Résorption de la précarité au ministère : Madame la ministre déclare le chantier « déjà ouvert »

Le recours accru à la contractualisation, renforcé par la création du contrat de projet (article 7 bis de la loi du 11 janvier 1984), ouvre la voie à une généralisation de la précarité « statutaire » sans garanties collectives ni déroulement de carrière. La rencontre entre la ministre de la Culture et vos représentants le 27 août 2020 a permis d’entrevoir les orientations qu’elle entend fixer à son administration. Parmi les nombreux chantiers à ouvrir ou à clôturer, certains sont d’ores et « déjà ouverts » au rang desquels nous sommes satisfaits de compter celui de la résorption de la précarité au ministère !

Résorber la précarité au Ministère de la Culture

Malgré les deux plans « Sauvadet » de titularisation engagés depuis 2012, la situation statutaire et sociale des agents publics sous contrat du Ministère de la Culture est très loin d’être réglée. Les personnels « non-titulaires » représentent la moitié des effectifs (administrations centrales et déconcentrées et tous établissements publics confondus) soit près de 12 000 agents sur les 24 800 du ministère de la Culture. Cette proportion est parmi les plus élevées dans la Fonction publique de l’État.

L’essentiel des agents contractuels du ministère exercent pourtant des missions permanentes pour lesquelles existent des corps de fonctionnaires. Ces recrutements sur contrats sont destinés à pourvoir des postes dans les quatre grandes filières de titulaires : l’Accueil et surveillance, l’Administration, l’Enseignement supérieur et la filière Scientifique, quel que soit le fondement statutaire de leur recrutement, besoin permanent à temps complet (Art. 4) ou à temps incomplet (Article 6), ou faux besoin non permanent en occasionnel ou surcroît d’activité (Art. 6 sexies).

Les agents contractuels ont vocation à intégrer des corps de fonctionnaires, garantissant des droits et des perspectives d’évolution de carrière moins aléatoires et moins opaques ainsi que des possibilités de mobilité sans perte de salaire.

Malgré cela, seuls 10% des agents ont été CDIsés par la loi « Sauvadet » sur les 4 500 agents sous CDD du ministère (dont une majorité en catégorie C). Ce taux très faible de CDIsation est le résultat de l’extrême fragmentation des contrats et des abus de recours aux contrats à temps incomplet au ministère. Cela laisse près de 4000 agents sous CDD dont la question de la pérennisation de leur emploi reste entière : renouvellement, titularisation ou recrutement par concours sur postes ouverts.

Faire bloc contre le « contrat de projet » qui rime avec « ultra-précarité »

Au-delà de la nécessité de la nécessité de travailler à un vaste de pérennisation des emplois, nous restons très vigilants contre l’usage au ministère de la Culture de ce nouveau contrat inscrit dans la loi de transformation publique du 6 août 2019. L’engagement de la ministre de travailler sur la résorption de la précarité doit commencer par un refus catégorique du « contrat de projet » dans toutes les sphères d’action du service public culturel. Faut-il rappeler que le recours au contrat est déjà largement ouvert par le statut général ?

La création de cette nouvelle forme de précarité autorisée par le « contrat de projet » surpasse toutes les autres. Alors qu’au début des années 2000, une directive européenne contraignait l’Etat Français à octroyer des CDI à tous les agents publics au-delà de 6 années d’emploi sur des besoins permanents, ce gouvernement n’a rien trouvé de mieux en 2019 que de proposer aux agents publics un contrat d’une durée maximale de 6 ans n’ouvrant aucun droit à la CDisation.

Au-delà de la question de la conformité au droit communautaire du contrat de projet – qui mériterait d’être posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes -, il est légitime de redouter l’usage massif et incontrôlé de cette nouvelle forme de précarité par les services ministériels toujours enclins à innover dans la politique du pire en termes de respect des droits des personnels.

Exiger l’ouverture des concours d’accès aux corps de fonctionnaires culture

La CGT demeure fondamentalement attachée au recrutement par concours, en ce qu’il reste le vecteur le plus à même d’assurer l’égalité d’accès à la Fonction Publique. En revanche, le contrat impose, par nature, un recrutement au bon vouloir des employeurs, autorisant ainsi toutes les dérives clientélistes. Malgré les tentations récurrentes de démanteler le Statut Général, le principe de l’égalité d’accès aux emplois de la Fonction publique conserve toute sa pertinence et constitue un des éléments fondamentaux du socle républicain.

Les avancées obtenues par la circulaire ministérielle du 27 juillet 2015 dite « retour à la règle »[1] sont purement et simplement balayées d’un revers de main ! Source de précarité statutaire et sociale, le recours systématique au contrat doit laisser place à une ouverture rapide du plus grand nombre de concours possible avec le plus grand nombre de postes nécessaires à la résorption de la précarité et de l’emploi contractuel.

C’est pourquoi, afin d’obtenir et garantir l’égalité d’accès aux emplois publics l’arrêt de toutes les discriminations et plus particulièrement celles faites aux femmes, la résorption de la précarité et des garanties pour l’usager d’un service public neutre et exemplaire, nous exigeons :

  • Un plan immédiat de résorption de la précarité (dont la poursuite du plan « SAUVADET » dans sa phase III) ;
  • L’abrogation « du contrat de projet »
  • Des recrutements de fonctionnaires et un vaste plan de titularisation ;
  • Des dispositions légales contraignantes empêchant le recours abusif au non-titulariat.

Paris, le 14 septembre 2020

[1] Circulaire de transcription du protocole d’accord du 8 juillet 2015 signé par la CGT sur la sécurisation des parcours professionnel