Retour sur la première rencontre avec Roselyne Bachelot-Narquin, le 27 août 2020

Des annonces et un calendrier qui exigent

de remettre très vite tout le monde autour de la table !

  

Une ministre très attendue mais qui savait à quoi s’attendre

Roselyne Bachelot-Narquin a reçu les organisations syndicales du ministère de la culture le jeudi 27 août, soit près de huit semaines après son arrivée rue de Valois le 6 juillet dernier. Inutile donc de dire que la ministre était très attendue tant les questions sanitaires, sociales et économiques, et les sujets de revendication se sont accumulés depuis plusieurs mois.

 

La ministre était d’autant plus attendue qu’elle ne pouvait pas ignorer nos grandes priorités

Nous avions pu en effet les exposer par le menu à sa directrice de cabinet fin juillet, en insistant de nouveau, pendant « la trêve estivale », sur ces sujets : 

  • Protection sanitaire et sociale toujours extrêmement fragile
  • Situation économique très dégradée notamment pour les établissements publics et tous les opérateurs accueillant du public
  • Menaces sur l’emploi et tout particulièrement sur celui des travailleurs précaires
  • Menaces sur les DRAC à l’aune d’une régionalisation et d’une préfectorialisation dogmatiques
  • Crise des modèles économiques, du consumérisme culturel et des schémas de gouvernance
  • Transformation incontournable des politiques publiques culturelles et nécessité impérieuse d’un changement de paradigme ministériel

 

La ministre savait pertinemment que nous allions aussi revenir immanquablement sur les points suivants :

  • Salaires, régimes indemnitaires et carrières des agents au sein d’un ministère pauvre
  • Conditions de travail et nouvelles formes d’organisation du travail à l’ère du numérique, des mesures de distanciation physique et dans le contexte de la montée en puissance du télétravail
  • Modernisation impérative du dialogue social et respect rigoureux des instances représentatives des personnels

La ministre pouvait s’attendre à ce que nous exigions un agenda social structurant et offensif, et sur chacun des points a minima des discussions approfondies et le cas échéant des négociations constructives, et c’est très exactement ce que nous avons fait sans nous détourner du programme annoncé cartes sur table à l’avance.

 

Une ministre concentrée sur son sujet, attentive et à l’écoute

Roselyne Bachelot-Narquin avait donc eu tout le loisir de préparer sa première intervention devant les organisations syndicales réunies au complet, et il faut bien reconnaître qu’elle s’est appliquée à entrer d’emblée dans le vif du sujet et à verser, déjà, de premiers éléments concrets au débat. 

 

Les premières annonces de la ministre

Sans surprise, la ministre indique vouloir concentrer son énergie sur la reconstruction du secteur culturel. Mais elle souligne toutefois que la crise de la culture est bien antérieure au Coronavirus et que la situation sanitaire a mis en exergue des retards et dysfonctionnements connus préalablement. 

Mesurant pleinement la pression et les incertitudes pesant sur les agents, elle ajoute ne pas vouloir s’engager dans une réforme du ministère chamboule-tout. Elle déclare néanmoins vouloir imprimer « des évolutions raisonnables et consensuelles en capitalisant sur les travaux menés avant le COVID-19 ».

Aucune information ne nous a été apportée par la ministre sur les projets de regroupement et de changement de statut des Services à compétence nationale (SCN).

  • Création d’une délégation en charge des politiques culturelles transversales et de leur coordination territoriale pour aller avec agilité et sans inertie technocratique vers plus de lisibilité et d’efficacité. Roselyne Bachelot-Narquin a apporté les précisions suivantes : le service du livre et de la lecture serait sanctuarisé au sein de la DGMIC et les réseaux des conservatoires de collectivités resteraient du ressort de la DGCA.  Elle a ajouté que le secrétariat général (SG) continuerait à assurer le pilotage des DRAC et de l’action territoriale ce qui présente des contradictions, et non des moindres, avec les orientations précédemment données à cette nouvelle direction / délégation. Il nous faut donc en rediscuter très rapidement !
  • Consolidation de l’expertise métier des directions générales (DG) : la DGMIC devant mieux porter la régulation numérique au-delà des logiques sectorielles ; la DGCA mieux coordonner les enjeux sociaux, au plus près des professionnels de la culture et de la création ; la DGP mieux incarner le suivi du secteur privé du patrimoine et de l’économie du patrimoine ; les inspections spécialisées (DGP et DGCA) aller vers des missions plutôt de conseil que de contrôle.
  • Regroupement des fonctions support au SG : la ministre entend poursuivre dans cette voie au motif d’une optimisation des missions, et cite en particulier les systèmes d’information et le numérique, l’action européenne et internationale, la communication, les études et l’observation.

Elle nous fait savoir en revanche qu’elle renonce au regroupement de la formation – un projet « insuffisamment consensuel ».

Au-delà de celui-ci, nous rappelons que la plupart des autres chantiers sont également loin de faire consensus auprès des agents concernés, en particulier les chantiers documentation et communication sans parler de la question Europe et international où personne ne si retrouve.  Sur tous ces dossiers la réflexion n’était pas aboutie avant le confinement. Le COVID a arrêté toutes les dernières réunions prévues mais, à présent, les nouveaux organigrammes et les textes sont préparés en secret par les pilotes et la haute administration.

Les agents concernés par ces différents chantiers sont bien évidemment dans l’attente de nouvelles réunions afin de faire le point sur leurs avancées et le devenir de leurs missions.

La ministre met également en avant : la perspective immédiate d’un agenda social partagé au service d’une stratégie RH pluriannuelle et se dit prête à ouvrir rapidement des discussions sur plusieurs chantiers structurels tels que le télétravail ; la rémunération des agents et la poursuite du rattrapage indemnitaire dans le cadre du PLF ; les parcours professionnels ou encore l’action sociale. Elle précise en outre que le chantier précarité doit être considéré comme d’ores et déjà ouvert.

Très important encore pour les personnels qui doivent avoir l’assurance d’une protection sanitaire du plus haut niveau : la ministre considère que la protection des agents est prioritaire mais qu’il faut désormais aller au-delà des seules mesures d’urgence pour s’inscrire dans une démarche de prévention durable.  Elle s’engage en outre à présider un CHSCT-Ministériel prochain.

A noter : la ministre doit très prochainement rencontrer son homologue en charge de la Transformation et de la Fonction publiques – rendez-vous à l’occasion duquel elle entend revenir sur le dossier de la protection sociale complémentaire.

Un calendrier très resserré

Pour mettre en œuvre ces mesures sans délai, la ministre projette le calendrier suivant :

  • Un CT-Ministériel en octobre portant sur les textes d’organisation du ministère et de l’administration centrale, suivi très rapidement d’un CT-AC,
  • Le tout pour une mise en œuvre effective au tout début 2021
  • Mais avant cela devraient se tenir en septembre, à l’invitation de la directrice de cabinet, une réunion dédiée au projet d’organisation de l’administration centrale, ainsi qu’une réunion de présentation du plan de relance pour la culture (le 3 septembre).

Pour la CGT, il est urgent de remettre très vite tout le monde autour de la table

Si les premières annonces de la ministre, et notamment celle concernant la création d’une nouvelle entité transversale, peuvent sembler encourageantes, beaucoup de points cruciaux et essentiels au devenir du ministère et à la traduction dans les faits d’une nouvelle ambition culturelle restent en suspens.

Des éclaircissements s’imposent, entre autres, sur le positionnement politique et structurel de la nouvelle entité transversale, sur son périmètre exact et son articulation précise avec le SG et les DG, sur ses moyens budgétaires et humains. Nous ne pouvons pas nous résoudre par ailleurs à l’émergence d’un SG hypertrophié résultant en vérité d’un PTM purement technocratique ne disant pas son nom.

  • C’est pourquoi, après avoir rencontré la conseillère sociale dès son arrivée le 1er septembre, nous demandons l’organisation au plus vite d’une réunion placée sous l’égide de la directrice de cabinet et en présence du préfigurateur de la nouvelle entité et des directeurs généraux.
  • Nous réitérons également nos demandes, exprimées en séance le 27 août, d’une audience bilatérale avec la ministre, ainsi que d’un CT-Ministériel présidé par ses soins d’ici fin septembre sur l’ensemble des problématiques ministérielles. 
  • Nous prendrons immédiatement l’attache de la secrétaire ou du secrétaire général nommé-e en conseil des ministres le 3 septembre (dixit la ministre le 27-08).

  

Focus sur les DRAC

Nous avons alerté la ministre sur le projet gouvernemental de mettre en œuvre des secrétariats généraux communs placés sous l’autorité des préfets, et entraînant de facto une forme de préfectoralisation préoccupante de l’organisation territoriale de l’Etat.

Elle-même est revenue sur la menace persistance que fait peser sur les DRAC le projet de loi 3D pour « décentralisation, différenciation et déconcentration », projet répondant au souhait du Président de la République d’ouvrir « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire » ; c’est-à-dire à une forme de décentralisation à la carte et à géométrie variable éminemment dangereuse.

Tout cela au moment même où, plus que jamais, nous avons besoin de DRAC fortes, en pleine capacité d’assurer dans les territoires le plan de relance, le succès et le développement de politiques culturelles renouvelées et indispensables à la cohésion et à la justice sociale. 

La ministre s’est montrée volontariste et combative, partageant notre diagnostic quant au risque accru et manifeste d’un délitement de nos services déconcentrés. Elle n’a pas hésité à dépeindre la perspective d’un enfermement dans le redoutable étau constitué d’une part par la récurrence du mouvement de réorganisation de l’Etat, et d’autre part, par le projet assumé des collectivités territoriales de gagner en autonomie et notamment au plan budgétaire.

Il y donc tout lieu de penser que la ministre jouera de son influence et de son statut au sein du gouvernement pour s’opposer au dépeçage des DRAC. En tous cas, nous prenons acte de ses propos et de sa détermination.

Elle devait rencontrer dans les jours suivants le tout nouveau Préfet de la région Ile-de-France (en poste depuis le 17 août dernier), qui a piloté la « reforme » du regroupement des SG communs pour le gouvernement.

 

Reste que sur ce dernier point comme sur tous les enjeux abordés au cours de cette première réunion, nous restons extrêmement vigilants et mobilisés aux côtés des personnels.

  

Notre combat pour la refondation des politiques culturelles et pour le renouveau des politiques sociales se poursuit et, d’une certaine façon, il ne fait que commencer.

Paris, le 3 septembre 2020

Vive la culture

et que vive le ministère de la Culture !