspension de rémunération ;
  • Quel est le calendrier et la nature des mesures que vous comptez mettre en place dans le cadre de l’application du passe sanitaire aux agents ?
  • Que soit confirmé que les sièges (Sully, Domino) ne sont pas considérés comme des établissements recevant du public ;
  • Que les services administratifs des monuments ne soient pas assimilés à des ERP ;
  • Que soit confirmé que les sites exemptés de passes sanitaires pour les visiteurs le seront également pour les agents au 30 août ;
  • Que soit étudié la possibilité d’élargir au maximum le nombre de sites ne nécessitant pas la présentation d’un passe sanitaire par un abaissement des jauges ; A ce titre, l’intersyndicale CGT CMN Sud-Culture vous propose, comme elle l’a fait au CHSCT Central du 19 juillet 2021 de dissocier capacité d’accueil et accueil réel comme pour les cinémas, en veillant à ce que les jauges ne dépassent pas les 49, ce qui par ailleurs est le cas dans certains monuments et dans les services du siège à qui vous souhaitez aussi imposer le contrôle du passe.
  • Qu’à l’instar du ministère de la Culture, vous preniez l’attache avec les ARS pour négocier des accès prioritaires dans des centres de vaccination au plus près des sites pour tous les agents du CMN ainsi que pour les prestataires extérieurs soumis aux mêmes obligations.
  • Que soit mis en place le télétravail pour tous les agents le souhaitant et dont les missions sont télétravaillables comme cela s’est organisé depuis mars 2020 en allant jusqu’à cinq jours ;
  • Que seuls les agents chargés du contrôle du passe sanitaire soient soumis à l’obligation de présenter un passe sanitaire valide.
  • Que soit proposé à des agents n’ayant pas de passe sanitaire la possibilité de réaffectation provisoire dans un autre service ou site où il n’y a pas de nécessité de passe sanitaire ;
  • Que seule la médecine de prévention soit habilitée à la vérification des passes sanitaires et non la hiérarchie ou des collègues afin de préserver les collectifs de travail et le respect du secret médical.
  • Que les déplacements soient réduits au strict nécessaires et que les réunions se fassent en distanciel autant que faire se peut ;
  • Que l’établissement prenne financièrement à sa charge les tests PCR et antigéniques des agents non vaccinés afin qu’ils puissent accomplir leurs missions et que ceux-ci puissent être réalisés sur le temps de travail.
  • Que le CMN s’engage à reconnaitre l’accident de service ou la maladie professionnelle en cas d’effets secondaires entrainant un arrêt de travail qui découlerait d’une vaccination nécessaire à l’obtention du passe sanitaire permettant à l’agent d’effectuer ses missions.
  • Qu’aucune discrimination à l’embauche en relation avec le passe sanitaire ne soit faite.

A la suite du communiqué signé par l’intersyndicale Fonction Publique CFTC, CGT, Solidaires, FSU, FA-FP le 28 juillet 2021, opposée au chantage à l’emploi sur les agents, ou de la CGT cheminots et de SUD Rail qui annoncent un large mouvement de grève si un licenciement, même déguisé, est prononcé, l’intersyndicale CGT CMN et Sud Culture s’engage à mettre tout en œuvre pour le maintien des agents dans leur emploi, sans perte de rémunération.

L’intersyndicale CGT CMN et Sud Culture n’acceptera aucun licenciement ni suspension des rémunérations en raison de la non présentation d’un passe sanitaire, ni contrôle par les agents entre eux.

 

 

Nous saurons prendre nos responsabilités face à cette situation gravissime.

Nous espérons que vous prendrez les vôtres en protégeant également les agents de la précarité sociale et financière que fait peser ce passe sanitaire et ses mesures coercitives.

 

 

 

Sophie Méreau                                                                      Jérôme Delporte

Jean-Elie Strappini                                                                Secrétaire de section Sud-Culture CMN

Secrétaires généraux de la CGT CMN

 

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