Parcs et jardins : Plus qu’un besoin, une nécessité !

Parcs et jardins :

Plus qu’un besoin, une nécessité !

Le CMN gère un patrimoine végétal de 61 parcs et jardins dans les monuments de son réseau. Ceux-ci sont variés dans leurs styles (jardins français, anglais…) et leurs dimensions, avec parfois même des productions florales.

La canicule de l’été dernier a montré la nécessité de ces espaces de fraicheur et de biodiversité dans un monde de plus en plus asphyxié par la pollution et la bétonisation. Le confinement subit durant dix semaines, qui s’est prolongé avec beaucoup de restrictions, a – là encore-, montré un besoin vital pour nos concitoyens de se reconnecter avec la nature.

Durant cette dernière période, les jardiniers ont fait montre de dévouement et de détermination pour reprendre leur travail au plus tôt, afin que les parcs et jardins n’aient pas trop à pâtir du confinement. Et ce n’est pas un hasard si les deux premiers monuments à ouvrir– et avant l’heure prévue–ont été le Domaine national de Saint-Cloud (460 ha aux portes de Paris)et le Palais Royal (au cœur de Paris).

Nouveau signal d’alarme sur la situation des parcs et jardins au CMN

Le 9 juin, nous avons alerté la direction du CMN sur la situation du Domaine de Saint-Cloud. Comme quelques mois auparavant pour le Domaine de Rambouillet, la situation est catastrophique faute de moyens et de gestion à long terme des domaines.

Depuis des années, les arbres sont malades. Il y a 10 ans déjà, 90% des arbres de l’allée de Marnes, la plus grande et la plus fréquentée, étaient considérés comme sénescents, dépérissant ou morts et rien n’a été engagé pour leur replantation. 100 arbres sont tombés depuis sur les 493 restant, sur 906 emplacements.Pis, les seules mesures prises sont l’externalisation des missions et métiers et une inertie face à une dégradation de ce patrimoine vivant. Ainsi, le domaine ne connait aucune plantation depuis au moins dix ans et cela fait vingt ans que le renouvellement de la forêt n’est pas fait. On ne parle plus d’années mais d’une génération perdue depuis la tempête historique de 1999.

Comme tout patrimoine, les parcs et jardins demandent de l’entretien, de la restauration et de la conservation. Au-delà même d’un patrimoine qui meurt à petit feu, c’est une mise en danger des personnes et des arbres que de laisser les arbres sans soin ou sans abattage, quand cela reste l’ultime mesure à prendre. Le risque est connu puisqu’aujourd’hui le domaine ferme dès que le vent souffle à 50km/h alors que cela devrait être à 80 ! Ce risque touche autant les agents que les visiteurs du domaine.

Philippe Bélaval, à son arrivée en 2012, avait deux ambitions. La première, sur le numérique, a été atteinte, mais celle concernant un CMN vert, n’a pas connu de suites. Et pourtant, les enjeux sociétaux liés à la pollution, au réchauffement climatique, à l’ère anthropocène, et aujourd’hui au confinement/déconfinement, montrent que les parcs et jardins sont un enjeu d’avenir et plus que jamais d’intérêt général. Le CMN et le ministère de la culture doivent réagir au plus vite.

Pour la sauvegarde des métiers et des savoirs de la filière jardins

Aujourd’hui, il ne reste que 90 jardiniers sur l’ensemble du ministère. Ce sont des savoirs et des savoir-faire uniques qui disparaissent, faute de concours et de recrutements. Pourtant la protection du patrimoine vivant devrait relever de politiques publiques ambitieuses, pour la préservation et la transmissions des savoirs, missions et métiers qui sont au cœur des enjeux du ministère de la culture. Et ce d’autant plus à l’heure où partout dans le monde la jeunesse et les populations manifestent pour un meilleur équilibre avec notre environnement.

Dans cette filière, les départs d’agents se font au bénéfice d’externalisations massives et du dumping social qui en découle,alors que nos jardiniers ont les compétences et les formations nécessaires pour exercer ces missions. Or, la majeure partie des travaux externalisés perdent souvent en qualité sous les injonctions à la rentabilité, et ce, au détriment des règles de l’art et des actions en faveur de la biodiversité. Ceux-ci nécessitent des actions à court, moyen et long terme ainsi qu’une grande connaissance des milieux.

C’est en effet un non-sens que de demander à des entreprises d’effectuer un travail qui demande du temps (notamment quand on ne fait plus appel à des produits phytosanitaires) et des connaissances particulières alors que la responsabilité des marchés publics passés sont réalisés et suivis par des non-initiés. Loin de nous de vouloir pointer du doigt des responsables, c’est la politique même du CMN et du ministère de la culture qui est dénoncée.

La moyenne d’âge des jardiniers au CMN ne cesse d’augmenter. Alors que le métier est pénible, les équipes vieillissantes souffrent, ce qui provoque des arrêts maladies, souvent non remplacés. C’est pour eux la double peine, on ajoute de l’épuisement à la fatigue !

D’ici 2021, le domaine de Rambouillet connaîtra deux nouveaux départs à la retraite dans cette filière. Si rien n’est fait dès aujourd’hui, la transmission des savoirs de ces deux agents sera perdue. C’est aussi la production florale qui risque de disparaître. Pour celles et ceux qui ont la mémoire de l’établissement, le CMN était un gros producteur de fleurs pour l’Elysée, Matignon… il est regrettable qu’un établissement public de l’Etat fasse ainsi disparaître ses productions et ses filières d’excellence. Au domaine de Saint Cloud, ce sont les équipes restantes sur lesquelles s’accentue le travail d’évacuation et de débitage des dizaines d’arbres qui tombent chaque année (89 arbres tombés en 2019) et qui doivent en plus brosser les abords d’un jardin dit remarquable.

Au château de Bouges, les jardiniers subissent depuis des années une diminution d’effectifs, à Bussy-Rabutin, une équipe réduite à peau de chagrin se partage avec le château de Ferney-Voltaire…les difficultés sont partout.

Une appétence des publics et un devoir vis-à-vis des générations futures

C’est en effet un enjeu de sauvegarde prioritaire pour les derniers liens qu’il nous reste avec la nature, des gestes et des savoirs qui ont traversé les siècles. Ce patrimoine vert fait partie de notre culture et l’externalisation de ces missions ne saurait répondre à ces enjeux. Il y aurait tant à faire également au-delà des missions premières de la filière jardin, sur la médiation culturelle de ce patrimoine.

La question des labels, notamment du « Jardin remarquable » ne doit pas se réduire à un effet de com’ pour faire venir le chaland mais impose un devoir de défense des métiers et savoirs.

C’est pourquoi, nous demandons :

  • De nouveaux concours au ministère de la culture dans la filière jardins que ce soit en catégories C, B et A à hauteur des besoins.
  • La CDIsations des vacataires recrutés régulièrement pour répondre aux besoins permanents.
  • Des plans de gestion ambitieux pour les parcs et domaines et leurs mises en œuvre. Ceux de Rambouillet et de Saint Cloud, finalisés en 2017, ne sont toujours pas validés.
  • Une prise en compte dans les conditions de travail des politiques menées tels le « zéro phyto »exigeant parfois un travail 5 à 6 fois plus long.
  • La restauration des serres dégradées faute d’entretien et leurs remises en production.
  • La fin des montages et suivis de marchés d’externalisation par des agents qui ne sont pas formés aux métiers de jardiniers.
  • L’amélioration des conditions de travail des jardiniers.
CHARTE DE FLORENCE

PREAMBULE

Réuni à Florence le 21 mai 1981, Le Comité international des Jardins historiques ICOMOS-IFLA a décidé d’élaborer une charte relative à la sauvegarde des jardins historiquesqui portera le nom de cette ville. Cette charte a été rédigée par le Comité et enregistrée le 15 décembre 1982 par l’ICOMOS en vue de compléter la Charte de Venise dans ce domaine particulier. 

Article 1.

« Un jardin historique est une composition architecturale et végétale qui, du point de vue de l’histoire ou de l’art, présente un intérêt public ». Comme tel, il est considéré comme un monument

Article 2.

« Le jardin est une composition d’architecture dont le matériau est principalement végétal donc vivant, et comme tel périssable et renouvelable. » 

Son aspect résulte ainsi d’un perpétuel équilibre entre le mouvement cyclique des saisons, du développement et du dépérissement de la nature, et la volonté d’art et d’artifice qui tend à en pérenniser l’état. 

Article 3.

En tant que monument le jardin historique doit être sauvegardé selon l’esprit de la Charte de Venise. Toutefois, en tant que monument vivant, sa sauvegarde relève de règles spécifiques qui font l’objet de la présente Charte.

Les parcs et jardins : un bien commun d’intérêt général Protégeons-les avec des politiques ambitieuses et des recrutements rapides !

Arfeuilles, Buoux, Ledringhem, le 12 juin 2020.

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