Vous avez dit « bienveillance » ? Retour sur la négociation sur le préavis de grève du 13 mai 2020

Retour sur la réunion avec l’administration du 13 mai 2020

Négociation sur le préavis de grève déposé par la CGT Culture à compter du 14 mai 2020

Vous avez dit « bienveillance » ?

En présence de la Secrétaire générale et des représentants du SRH qui se proposent en introduction d’apporter des réponses qu’elle espère de nature à lever le préavis de grève.

  1. Introduction de la CGT Culture

Nous avons tout d’abord rappelé que la CGT Culture s’adresse aujourd’hui à l’administration du ministère de la Culture sur le mandat de sa commission exécutive qui a eu lieu le 7 mai. Ce mandat comporte deux points principaux : 

  • Un préavis pour le ministre et la demande réitérée de la présence de son Cabinet pour conduire cette négociation,

  • Des amendements au document intitulé « principe de reprise de l’activité en présentiel », document qui en réalité est très difficilement amendable et, même s’il a été en partie amendé, ne correspond pas aux nécessités de reprise de l’activité présentielle de nature à répondre aux interrogations concrètes et légitimes des personnels

Si la secrétaire générale du ministère de la Culture veut faire la démonstration qu’elle agit de manière hors-sol, c’est réussi ! 

Nous constatons, pour le déplorer, qu’en dépit des nombreuses interventions de la CGT, l’administration n’a toujours pas fourni les éléments permettant de savoir comment la sécurité sanitaire des agents appelés à travailler en présentiel était concrètement assurée.  Jamais nos interlocuteurs n’ont eu mandat de répondre qui devait venir travailler en présentiel à partir du 11 mai : avec qui, avec quelle protection, pourquoi faire et pour quelle priorité professionnelle, à quelle heure, avec quel suivi médical ? Cet environnement professionnel que l’administration voudrait « recommander » est très anxiogène pour les personnels qui sont laissés seuls à leur sort.

Par ailleurs, la communication est très mauvaise, les personnels sont prévenus très tard de leur reprise, l’encadrement intermédiaire est sollicité au dernier moment, est mal informé et mal outillé ; le niveau d’impréparation est palpable.

Pour la Cgt, il ne n’agit ni plus ni moins de garantir la protection des agents qui s’estimeraient exposés dangereusement au covid-19. 

Et comme si cela ne suffisait pas, l’administration refuse d’ouvrir une négociation demandée par toutes les organisations syndicales du ministère de la Culture le 29 avril sur le thème de la prévention du risque épidémique et des conditions de reprise pérenne de l’activité en présentielle pour l’ensemble des agents du ministère. 

L’administration s’obstine à refuser de consulter pour avis le comité hygiène sécurité et conditions de travail ministériel et le comité technique ministériel sur le projet de plan ministériel de reprise d’activité. La période exige un dialogue soutenu pour permettre de construire ensemble des mesures de prévention garantissant à chaque agent du ministère une bonne santé et une reprise pérenne. Ce préavis est une alerte sociale, car cela ne peut plus durer.

Réponse de l’administration

L’administration partagerait le même souci de garantir la sécurité sanitaire des agents mais considère que le ministre a répondu en CTM sur la question de l’absence de conseiller social auprès de lui et a démontré par sa participation à l’instance la pleine participation du politique. Elle estime que globalement le dialogue social est satisfaisant arguant notamment de la reprise de quelques amendements proposés par les représentants du personnel sur le document « principes de reprise d’activité en présentiel » (médecin du travail, violences intra familiales…).

En revanche, l’administration, se cachant derrière une décision du Conseil d’Etat, qu’elle ne nous a évidemment pas communiquée, considère que l’avis du CHSCT sur le plan de reprise n’est pas requis au motif qu’il s’agit d’un simple « changement temporaire d’organisation du travail ».

Sous couvert d’accord tacite sur la nécessité de garantir la sécurité sanitaire des personnels, l’administration déclare sans sourciller que « la négociation n’a pas lieu d’être dans la gestion de la crise ». Faisant l’aveu à demi-mot de son incapacité à consulter les élus dans les délais impartis, l’administration renvoie à une consultation future des instances quand il s’agira d’apporter des « modifications pérennes de l’organisation du travail ».

  1. Intervention de la CGT Culture sur les engagements du ministre non honorés : consultation des instances et garanties d’emploi des agents précaires

L’esprit dans lequel se sont déroulées toutes les séances de travail, y compris les instances ministérielles, n’a jamais ouvert des espaces de négociations réelles. Si des espaces de dialogue ont été ouverts, et toujours à la demande des organisations syndicales, il n’en demeure pas moins que la qualité du dialogue social n’a jamais été au rendez-vous.

Par exemple, s’agissant de l’intégration des amendements sur le plan de reprise d’activité, celle-ci s’est limitée non seulement à une partie des revendications mais aussi à de simples remarques de forme ; toutes les propositions portant sur les nécessaires avis des instances démocratiques et sur les protections individuelles ont été balayées d’un trait de plume.

Par ailleurs, la consultation des instances est obligatoire et ne relève pas du choix de l’administration. Nous avons été contraint de rappeler que l’administration se permettait en l’espèce de réécrire le droit (en particulier le décret 82-453) qui prévoit systématiquement l’avis du CHSCT sur tous les projets qui concernent l’hygiène et la sécurité des personnes. L’invocation d’une décision non étayée du Conseil d’Etat n’est pas glorieuse d’autant qu’elle ne concerne certainement pas une crise dont l’unité de mesure est le millier de morts ! En outre, le caractère temporaire du document de reprise reste encore à démontrer dans la mesure où personne ne sait combien de temps la crise va durer, en particulier en cas de seconde vague de la pandémie.

Nous avons rappelé l’engagement clair du ministre le 9 avril 2020 sur le principe d’un renouvellement systématique de tous les agents en CDD du ministère. Or, pour que cet engagement soit pleinement respecté, il est indispensable de disposer de la liste de tous les contrats de la sphère ministérielle au 12 mars 2020. Traditionnellement l’administration est en mesure de produire et de communiquer ce recensement, le rôle des représentants des personnels consistant à examiner son exhaustivité pour traiter toutes les situations et éviter une catastrophe sociale. Ce refus catégorique de partager ce recensement ne fait que renforcer notre conviction d’un dialogue social qui n’est pas du tout à la hauteur des annonces et des discours prétendument « bienveillants ».

Nous avons une fois de plus porté le message qu’en matière d’action sociale, l’ambition n’est pas encore à la hauteur des besoins notamment en termes de moyens humains en centrale comme dans les établissements publics et SCN.

Réponses de l’administration

La secrétaire générale assure qu’un travail en cours permettra de mettre en œuvre les engagements du 9 avril du ministre de la Culture notamment sur le recensement des instances représentatives du personnel convoquées pendant le confinement. En revanche, s’agissant de la communication aux organisations syndicales de liste de CDD au 12 mars, la SG rappelle que le ministre a indiqué aux représentants du personnel de faire remonter les situations dont ils auraient connaissance mais se refuse à dresser des listes.

S’agissant de l’action sociale, l’administration rappelle que c’est un enjeu fondamental et qu’un travail est en cours en trois axes : améliorer l’offre en augmentant le budget de l’action sociale, accompagner les agents tout au long de leur vie professionnelle et renforcer les réseaux RH collectifs.

  1. Intervention de la CGT Culture sur la protection des agents : : zéro équipement de protection individuelle et zéro exercice du droit de retrait

Nous avons tout d’abord rappelé que les masques proposés ne permettent nullement de protéger les individus du covid-19. Si la santé des agents ne se négocie pas, nous nous demandons pourquoi l’administration se contente de proposer aux agents des équipements de prévention au rabais. Toutes les institutions scientifiques nationales partagent le constat que seuls des masques au moins du niveau des FFP2 constitue une protection individuelle efficace contre le Covid-19. Plus encore, le conseil scientifique estime aujourd’hui que les masques « grand public » comme ceux proposés par l’administration peuvent être plus dangereux pour la santé des agents. Quand de nombreuses entreprises privées et parfois certains établissements publics équipent leurs salariés de masques FFP2, pourquoi le ministère s’obstine à défendre l’indéfendable ?

S’agissant de l’exercice du droit de retrait, la CGT rappelle qu’il consiste en l’occurrence à protéger les agents qui estiment pour un motif raisonnable être exposé à un danger imminent de contagion. La volonté de réaliser des retenues sur salaires à un agent qui est exposé, notamment dans les transports, est contraires à l’esprit même du droit de retrait. Par exemple, un agent en possession d’un masque qui ne le protège pas du risque de contamination dans un transport bondé de personnes ne portant pas de masques ? La bienveillance de l’administration devrait consister en premier dans la confiance à donner aux agents qui feront face à des situations problématiques. Actuellement, on observe plus de défiance que de confiance vis-à-vis des personnels. L’appréhension des agents est d’autant plus compréhensible qu’ils sont sensibles à l’idée de ne pas contaminer leurs proches. C’est dans cette perspective que nous avons rappelé la nécessité de diffuser largement la circulaire ministérielle mise à jour précisant les personnes exerçant la fonction de chef de service dans toutes les administrations et les établissements du ministère de la culture afin de faire toute la clarté sur la responsabilité de chacun, en particulier pénale pour le chef de service, en cas de mise en danger délibérée de la vie d’autrui d’autant plus qu’on constate la multiplication des délégations de responsabilité à la hiérarchie intermédiaire et les appels au volontariat pour reprendre son activité en présentiel.

Réponses de l’administration

Les mesures de protection proposées par l’administration seraient le fruit d’un accord avec les RP (masques lavables 25 fois, consignes de prévention, rappels des gestes barrières et masques jetables pour répondre à des situations précises de proximité entre collègues) ! Après quelques interpellations, l’administration a néanmoins admis que le « kit de prévention n’est pas un équipement de protection individuelle ».

S’agissant notre demande d’étendre les modalités de l’exercice droit de retrait de manière transitoire aux situation d’exposition à un risque de contamination Covid-19, l’administration confirme que l’application du droit de retrait ne sera ni générale ni systématique mais sera regardée au cas par cas en fonction des mesures qui auront été mises en places par l’employeur. Elle rappelle en outre qu’elle préconise les retenues sur salaires pour service non fait plutôt que des sanctions disciplinaires en cas d’exercice du droit de retrait. Pour ce qui concerne la circulaire ministérielle précisant les personnes exerçant la fonction de chef de service dans toutes les administrations et les établissements du ministère de la culture, la secrétaire générale s’est engagée à nous la renvoyer et à réexaminer ses modalités de publications si sa mise à jour s’avérait nécessaire (forcément puisque au moins trois établissements ont été créés depuis : Notre Dame, le Mont Saint-Michel et le Centre National de la Musique).

Pour répondre à la question de l’exposition potentielle d’un agent à une contamination sur le trajet domicile-travail, l’administration renvoie à la responsabilité des agents compte tenu de l’obligation du port du masque dans les transports : il leur appartiendra de signaler aux agents de la RATP ou de la SNCF toute personne ne respectant pas cette obligation. Elle indique accepter de communiquer sur ce point en rappelant qu’un agent se sentant en danger pourra, sur justificatif (photo ou signalement), justifier tout retard dus aux transports.

Les questions des transports et des aménagements d’horaires sont à son sens suffisamment claires dans le document de reprise d’activité, et pourront faire le cas échéant l’objet d’adaptations en fonction des cas qui se présenteront au fil de l’eau. Tous les principes énoncés dans le cadre de ce document ont vocation à s’appliquer à tous les agents du ministère, établissements et service à compétence nationale compris.

  1. Intervention de la CGT Culture sur l’ordonnance du 15 avril sur les congés imposés et sur la mise en place d’une réflexion partagée sur les politiques culturelles et les modèles économiques de opérateurs culturels

De nombreux chefs de services ont fait une lecture très défavorable aux agents de l’ordonnance du 15 avril alors qu’elle prévoit que, pour les agents en télétravail, le chef de service peut imposer 5 jours de congés ou de RTT. En imposant 5 jours de congés, l’administration préjuge des choix des agents pour déterminer leurs propres congés. Nous avons profité de cette occasion pour interpeller l’administration sur le fait qu’en dépit de toute logique de nombreux agents ont découvert leur situation administrative (Autorisation Spéciale d’Absence ou travail à distance). Or, la situation administrative, parce qu’elle a des conséquences juridiques sur la situation individuelle d’un agent devrait faire l’objet d’un écrit de l’administration et ce, depuis le début du confinement. Exiger des agents qu’ils saisissent eux-mêmes l’administration pour bénéficier d’un acte formel sur leur situation administrative n’est pas acceptable.

Par ailleurs, toutes les annonces, apparemment positives, en termes d’accompagnement budgétaire et financier des institutions culturelles touchées par la crise ne concernent jamais les agents du ministère eux-mêmes. Le devenir des opérateurs dont les modèles économiques essentiellement fondés sur la course aux ressources propres est aujourd’hui fortement mis en cause dans le contexte d’arrêt de l’activité et de perte de recettes nettes. Les modèles et les politiques culturelles doivent être réinterrogés en profondeur et les représentants des personnels doivent être associés à un réflexion au sein d’un cadre de concertation adapté au niveau politique.

Réponses de l’administration

L’abrogation de l’ordonnance du 15 avril sur les congés et RTT et la restitution des congés volés aux personnels n’est pas du ressort du ministère de la culture. Arguant d’un souci d’équité avec les agents en ASA, la secrétaire générale estime qu’imposer 5 jours de congés du 17 avril au 31 mai aux agents en télétravail participe d’une contribution totalement acceptable.

L’administration répond que tous les agents connaissent aujourd’hui leur situation administrative et qu’il leur appartient de saisir leur service RH pour demander un écrit.

S’agissant des moyens budgétaires pour le ministère de la Culture et ses établissements publics, l’administration répond que l’enjeu pour le ministère est de défendre le service public culturel, sous forme de subventions de charge de service public et proposer un plan de relance pour tous les secteurs du ministère de la culture (ex. année blanche pour les intermittents du spectacle). Le ministère s’engage à compenser les pertes de recettes dans les établissements à ressources propres et s’interroge aujourd’hui sur les modèles économiques de ces établissements. Pour finir, la secrétaire générale a accepté de lancer dès que cela serait possible, une concertation avec les organisations syndicales pour réinterroger les modèles économiques et culturels notamment des établissements.

Alors qu’en cette période de crise sanitaire, il existe des risques très graves qui peuvent conduire jusqu’à la mort dans certains cas, des risques avérés pour la santé de tous les personnels et leurs proches ;

Alors que cette situation génère et accroît les inégalités sociales ;

Alors que dans d’autres pays, de vraies négociations aboutissent à des protocoles d’accord ;

Alors que tous les organisations syndicales du ministère dénoncent le manque d’un vrai dialogue et demandent une négociation,

Le Ministre et son administration s’attachent à leur méthode de prise de décisions en chambre, « comme le graillon au fond des poêles », se passant même des avis des instances pourtant prévus par le textes ;

Ils décident seuls mais refusent de prendre leurs responsabilités : le politique délègue à l’administration et celle-ci délègue d’une part à la hiérarchie intermédiaire toutes les décisions qui ont des conséquences sur la santé des personnels et d’autre part fait appel au volontariat ;

Ils utilisent le mot « bienveillance » tous les deux minutes pour masquer la réalité.

Où est la bienveillance quand on nous impose des jours de congés ? 

Où est la bienveillance quand on ne nous communique pas les priorités et ne nous fournit pas le matériel informatique pour les agents télétravailleurs ?

Où est la bienveillance quand on refuse de prendre en charge les frais des fluides et fournitures pour les télétravailleurs ?

Où est la bienveillance quand on nous refuse de formaliser par écrit notre situation administrative, nous privant de facto de notre droit de recours ?

Où est la bienveillance quand les informations sur nos droits et obligations ne sont pas accessibles à tous et à tout moment ? 

Depuis le début de la crise nous avons pas cessé de faire remonter les problèmes, les dangers et de faire des propositions. Face à cela, nous rencontrons systématiquement un manque complet de transparence et de rigueur. Malgré toutes les alertes le Ministre et ceux qu’il mandate pour soi-disant dialoguer font preuve de surdité.

Pour ces raisons, la CGT-Culture décide de maintenir le préavis de grève !

Toutes et tous en grève à partir du 14 mai 2020

Paris, le 15 mai 2020