10 ans d’existence de la Cité : un bilan plus que mitigé

La Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI) a ouvert ses portes au public le 10 octobre 2007, nous avons récemment célébré ses 10 ans d’existence.

Aujourd’hui nous faisons face à un bilan décennal plus que mitigé…

 

Si l’intention du projet  était semble-t-il de mettre en valeur les apports multiples de l’immigration, fallait-il le faire dans un monument érigé à la gloire du colonialisme ? Dès le lancement, le choix du lieu avait déjà été très discuté.

 

Aussi, lors de l’exposition coloniale de 1931, dans une franche démarche d’opposition, la CGT unitaire avec laquelle notre section syndicale s’inscrit en filiation, avait, de concert avec un collectif de douze surréalistes, organisé la contre exposition <<la vérité sur les colonies>>. S’employant ainsi à dénoncer et à illustrer la violence et la brutalité du colonialisme que subissent les peuples exploités et humiliés, sous couvert de “mission civilisatrice », et qui étaient dissimulées lors de l’expo de 1931 par un maquillage folklorique de spectacles et d’animations où les colonisé.e.s étaient exhibé.e.s comme autant de bêtes curieuses pour la distraction du public.

 

Dix ans après l’ouverture de la CNHI, peut-on dire que le “renversement des symboles” imaginé par ses promoteurs a réussi et que les représentations racistes décorant les murs et façades du Palais ont été remises en question ? Les actualités nous démontrent à quel point cet imaginaire colonial est  toujours autant présent dans l’inconscient collectif.

 

S’ajoute à tout cela une inauguration tardive par le Président de la république sept ans après son ouverture au public.

 

Partant avec un tel héritage comment pouvait on se sortir de cette situation délicate ?

 

L’occupation en Octobre 2010 de ce lieu symbolique par des travailleurs et travailleuses grévistes sans-papiers, issu.e.s de l’immigration post-coloniale, réclamant la régularisation de leur situation administrative et la fin de leur exploitation. Hélas en vain* ! Ce qui n’a pas arrangé les choses et a donné prétexte à toutes sortes de polémiques encore aujourd’hui.

 

Depuis 10 ans nous constatons une accumulation de problèmes fonctionnels :

 

– Le PSC (Programme Scientifique et Culturel) n’a pas évolué depuis la création du nouvel Établissement public en décembre 2011.

En effet, en fusionnant l’Aquarium tropical et la Cité Nationale de l’Histoire de l’immigration en dépit du bon sens, et en risquant la confusion des genres, le Ministère fait le pire des choix pour les deux structures : l’une comme l’autre en pâtissent, tant sur le point des missions que sur l’entretien même des structures, l’état de l’Aquarium est catastrophique et devrait faire l’objet d’une réhabilitation dans sa totalité.

La CGT-Culture s’était fermement opposée à cette fusion. Force est de constater que nous avions raison !

 

– Autre évènement ne servant pas la Cité : la RMN-GP ferme son comptoir de vente en 2012, suite à la décision de la direction qui a choisi une autre entreprise. Le prestataire suivant a fini de liquider ce qui permettait aux visiteurs d’accéder à une librairie digne de ce nom. Depuis 2015 plus aucun comptoir n’existe, ne permettant pas aux visiteurs ou chercheurs d’accéder à des ouvrages de référence pourtant indispensables pour élargir leurs connaissances et assouvir leur curiosité. Faisant ainsi de notre Établissement le seul musée national à ne pas avoir de librairie !

 

– Quant aux personnels ils sont délaissés, malmenés, ce qui a amené l’IGAC (Inspection Générale des Affaires Culturelles) à établir un rapport constatant implacablement le climat social dégradé qui règne dans l’Établissement. Climat social, soit dit en passant, initié par l’ancien directeur général.

 

Aujourd’hui même si la fréquentation a un peu augmenté, le message du musée reste brouillé, la directive de la marque « Palais de la porte Dorée » donne lieu à des supports de communication qui entremêlent : stéréotypes coloniaux, “valorisation » de l’histoire de l’immigration et faune aquatique.

 

On sent encore la blessure pesante d’un passé national qui n’est pas encore cicatrisée et dont pourtant la mission première de la CNHI <<faire évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration en France>> devrait constituer une des clés essentielles pour la soigner. Mission qui nous est difficile de réaliser de par le contexte politique ambiant : criminalisation de la solidarité envers les migrant.e.s, discrimination en raison de la couleur de peau (contrôle au faciès) dont l’Etat a été condamné par la Cour de Cassation, projet de loi Asile et Immigration qui bafoue les droits fondamentaux.

 

L’importance d’une programmation sensible, réfléchie et cohérente est d’autant plus nécessaire pour mettre en perspective tous les apports de notre histoire plurielle, celle d’un pays accueillant des populations de tous horizons, et contribuant ainsi à son développement économique, social et culturel.

 

*voir communiqué de 2011 : Les forces de l’ordre comme seule réponse ! : https://www.cgt-culture.fr/les-forces-de-lordre-comme-seule-reponse-1257/

Tract 10 ans de la Cité